La musique militaire allemande garde en elle un héritage prussien qui souffre, encore de nos jours, d’une mauvaise réputation du fait de la perversion exercée par le nazisme. D’aucuns continuent d’assimiler - à tort - des marches du XVIIIe ou du XIXe siècle à la période du IIIe Reich. Il est vrai que ce dernier avait mis au goût du jour la musique militaire et qu’elle résonna des années durant dans toute l’Europe occupée. Des chants tels que « Ein Heller und ein Batzen » ou « Lili Marleen » ont ainsi été durablement assimilés à la période de l’Occupation en France alors qu’ils étaient antérieurs à la période hitlérienne et qu’ils n’étaient pas de nature politique. Le deuxième fut même repris et adapté par les soldats alliés durant le conflit, ce qui ne pouvait mieux illustrer l’universalité d’une mélodie capable de transcender la guerre elle-même.
La musique militaire allemande, telle que nous la recevons aujourd’hui, naît dans l’Europe moderne du XVIIe siècle avec l’affirmation du Royaume de Prusse de Frédéric-Guillaume Ier (1688-1740) de la Maison de Hohezollern. Méprisant la vie de l’esprit, le Roi-Sergent fut pourtant celui qui permit l’essor de l’une des plus grandes traditions militaires musicales. C’est du règne de ce prince fruste et brutal, brillamment prolongé au Grand Siècle par son fils, Frédéric II (1712-1786), que date la militarisation de l’État prussien. La Prusse de cette époque devait, en effet, fournir le modèle politique et social de ce que l’on peut entendre encore aujourd’hui par « militarisme », et que l’on ne retrouve pas au Royaume de France à la même époque. Mirabeau disait ainsi : « La Prusse n’est pas un État qui possède une armée ; c’est une armée ayant conquis la nation... »
Cette matrice militariste - qui a profondément influencée la société prussienne puis allemande - a donc laissé des traces encore sensiblement ressenties de nos jours. Pour beaucoup, les racines directes du nazisme sont à rechercher dans le militarisme prussien, et en France, la mémoire de la Guerre de 1870 comme celles des deux guerres mondiales n’ont pas aidé à dépasser cette perception négative (souvent inconsciente) que nous portons toujours sur la musique militaire allemande. Pourtant, par ses rythmes cadencés et martiaux - qui n’excluent aucunement la mélodie -, rythmés par les carillons (glockenspiel), et accentués par les fifres, celle-ci est encore considérée comme l’archétype de la musique militaire en Europe et dans le monde.
__________
__________