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Le genre, l’animal, l’euthanasie : ravages d’une philosophie devenue folle

REDEKER (Robert), « Le genre, l’animal, l’euthanasie : ravages d’une philosophie devenue folle », in Le Figaro, 24 septembre 2018.

Article mis en ligne le 30 septembre 2018
dernière modification le 10 novembre 2020

par Nghia NGUYEN

Le remarquable ouvrage de l’universitaire Jean-François Braunstein, La Philosophie devenue folle, permet de mesurer les périls qui menacent l’humanisme, s’alarme le philosophe (1). Les réformes sociétales - du « mariage pour tous » à l’« écriture inclusive » - mises en œuvre dans de nombreux pays occidentaux ces dernières années n’ont de réformes que le nom. Elles visent en réalité à bouleverser la structuration commune de la vie humaine et les fondements symboliques (au sens de ce mot pour la psychanalyse et d’autres sciences humaines) de l’individu, tout en charriant une nouvelle idée de l’homme.

Le terme de réforme masque la portée de ces bouleversements. C’est de révolution anthropologique qu’il convient de parler. Une telle révolution n’est pas l’expression des caprices de Najat Vallaud-Belkacem hier ou de Marlène Schiappa aujourd’hui. Elle plonge ses racines dans les œuvres de théoriciens américains que l’universitaire Jean-François Braunstein soumet à une salutaire enquête philosophique. Le lecteur de son livre La Philosophie devenue folle (Grasset) saisira la cohérence et l’ampleur de l’ouvrage.

La ligne de combat est triple : le genre, qu’il s’agit de substituer au sexe ; l’animal, qu’on entend rendre égal à l’homme ; et la mort, qui serait transformée en événement technique. Trois intellectuels (deux américains et un australien) inspirent ces batailles : Judith Butler, Donna Haraway et Peter Singer. Leurs livres sont pour le moins pittoresques. Dans les trois cas, l’affaire revient à expulser l’humanisme - qui suppose une différence ontologique entre les sexes, entre l’homme et les animaux, entre la vie et la mort - de la culture. L’humanisme est l’attitude d’esprit qui extrait l’homme du reste de l’univers, lui conférant par ce geste sa dignité, c’est-à-dire, au sens propre, son rang. Les courants de pensée et d’action issus de nos trois auteurs jettent aux orties cet humanisme et cette dignité.

Puisqu’il n’y a ni insularité ni privilège de l’homme dans l’univers, toutes les frontières sont appelées à être détruites. Ces courants prétendent en finir avec les différences imposées par la biologie et par la culture. Poussant la logique du genre jusqu’à son terme, la théorie queer suppose que l’on peut choisir son sexe et en changer à tout moment de sa vie. La négation de la différence entre les sexes s’articule à celle de la différence entre hommes et bêtes. Racontant son histoire torride d’amour physique avec sa chienne, Donna Haraway se fait, avec un véritable esprit de sérieux, grande prêtresse de la zoophilie. L’effacement des frontières entraîne également une justification de la pédophilie. Aux yeux de Singer, « les attitudes envers la pédophilie ou la zoophilie ne sont en rien différentes des attitudes anciennes à l’égard de l’homosexualité ». Bref, ces tabous, liés aux monothéismes et aux découpages arbitraires de la réalité, seraient destinés à passer aux oubliettes.

Père de l’antispécisme, le philosophe australien utilitariste Singer se fait également le propagandiste de l’infanticide sur la base de la supériorité de certaines vies sur d’autres. Pour lui, la vie d’un chien en bonne santé aurait plus de valeur que celle d’un enfant handicapé ou qui rendrait difficile la vie de ses parents ; d’où il serait pour cet auteur criminel de tuer ce chien et innocent de tuer cet enfant. L’antispécisme et la zoolâtrie conduisent à une préférence animale dans certaines situations. La notion de « qualité de la vie », utilisée pour justifier l’infanticide mais aussi l’élimination des personnes handicapées, voire improductives ou gênantes, déclasse le vieil héritage civilisationnel venu de l’Ancien Testament, honni par cette « philosophie devenue folle » : la vie comme essence absolue et sacrée.

Ici se révèle le cœur de ce dispositif : mener la guerre contre les essences, ces entités conceptuelles stables (l’homme, la femme, l’animal, la mort). Le mot « essentialisme » est devenu dans les débats de société - à l’image d’un autre, « populisme » - une accusation destinée à discréditer son interlocuteur, à l’éliminer de la conversation en faisant peser sur lui un double soupçon, celui de la bêtise et celui de la réaction. En réalité, tout ce qui est humain n’existe qu’à l’intérieur de frontières qui délimitent ce que Pascal nommait la dignité - au sens propre : ce qui sépare - de l’homme. La guerre contre les essences et les frontières conceptuelles est une subversion destinée à mettre à bas l’humanité de l’homme.

Pareille folie est contagieuse. Inspirateurs de nombreuses réformes sociétales, de maints mouvements d’illimitation des droits, de l’état d’esprit d’une partie de notre société, les intellectuels fustigés par Braunstein développent leurs idées jusqu’à des conséquences peu connues en France, bien qu’impliquées dans leurs énoncés. Le langage quotidien lui-même est affecté par ces courants de pensée. On retrouve une partie du vocabulaire issu de cette galaxie intellectuelle chez nos gouvernants, quelques universitaires et de nombreux journalistes, ainsi que dans le néoféminisme, le véganisme et l’antispécisme. Or adopter un vocabulaire, c’est, parfois inconsciemment, soutenir un projet. Le livre de Jean-François Braunstein dévoile la vision du monde qui se cache derrière un lexique d’apparence sympathique. Une lecture indispensable.

Robert Redeker

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  1. Robert Redeker a récemment publié Peut-on encore aimer le football ? (Le Rocher, 2018).

 


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