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La photographie n° 128 (1944)
Article mis en ligne le 19 décembre 2017
dernière modification le 3 mars 2021

par Nghia NGUYEN

« L’Album d’Auschwitz » est un album photographique récupéré par Lili ZELMANOVIC (née JACOB) dans le camp de concentration de Dora-Nordhausen en 1945. Cet ensemble de 197 photographies constituent un document unique et exceptionnel en ce qu’il illustre le processus d’extermination nazi à travers la destruction de la dernière grande communauté juive européenne en 1944 : les Juifs de Hongrie.

La situation des Juifs hongrois jusqu’en 1944

La Hongrie fait partie des nouveaux États nés de la défaite des Empires centraux de 1918, et durement sanctionnés par le découpage géopolitique issu de la Première Guerre mondiale. Ayant perdu 66% de son territoire d’avant-guerre, la nouvelle Hongrie voyait dans le rapprochement avec l’Allemagne nazie et l’Italie fasciste un moyen de regagner une partie des territoires perdus. Tout en gardant sa liberté d’action, l’Amiral Miklos HORTHY (1868-1957) s’allie donc à l’Axe en 1940, et soutient l’effort de guerre du Reich contre l’URSS à partir de juin 1941. La défaite de Stalingrad, au cours de laquelle l’armée hongroise subit de très lourdes pertes, voit cependant s’opérer un revirement politique. Percevant dorénavant la possibilité d’une défaite du Reich, la Hongrie tente de sortir de la guerre et de négocier une paix séparée avec les Alliés. En représailles, Hitler fait envahir le pays le 19 mars 1944.

L’existence d’une communauté juive en Hongrie est attestée depuis la fin du Xe siècle. En 1944, cette communauté est forte de 825 000 âmes. Son existence reste difficile : le gouvernement de l’Amiral HORTHY avait imposé une législation raciste calquée sur le modèle des lois nazies de Nüremberg. La guerre durcit la condition des Juifs. À l’été 1941, 20 000 d’entre eux sont déportés en Ukraine et livrés aux Einsatzgruppen. En janvier 1942, à Novi Sad, 3000 Juifs et Serbes sont assassinés par des unités de l’armée hongroise. Des milliers d’autres sont astreints à des travaux forcés où 27 000 d’entre eux mourront de froid, de faim et de mauvais traitement avant même l’occupation allemande. Cependant, dans une Europe livrée à l’extermination systématique des Juifs, le Premier ministre d’HORTHY, Miklos KALLAY (1887-1967), refuse toute déportation massive, et la Hongrie fait encore figure d’un havre de paix relatif au moment où le Judaïsme en Pologne et dans les États baltes est anéanti.

C’est cette situation qui change à partir du 19 mars 1944. Du jour au lendemain, le nouveau gouvernement hongrois livre les Juifs aux Allemands, et participe activement à leur élimination. Aidé par l’administration locale, le SS Oberstumbannführer Adolf EICHMANN (1906-1962), présent à Budapest dès le printemps 1944, organise les déportations à destination de Birkenau. Jusqu’au 12 juillet 1944, date du dernier convoi, les trains se succèdent à un rythme jamais atteint alors qu’au même moment les combats font rage aux frontières de l’Allemagne, et que la Wehrmacht manque cruellement de moyens logistiques. Ce sont d’abord les 437 402 Juifs des Carpates et de Transylvanie qui sont déportés en seulement 56 jours du 15 mai au 9 juillet. 147 convois ferroviaires ont été nécessaires. Viennent ensuite les juifs de la capitale, au nombre de 250 000, jusqu’à ce qu’un bombardement de l’US Air force sur Budapest interrompe définitivement les déportations en juillet 1944.

L’épisode tragique des Juifs de Hongrie frappe parce qu’il intervient dans un pays qui avait, de fait, protégé sa communauté juive depuis 1939 mais qui bascule désormais dans le génocide. L’administration hongroise y prend même une part active alors que nous sommes dans la dernière année de la guerre, et que tout le monde comprend qu’elle est bientôt perdue pour le Reich. L’assassinat des Juifs de Hongrie frappe également par sa rapidité. En un peu moins de quatre mois, c’est l’essentiel du Judaïsme hongrois qui est anéanti, et c’est la dernière grande communauté juive d’Europe qui disparaît à tout jamais. Sur les 825 000 personnes formant cette communauté, 565 000 soit près de 70% moururent. Lorsque le dernier convoi part pour Auschwitz-Birkenau - le 12 juillet - la ville de Caen en Normandie n’est toujours pas libérée à l’Ouest, et l’opération Bagration bat encore son plein à l’Est. L’Armée rouge ne devait pas entrer en Hongrie avant le mois d’octobre 1944.

L’Album d’Auschwitz

L’Album d’Auschwitz décrit, donc, cette tragédie. Constitué à partir des clichés de deux photographes SS – Ernst HOFFMAN et Bernhard WALTER qui étaient, seuls, habilités à prendre des photographies dans l’enceinte du camp de Birkenau -, ce document nous montre au-delà des destins individuels (1) le processus de l’extermination à l’œuvre :

  1. La dimension européenne du massacre que font ressortir la nationalité des victimes, leur nombre et les moyens de transport mis à disposition du génocide.
  2. Le génocide en lui-même en ce que nombre de femmes et d’enfants emmenés vers les chambres à gaz apparaissent. Les hommes ne sont pas les seuls concernés.
  3. L’opération de la sélection.
  4. La géographie du camp de Birkenau.
  5. Les installations du meurtre de masse.

Parce que ce meurtre est justement un meurtre de masse qui - s’il n’apparaît pas visuellement au sens classique d’une tuerie - est montré à travers un processus au sens industriel du terme. Le document 128 de l’album montre ainsi des femmes et des enfants accomplissant leur dernier trajet sans le savoir. Séparés des hommes lors de l’opération de la sélection, ils viennent de quitter la route principale du camp et entrent dans la cour du bâtiment KII.

Ce dernier a été identifié car on aperçoit en arrière-plan le bâtiment KIII. Les KII et KIII (K pour Krematorium) constituaient les deux installations de gazage homicide les plus modernes sur les 6 que comptaient le camp d’Auschwitz-Birkenau. Situés en face à l’opposé de l’entrée du camp, on y accédait quasiment de la Banhrampe, contrairement aux KIV et KV, plus au nord, qui nécessitaient un transport en camions.

Le KII est opérationnel à partir du 14 mars 1943, et le KIII à partir du 25 juin de la même année. Ils avaient chacun une capacité d’accueil de 1500 personnes environ, et étaient conçus sur le principe d’une chaîne au sens industriel : de l’entrée on débouchait sur une «  salle de douches  ». La mise à mort durait une dizaine de minutes seulement à l’issue desquelles les hommes du Sonderkommando (2) sortaient les cadavres par l’autre bout de la salle, récupéraient les objets de valeurs (alliances, dents en or…) mais aussi les cheveux. Les cadavres étaient ensuite montés par des élévateurs à l’étage supérieur où se situaient quinze fours crématoires. Les cendres étaient ensuite dispersées dans la Vistule ou la Sola.

  1. Yad Vashem est le mémorial israélien dédié aux victimes de la Shoah. Situé à Jérusalem, sa construction a été lancée en 1953. Il a permis l’identification de nombreuses personnes.
  2. Le Sonderkommando ou « commando spécial » était constitué de Juifs en bonne santé qui bénéficiaient, lors de la sélection, d’un sursis. Ils étaient astreints soit aux tâches industrielles - et étaient alors dirigés vers Auschwitz III-Monowitz -, soit à la crémation des gazés à Auschwitz II-Birkenau. Représentant environ 25% d’un convoi, ils étaient à leur tour assassinés au bout de quelques mois, et remplacés par d’autres « Juifs de labeur ».

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Bibliographie

  • L’Album d’Auschwitz, Éditions Al Dante, Fondation pour la mémoire de la Shoah, 2005, 152 p.


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