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La prise de Phnom Penh par les Khmers rouges (1975)
Article mis en ligne le 21 décembre 2017
dernière modification le 17 avril 2024

par Nghia NGUYEN

Charnier khmer rouge

 

Le Cambodge moderne naît de la dissolution et du partage de l’Indochine française. Il est cependant rapidement entraîné dans la Guerre du Viêt Nam nonobstant les efforts du Roi Norodom SIHANOUK (1922-2012) pour maintenir le pays dans la neutralité. À partir de 1967, le Parti Communiste du Kampuchéa (PCK) - dont les Khmers rouges constituent les éléments les plus radicaux - déclenche une insurrection qui gagne rapidement en importance. Dès lors, il devint difficile pour SIHANOUK de maintenir une réelle neutralité entre les luttes d’influence qui le poussaient soit vers les États-Unis, soit vers l’URSS et la Chine. En 1970, il est renversé et entre dans une opposition qui s’appuie sur les communistes.

Désormais, c’est le Général LON Nol (1913-1985), farouchement anti-communiste, qui exerce la réalité du pouvoir. Il ouvre le Cambodge à une intervention américaine qui vise à frapper la piste Hô Chi-Minh et les sanctuaires viêt-cong situés sur le territoire cambodgien. Cette intervention ne fait que renforcer les Khmers rouges au moment où les États-Unis se désengagent définitivement du conflit vietnamien. Au printemps 1975, les Khmers rouges représentent une force militaire de 70 000 combattants capable de lancer une offensive organisée sur la capitale Phnom Penh. Cette dernière tombe le 17 avril 1975.

Conflit impopulaire - au même titre que la Guerre du Viêt Nam - dans un Occident alors en pleine Guerre froide et sensible aux sirènes du Maoïsme, la Guerre du Cambodge a vu une partie de l’intelligentsia (1) et de la jeunesse occidentales prendre position en faveur des Khmers rouges.

Ainsi, la victoire militaire de ces derniers, le 17 avril 1975 a été saluée en France par le journal Libération qui titrait « Le drapeau de la résistance flotte sur Phnom Penh » (article du 17 avril) ; « Sept jours de fêtes pour une libération » (article du 18 avril). L’Humanité parlait de « La victoire de Phnom Penh » et « Après cinq ans de résistance Le peuple cambodgien vainqueur : Phnom Penh fête sa libération » (articles du 18 avril).

Quant au journal Le Monde, il affirmait sous la plume du journaliste engagé Patrice DE BEER (2) : « La ville est libérée, les révolutionnaires sont arrivés par le nord, non loin de l’ambassade de France [...]. On entend encore des coups de feu dans le centre de la ville, mais l’enthousiasme populaire est évident. Des groupes se forment autour des maquisards souvent porteurs d’armes américaines, jeunes, heureux, surpris par leur succès facile » (article du 18 avril).

« Résistance », « libération », « victoire »… Absence de recul et aveuglement idéologique. La dictature khmère rouge s’abat au lendemain même de l’entrée des révolutionnaires dans Phnom Penh. Le génocide qui s’ensuivit (1975-1979) fit près de deux millions de morts (3), et figure comme l’un des plus grands génocides du XXe siècle après la Shoah.

  1. Cf. On pensera en particulier au philosophe Alain BADIOU, au sociologue Serge THION et à l’historien américain Ben KIERNAN.
  2. Cf. Quatre décennies après les événements, Patrice DE BEER revient sur les événements sur France Inter. La question de l’engagement politique des journalistes n’est pas abordée.
  3. Cf. Soit plus de 20% de la population de l’époque.

__________

Ressources

  • CANDLER (David), Une histoire du Cambodge, Les Indes savantes, 2011, 320 p.
  • DERON (Francis), Le procès des Khmers rouges. Trente ans d’enquête sur le génocide cambodgien, Gallimard, 2009, 480 p.
  • JOFFÉ (Roland), La déchirure, 1985.
  • LOCARD (Henri), Pourquoi les Khmers rouges, Éditions Vendémiaire, 2016, 384 p.
  • PANH (Rithy), L’élimination, Le Livre de Poche, 2013, 264 p.

 


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