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Les trinômes académiques

Présentation des trinômes académiques.

Article mis en ligne le 7 décembre 2017
dernière modification le 11 novembre 2020

par Nghia NGUYEN

Origine et mission des trinômes académiques

C’est en 1982, à l’initiative de l’Institut des Hautes Études de Défense Nationale (IHEDN), qu’un premier protocole interministériel rapproche l’Éducation nationale et la Défense. La France est encore sous le régime de la conscription, mais la nécessité de promouvoir un véritable Esprit de défense au sein de la société se fait néanmoins sentir.

Les trinômes académiques trouvent leur origine dans ce protocole, mais il faut attendre septembre 1987 pour assister à leur création. Mission officielle et décentralisée, ils se structurent autour de trois acteurs : le Ministère de l’Éducation nationale (MINEN), l’IHEDN et le Ministère de la Défense (MINDEF). Concrètement le trinôme c’est - dans chacune des 30 académies et pour chaque département composant l’académie - un IA-IPR représentant le Recteur, un délégué départemental de l’association régionale de l’IHEDN et le colonel commandant la Délégation Militaire Départementale (DMD). Le protocole de 2016 a, depuis, ajouté un quatrième partenaire : le Ministère de l’Agriculture.

Depuis trois décennies, les trinômes ont donc été la vitrine officielle plus ou moins visible de la contribution de l’Éducation nationale à l’Esprit de défense. Leur mission est d’expliquer la Défense (enseignement de défense) et d’en diffuser la culture (Esprit de défense) au sein d’une Éducation civique plus large (parcours citoyen) : colloques et formations pour les enseignants (volontaires), création de Classes Défense et Sécurité Globale (CDSG), organisation d’actions pédagogiques et de rallyes citoyens avec les acteurs de la défense et de la sécurité intérieure et civile, commémorations…

Le bilan des trinômes trente ans après leur création

Le Haut Comité d’Évaluation de la Condition Militaire (HCECM) a évalué l’activité des trinômes pour l’année 2013-2014, mettant en avant la formation de "21 300 enseignants (4,4% du personnel en métropole), dont deux tiers de professeurs d’histoire" et le fait que "plus de 530 000 élèves avaient été touchés." (1) Ces chiffres, comme bien d’autres, laissent songeur lorsque l’on saisit la distorsion entre les intentions officiellement annoncées et la réalité du terrain scolaire. Car d’année en année ce sont les mêmes constats invariables : les collégiens arrivant en classe de seconde n’ont jamais entendu parler d’un quelconque enseignement de défense hormis une poignée ayant fait un stage durant leur année de 3e dans une unité (lorsqu’elle existe dans l’académie) ; des lycéens arrivent jusqu’en Terminale sans la moindre conscience de l’évolution rapide de notre Défense. Ce n’est que le soir sur BFMTV qu’ils voient des patrouilles de militaires venir en soutien aux forces de sécurité intérieures…

1987-2017, trente ans après la création des trinômes académiques, c’est toujours la même gêne à faire chanter l’hymne national à des lycéens, la même difficulté à les mobiliser pour une commémoration, la même méconnaissance des enseignants toutes disciplines confondues sur les questions de défense, la même indifférence administrative si ce n’est les mêmes entraves syndicales et idéologiques envers l’Éducation à la Défense au sein même de l’École républicaine.

Les statistiques régulièrement annoncées par l’institution scolaire, ne changent rien à la réalité du terrain. Elles auraient dû produire un résultat bien plus net en une génération : il n’en est rien et le frémissement récent de l’Esprit de défense – perceptible dans la vague de demandes d’engagement dans les forces armées comme dans la Garde nationale – est davantage le fait des attentats islamistes que le fait de l’action des trinômes.

Il est vrai cependant que le 11e rapport du HCECM demeure lucide quant à l’annonce de telles statistiques : « Si les acteurs de terrain soulignent l’amélioration du traitement des questions de défense et de sécurité nationale par les équipes pédagogiques depuis vingt ans, ils relèvent en même temps la fragilité des dispositifs mis en place qui reposent sur la bonne volonté et l’enthousiasme d’une minorité. » (2) En d’autres termes, si la communauté éducative n’est plus dans ce temps du rejet systématique des problématiques de défense et de l’institution militaire, l’Éducation à la Défense reste encore largement marginalisée dans les écoles, collèges et lycées.

Une action lente face à une rapide évolution du monde et de la Défense

Ce constat ambiguë fera décrire au mieux la situation d’une bouteille à moitié vide ou à moitié pleine. Le bilan est d’autant plus grave que les trinômes ont vu se produire des ruptures fondamentales qu’ils n’ont pas su accompagner comme il le fallait. De 1987 à 2017, les forces armées sont passées de la conscription à l’engagement volontaire, la féminisation s’est accentuée, les restructurations ont bouleversé le paysage militaire et ont été accompagnées de profonds changements culturels. Dans la même période, notre pays a vu s’achever la Guerre froide et naître un nouvel ordre mondial : de l’affrontement conventionnel de forte intensité attendu, nous sommes passés aux « guerres asymétriques et « bâtardes » (4) ; des divisions nous sommes passés aux brigades et aux GTIA ; le soldat n’est plus encaserné à longueur de carrière dans l’Est du pays, mais il est désormais « nomade » et plus familier de l’Asie centrale et de l’Afrique subsaharienne que de la « ligne bleue des Vosges » ; la sidération opérée par le terrorisme islamiste n’a pas pour autant fait disparaître le spectre des guerres entre les « États puissances » (5).

Que dire également des révolutions technologiques qui se sont opérées entre temps ? En 1987, l’INTERNET n’existait pas du moins tel que nous le connaissons. Nos élèves sont-ils, en 2017, pour autant systématiquement formés à l’ « hygiène informatique », aux réflexes de sécurité sur les réseaux sociaux, en un mot initiés a minima à la cyberdéfense ? L’élève de Terminale qui s’apprête à sortir de l’enseignement secondaire, a t-il été vraiment sensibilisé au fait qu’il sera bientôt au sein de l’entreprise sa première ligne de défense ? Si des conférences ont pu sensibiliser quelques enseignants ici et là, qu’ont-ils fait de cette formation ? Il suffit d’observer dans les CDI la quasi inexistence d’ouvrages sur ces questions pour prendre conscience du décalage entre les discours officiels des trinômes et ce qui se fait réellement dans les établissements scolaires.

C’est que l’action des trinômes est restée pendant longtemps théorique. Elle est encore à ce jour très inégale selon les académies. Certes, il y a la question des moyens : la présence d’un vivier de conférenciers de haut niveau et celle d’unités militaires sur le territoire académique pèsent indubitablement dans la dynamique des trinômes. Les trois académies d’Île-de-France seront ainsi particulièrement avantagées dans le premier cas, mais beaucoup moins dans le second. La situation inverse pourra se présenter dans quelques provinces, alors que dans d’autres il n’y aura ni l’un ni l’autre.

Une faiblesse structurelle

La faiblesse des moyens n’explique cependant pas tout. Les trinômes s’appuient sur un réseau de relais défense dans les établissements scolaires. Ces référents, qui ne sont pas exclusivement des enseignants, ont pour mission de diffuser les informations du trinôme académique, d’organiser des actions pédagogiques et de faire remonter aussi des informations du terrain. La présence de ces acteurs au plus près des élèves – ce qui en fait les véritables chevilles ouvrières des trinômes – n’est malheureusement pas systématique dans les 63 600 écoles et établissements du second degré. Quand bien même, sur quoi ces relais défense s’appuieraient-ils concrètement pour faire vivre un enseignement de défense cohérent et pérenne ? Celui-ci n’existe pas en tant que tel, ou n’est pas structuré de manière durable au sein des programmes scolaires que ce soit dans une matière ou de manière transversale à plusieurs matières. Qui plus est, il ne présente aucun caractère obligatoire au-delà de la pétition de principe portée par la loi RICHARD (3).

C’est cependant la volonté affirmée, réelle et sincère ou non des autorités académiques – et au-delà de l’Éducation nationale – de faire vivre pleinement la mission des trinômes qui, in fine, pèse le plus. Quand bien même rencontrerions-nous ici et là des personnes de valeur témoignant d’une conscience élevée de l’urgence de la mission, et pétries par le sens du Bien commun, comment pourraient-elles aujourd’hui dynamiser les trinômes académiques ? De Versailles à Grenoble en passant par Paris, certains trinômes paraîtront plus dynamiques, mais ce sera au sein d’un paysage atone où sur certaines pages académiques les dernières actions pédagogiques présentées remontent aux années 2000.

La question de la capacité de l’institution « trinôme » à pouvoir changer les choses en l’état, trois décennies après leur création, est posée. En entretenant le flou conceptuel sur les expressions « Éducation », « enseignement », Esprit » de défense, en diluant la notion de Défense dans celle de Citoyenneté, en ne portant pas un enseignement de défense nettement identifié, les trinômes ne sont pas des cadres stimulants, pouvant permettre l’innovation intellectuelle ni l’initiative indispensable à l’action de terrain. Pire, la Mémoire n’est pas l’Histoire et en substituant systématiquement le « devoir de Mémoire » à cette dernière, les trinômes nourrissent le sens d’un communautarisme rédhibitoire à tout Esprit de défense. Quelles sont, en effet, les valeurs partagées entre la mémoire de la Shoah et celle des Pieds-Noirs ? Entre les mémoires antagonistes issues de la Guerre d’Algérie et celles de la Résistance ?

__________

  1. Cf. HCECM, « La fonction militaire dans la société française », 11e rapport, septembre 2017, p. 88.
  2. Ibid. p. 88.
  3. Cf. La loi 97-1019 du 28 octobre 1997 portant réforme du Service national stipule qu’ « À partir de la rentrée 1998, les principes et l’organisation de la défense nationale et de la défense européenne font l’objet d’un enseignement obligatoire dans le cadre des programmes des établissements d’enseignement du second degré des premier et second cycles. Cet enseignement a pour objet de renforcer le lien armée-nation tout en sensibilisant la jeunesse à son devoir de défense. » (Article L114-1).
  4. BALANCIE (Jean-Marc) et DE LA GRANGE (Arnaud), Les guerres bâtardes. Comment l’Occident perd les batailles du XXIe siècle, Perrin, 2008, 190 p.
  5. de VILLIERS (Pierre), Servir, Fayard, 2017, pp. 31-50.


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