Perspectives et contraintes techniques
Issu de la biologie, le terme d’ « exosquelette » désigne ces carapaces que certaines familles d’animaux présentent comme un squelette externe (chéloniens, insectes, mollusques divers) à la différence des vertébrés. La notion a d’abord été adaptée à l’être humain à travers le cinéma de science-fiction. Des films comme « Aliens, le retour » et « Avatar » ont ainsi mis en scène des exosquelettes, sorte de harnachement mécanique dans lequel un personnage s’intègre afin de surmultiplier sa force de levage ou de combat.
De nos jours, le concept d’exosquelette est devenu une réalité dont les progrès techniques font l’objet d’un développement dual particulièrement rapide, intéressant aussi bien les applications militaires que civiles. On en voit d’emblée l’intérêt dans les deux champs. Pour les militaires il s’agirait de pouvoir faire porter des charges de l’ordre d’une centaine de kilos (voire 200 kg pour certains modèles) à un fantassin, ce sur de longues distances et pendant plusieurs heures. Dans un contexte non militaire, les exosquelettes permettraient des gains de productivité en matière de manutention, de transport, de dégagement d’obstacles, sans parler de l’espoir qu’ils représenteraient à pouvoir redonner une certaine motricité aux personnes paralysées.
Aux États-Unis, la DARPA (1) travaille sur la question au moins depuis le début des années 2000, mais les obstacles techniques ont été importants. Nécessitant en premier lieu une réelle maîtrise de la robotique, le concept d’exosquelette pose aussi la question de la communication entre le corps humain et le système, la transmission de l’influx nerveux à la machine. La source d’énergie devant alimenter le système est également un défi technique important. Les batteries devront être endurantes et légères pour des dimensions réduites, souples d’utilisation et peu consommatrices en énergie.
Miniaturisation et légèreté, faible encombrement et utilisation silencieuse dans un contexte tactique sont les difficiles équations à résoudre pour mettre au point un exosquelette militaire véritablement performant et opérationnel. Or, au début des années 2000, le rapport entre la masse que représente un soldat (équipements, arme et munitions) et le poids que pouvait alors soulever un bras robotisé était plus qu’insuffisant. Les systèmes robotisés (énormes) de l’époque ne parvenant à mouvoir que le dixième de leurs poids... On mesure alors les progrès réalisés en la matière par la société japonaise Cyberdyne, qui a récemment mis au point une armature robotisée ayant permis à un homme de gravir le Mont Saint-Michel avec un paralysé sur le dos en juillet 2011. Le HAL (Hybride Assistive Limb) de Cyberdyne pèse tout de même 25 kilos.
La France ne reste pas à la traîne dans le domaine des exosquelettes. La Direction Générale de l’Armement (DGA) a ainsi commandé un prototype auprès de la société Rb3d, spécialisée dans « l’assistance aux gestes » et les programmes « COBOTS » ou robots « coopératifs ». Rb3d travaille sur des membres mécatroniques, c’est-à-dire des systèmes combinant à la fois la mécanique, l’électronique et l’informatique, dont la structure d’ensemble porte la charge à la place du corps humain. L’actuel modèle baptisé Hercule est ainsi en cours d’évaluation par la DGA. Exosquelette de nouvelle génération, Hercule est capable d’actions réversibles au niveau de ses articulations et, comme le HAL japonais, il n’est pas commandé mais asservi, ce qui veut dire qu’il détecte un mouvement et l’accompagne plutôt que d’attendre un ordre.
Les exosquelettes militaires
La question des exosquelettes militaires ne relève pas de la recherche d’un nouveau gadget technologique, mais d’un vrai problème soulevé récemment (et de plus en plus fréquemment) par les observations des médecins militaires. La tenue de nos combattants modernes n’a jamais été aussi lourde (40 kilos en moyenne), et dans un contexte tactique prolongé cela a des conséquences inquiétantes sur la santé des soldats. L’évolution dans des reliefs difficiles avec des charges pesantes permanentes, de longues positions inconfortables par des températures extrêmes, finissent par user prématurément les articulations des soldats dont un nombre grandissant développent désormais des cas d’ostéoarthrite avant l’âge de 30 ans. Des rapports médicaux américains portant sur de jeunes hommes et de jeunes femmes de retour d’Irak et d’Afghanistan, montrent que ces derniers sont fréquemment atteints par une dégénérescence anormale des cartilages des genoux, de la hanche mais surtout de la colonne vertébrale. Beaucoup retournent ainsi à la vie civile avec des articulations de vieillard et la perspective de souffrances chroniques pour le reste de leur vie.
L’équipement du fantassin français, félinisé ou non, n’étant pas plus léger que celui du fantassin américain, la probabilité que nos soldats développent eux aussi ce type de dégénérescence est donc, elle aussi, élevée. Le poids - de l’arme et de l’armure autrefois, des munitions et des protections balistiques aujourd’hui - a toujours été la servitude de l’infanterie. Les exosquelettes ne résoudront certainement pas tous les problèmes, mais ils permettront sans nul doute dans un avenir proche (2) de soulager considérablement la charge de nos fantassins.
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Lectures indicatives