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Mondes en guerre
Article mis en ligne le 25 décembre 2019
dernière modification le 3 décembre 2020

par Nghia NGUYEN

La mondialisation de la guerre a désormais son histoire. Phénomène largement présenté sous un angle géoéconomique et contemporain, la mondialisation peut aussi être abordée comme un jeu d’échelles sur plusieurs millénaires. C’est en tout cas le pari relevé par Hervé DRÉVILLON et plusieurs équipes de chercheurs qui - avec la collection Mondes en guerre (1) - privilégient une explication globale à partir de cette réalité anthropologique aussi ancienne que l’Humanité elle-même : la guerre (2). Pour reprendre la formule de M. DRÉVILLON, la problématique de cette somme érudite - dont les deux premiers volumes viennent de paraître à l’automne 2019 - pourrait se résumer par « comment le monde fait la guerre et comment la guerre fait le monde ».

Professeur à l’Université de Paris I Panthéon-Sorbonne où il dirige l’Institut des Études sur la guerre et la paix, directeur de recherches au Service Historique de la Défense (SHD), Hervé DRÉVILLON a également codirigé, avec Olivier WIEVIORKA, une Histoire militaire de la France publiée en 2018. Au même titre que celle-ci, Mondes en guerre a reçu le soutien du MINARM, plus particulièrement celui de la Direction des Patrimoines, de la Mémoire et des Archives (DMPA). La collection se présente en quatre tomes (3) qui suivent une trame chronologique rassemblant, pour chacun, une équipe d’une dizaine de spécialistes.

  • Tome 1 – De la préhistoire au Moyen Âge
  • Tome 2 – L’Âge classique. XVe-XIXe siècle
  • Tome 3 – Guerres mondiales et impériales. 1870-1945
  • Tome 4 – Guerres sans frontières. 1945 à nos jours

 

L’ambition est, donc, d’écrire une histoire mondiale de la guerre qui est aussi une histoire du monde, en évitant l’écueil de l’ethnocentrisme à vouloir souligner une influence prépondérante de l’Occident ; une occidentalisation de la guerre dans ses modalités comme dans ses interprétations. Les perspectives des études privilégieront les interrelations que permettent les conflits, ces derniers pouvant, par exemple, développer des phénomènes de socialisation et d’acculturation à l’exception des confrontations où dominent une logique d’extermination systématique (4). Elles dépasseront aussi la dimension des acteurs classiques des guerres (États, nations, groupes divers) pour mieux interpréter l’action de ceux-ci à l’échelle des mondes, et aux différentes échelles du monde. Approche multiscalaire à l’endroit des espaces, Mondes en guerre applique également la méthode à la chronologie en préférant aux épisodes chronologiques classiques le temps long. Le propos part de la naissance de la guerre avant l’Histoire, et parcourt le phénomène dans l’espace jusqu’à nos jours. Il s’agit donc d’une étude de la conflictualité dans sa dimension universelle.

 

 

Partant, la réflexion des auteurs infirme l’idée que l’Humanité serait parvenue au stade de la « guerre mondiale » à partir de 1914 et avec une réédition en 1939. Si le qualificatif de « mondial » désignait l’extension d’une confrontation à plus de deux États belligérants et sur plusieurs continents en même temps, il existe des précédents dont le plus célèbre est la Guerre de Sept Ans (1756-1763). Le temps long permet, surtout, de montrer que les deux plus grands conflits du XXe siècle ont moins été annonciateurs en tant que tels, qu’ils ont constitué une acmé du fait de l’extension et de l’intégration des espaces en guerre ; du fait aussi de la dimension apocalyptique qu’amène l’avènement de l’arme nucléaire. Une acmé qui n’est pas pour autant dépourvue de rupture telle la dimension génocidaire qui efface la distinction - plus que jamais artificielle - entre les phénomènes militaires et ceux relevant de l’univers des sociétés civiles.

On trouvera par conséquent cet autre apport qui est de vouloir corriger et rééquilibrer les excès d’une historiographie qui, pendant une grande partie du XIXe siècle et début du XXe siècle, a limité l’histoire militaire aux personnalités combattantes, aux champs de bataille et à la tactique. Une « histoire batailles » par la suite ostracisée et stigmatisée par l’École des Annales et ses ramifications historiographiques. Entre une histoire des batailles qui ne s’est pas intéressée à la dimension civile des conflits et une histoire de la guerre qui, à l’excès inverse, repousse les aspects militaires dans les périphéries pour ne privilégier que les dimensions économiques, sociales et culturelles des affrontements guerriers, Mondes en guerre se donne pour objectif d’en finir avec ces deux réductions intellectuelles.

Au final, c’est une somme d’érudition d’une grande qualité esthétique, présentant des milliers de pages accompagnées d’infographies et de nombreux documents d’illustration, qui rénovera notre regard sur le phénomène guerrier.

__________

  1. Cf. TRAINA (Giusto) (dir.), Mondes en guerre. De la préhistoire au Moyen Âge, T1, Paris, Passés/Composés-MINARM, 2019, 750 p. DRÉVILLON (Hervé) (dir.), Mondes en guerre. L’Âge classique. XVe-XIXe siècle, T2, Paris, Passés/Composés-MINARM, 2019, 782 p.
  2. Cf. REDEKER (Robert), Le soldat impossible, Paris, Éditions Pierre-Guillaume de Roux, 2014, 284 p. dont on reliera une partie de la réflexion à la problématique de Mondes en guerre. Dans cet essai, le philosophe développe l’idée que la guerre est le "coeur paradoxal de la civilisation". « Seul l’être ayant accès au langage et à la dimension symbolique - l’homme - s’avère capable de concevoir et de conduire la guerre. Au même titre que l’amour, la mort, le désespoir et le bonheur, la guerre n’existe que pour ces êtres qui vivent au sein du langage, les hommes. [...] Ses origines ne sont aucunement à chercher dans la nature - il n’y a pas de guerre dans la nature, seule y règne la loi du plus fort pour la survie, aucun animal ne recherchant la puissance - mais exclusivement dans la civilisation, dont elle constitue la part d’ombre, la part maudite toujours menaçante » p. 34.
  3. Cf. Les tomes 3 et 4 paraîtront dans le courant de l’année 2020.
  4. Cf. REDEKER (Robert), op. cit. pp. 42-43 concernant ces interrelations. "L’obstination de la guerre à camper dans le paysage humain s’explique par des raisons anthropologiques : loin d’être naturelle, la guerre est un produit de l’esprit et un fait de culture. Ne répand-elle pas la civilisation ? N’est-elle pas créatrice de droit ? N’est-elle pas au fondement du droit ? N’est-elle pas le berceau des États et des Empires ? [...] Ce n’est aucunement parce qu’elle serait naturelle que la guerre a de l’avenir, qu’elle s’avère, hélas, si difficile à déraciner du cours de l’humanité, c’est au contraire parce qu’elle s’enracine dans le coeur de la culture, dont elle exprime une face terrible. La guerre n’est pas naturelle à l’humanité ; elle lui est essentielle."

 

 

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