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L’opération Chariot (1942)
Article mis en ligne le 3 mai 2017
dernière modification le 22 janvier 2024

par Nghia NGUYEN

C’est à Spean Bridge - dans les Highlands - que se trouve le mémorial des commandos britanniques non loin de leur camp d’entraînement durant la Deuxième Guerre mondiale (Achnacarry Castle)

 

La bataille de l’Atlantique

En ce début d’année 1942, les combats les plus cruciaux pour les alliés occidentaux se déroulent non pas en Afrique du Nord mais dans l’océan Atlantique. L’une des plus grandes batailles de toute la guerre depuis l’ouverture des hostilités s’y déroule, et elle semble tourner à l’avantage du Reich. Par l’Atlantique, l’Angleterre reçoit le ravitaillement qui lui permet à la fois de nourrir sa population et de continuer la lutte. Par l’Atlantique passent également les liaisons vitales pour aider l’allié soviétique également en grande difficulté. Si Washington a pendant longtemps considéré l’océan Atlantique comme son meilleur “fossé antichar” face à l’expansionnisme allemand, c’est ce fossé qu’il faut désormais franchir afin de pouvoir libérer l’Afrique du Nord et l’Europe. Pour résumer la situation stratégique, l’Atlantique concentrent les liaisons vitales qui conditionnent le cours de la guerre.

Or, la situation des alliés est particulièrement sombre en ce début d’année 1942. L’Angleterre est assiégée par la Kriegsmarine dont les U-Boats attaquent avec succès les convois, coulant de nombreux navires. Profitant de la quasi absence de défense des côtes américaines, l’Amiral Karl DÖNITZ lance ses sous-mariniers au large de la côte Est des Etats-Unis et du Canada où, jusqu’au mois d’avril 1942, ils envoient par le fond près d’un million de tonnes de navires américains et britanniques. C’est l’opération Pauckenschlag (1). La bataille de l’Atlantique atteint donc un sommet au printemps 1942. Alors qu’à cette période, il fallait un rythme de 4 tankers par jour pour que la Grande-Bretagne puisse tenir, le stratège de la U-Boat Waffe approchait dangereusement le nombre record de 500 000 tonnes de navires britanniques coulés, seuil à partir duquel il estimait que les constructions navales ne pourraient plus soutenir le rythme des destructions.

Neutraliser le Tirpitz

L’épine dorsale de la Kriegsmarine est alors constituée par les U-Boats. Avec le sabordage de sa Flotte de guerre dans la rade de Scapa Flow (juin 1919), l’Allemagne avait été déclassée en tant que puissance navale. L’entre-deux-guerres n’avait pas laissé suffisamment de temps pour reconstruire une flotte de surface capable de rivaliser avec la Royal Navy et l’US Navy. Cependant, les quelques bâtiments que la Kriegsmarine déploient lorsque le conflit éclate, sont parmi les plus puissants, les plus modernes et les plus dangereux raiders de l’époque. Représentatif de ce renouveau de la puissance navale allemande, le cuirassé Bismarck fut traqué dès le début de la guerre par la Home Fleet (1), et finalement contraint au sabordage en mai 1941. Son sister ship, le cuirassé Tirpitz, ainsi que les cuirassés de poche Admiral Scheer et Lützow, continuaient en revanche de faire planer une grave menace sur les convois alliés.

Hormis le fait que les bâtiments britanniques étaient plus nombreux, le Tirpitz souffrait de la faiblesse stratégique inhérente à la Kriegsmarine à savoir la rareté de points d’appui indispensables pour se protéger et réparer d’éventuels dommages et avaries. Sur l’ensemble de la côte occidentale française, il n’y avait qu’un seul point d’appui pouvant jouer ce rôle : le port de Saint-Nazaire avec le dock Normandie aussi appelé forme-écluse Joubert. Il s’agissait d’une vaste cale-sèche de 349 m x 50 m dont la destruction revenait à condamner le Tirpitz à rester dans son fjord norvégien de Faettenfjord. En d’autres termes, le fait de rendre inutilisable la forme-écluse Joubert aboutissait à une neutralisation tactique des grandes unités de surface allemande.

Détruire la forme Joubert

Le plan britannique consistait à amener une force commando jusque dans l’estuaire de la Loire à bord de vedettes non blindées, mais dont le faible tirant d’eau permettrait d’approcher au plus près de l’objectif. C’était tout un complexe portuaire qu’il fallait atteindre et pénétrer pour rendre inutilisable la forme Joubert. Pour cela il fallait détruire les maisons de treuil, la station de pompage et, surtout, les portes des écluses (8 au total) de 11 mètres de haut. D’autres objectifs étaient également prioritaires comme 4 ponts et 6 centrales électriques. Saint-Nazaire étant également une importante base de U-Boats, l’opération Chariot était une opération de grande ampleur avec pas moins de 24 objectifs différents. Elle devait réussir du premier coup, et la plupart des hommes engagés savaient qu’ils n’en reviendraient pas. L’action majeure consistait à amener le destroyer HMS Campbeltown (3) directement dans la forme Joubert afin de la détruire à l’aide de plusieurs tonnes d’explosifs disposés dans les réservoirs arrières du bâtiment. Ce dernier, dont la silhouette fut maquillée en celle d’un torpilleur allemand, devait enfoncer les premières portes écluses et pénétrer profondément dans le bassin avant d’exploser.

 

Le port de Saint-Nazaire après la bataille

 

Planifiée par le Combined operations de Lord Louis MOUNBATTEN (1900-1979), l’opération Chariot fut conduite par le Lieutenant-colonel Augustus Charles NEWMAN (1904-1972). Elle devait être précédée d’un raid de diversion de la Royal Air Force. Durant ce temps, convoyés et couverts par la Royal Navy, les commandos devaient débarquer des vedettes et du HMS Campbeltown, neutraliser les troupes allemandes sur place, détruire plusieurs positions d’artillerie ainsi que les éléments fonctionnels de l’énorme dock. Une partie des 256 commandos engagés devaient se mettre en position défensive pour ralentir l’arrivée rapide des renforts allemands (1 brigade d’infanterie présente sur les lieux) dans un combat prévu à 1 contre 10. Seuls les hommes les plus durement entraînés de l’armée anglaise pouvaient accomplir une telle mission.

La naissance des premières unités commandos

C’est au Royaume-Uni, durant la Deuxième Guerre mondiale, que sont mises sur pied des premières unités de commandos au sens moderne du terme. À savoir des hommes dédiés à des missions particulièrement difficiles, échappant aux savoir faire des unités régulières. D’abord issus des fusiliers marins (Royal Marines), leur recrutement fut rapidement étendu à l’ensemble des unités de l’armée. Sélectionnés dans les Highlands sur des critères physiques, psychiques et intellectuels au-dessus de la moyenne, entraînés au sein de petites équipes spécialisées, dotées d’une très grande initiative, rompus à des exercices amphibies, les commandos britanniques sont créés au début du conflit, dans le contexte particulièrement catastrophique de la défaite française et de l’évacuation de la poche de Dunkerque (opération Dynamo). Dans l’attente d’une réorganisation de ses forces armées et de pouvoir remettre pied sur le continent, l’État-major britannique recherche des hommes capables de mener des raids et des actions ponctuelles dans la profondeur du dispositif ennemi. Un service entièrement dédié à ces opérations spéciales est créé : le Combined operations.

Les commandos sont donc, dans un premier temps, des combattants et des unités destinés à rendre aux armes britanniques ce qui leur manque le plus depuis 1940 : des faits d’armes victorieux, indispensables pour remonter le moral d’un pays stratégiquement isolé et sur la défensive. Sur une idée du Lieutenant-colonel Dudley CLARKE (1899-1974), rapidement admise par Winston S. CHURCHILL (1874-1965), l’armée britannique va donc recruter et entraîner des unités commandos selon un modèle qui fera également école auprès d’autres armées. C’est ainsi que vont naître, entre autres, les Commandos Marine français, constitués, entraînés et commandés par le Commandant Philippe KIEFFER (1899-1962). Ces unités (dont les fameux Special Air Service ou SAS), nées durant le deuxième conflit mondial, sont les ancêtres de nos actuelles forces spéciales.

Le poignard Fairbairn-Sykes est une dague de combat particulièrement conçue pour les commandos dès le début du conflit. Tranchante des deux côtés de la lame, elle était surtout destinée à pénétrer profondément pour tuer rapidement

 

Déclenchée dans la journée du 27 mars, l’opération Chariot dégénéra en une véritable bataille à la fois navale et terrestre aux premières heures du 28. Lorsqu’à 1.34 du matin, le HMS Campbeltown s’écrasa sur la première porte écluse, de nombreux marins et commandos avaient déjà été tués dans le déchaînement des tirs allemands. La plupart des vedettes furent également coulées mais l’extraordinaire courage des commandos survivants permit la destruction de la station de pompage et de plusieurs treuils. Surtout à 10.30, alors que la bataille était achevée, le HMS Campbeltown explosa détruisant la porte écluse et rendant inutilisable le bassin. L’objectif majeur était atteint, et la forme Joubert ne sera restaurée que plusieurs années après la guerre. Le raid de Saint-Nazaire fut un haut fait d’armes de la bataille de l’Atlantique, à la gloire des marins et des commandos de sa Majesté dont 169 périrent et 200 autres (dont le Lieutenant-colonel NEWMAN) furent capturés, blessés pour la plupart.

  1. Cf. Au terme de l’opération Paukenschlag (août 1942), les alliés perdirent 609 navires soit plus de 3 millions de tonnes.
  2. Cf. La Home Fleet est le nom donné à la flotte chargée de la protection des îles britanniques.
  3. Cf. Le HMS Campbeltown était un vieux destroyer de l’US Navy : le USS Buchanan reversé à la Royal Navy dans le cadre d’accords de coopération entre les États-Unis et le Royaume-Uni.​

__________

Bibliographie

  • COSTELLO (John) et HUGHES (Terry), La bataille de l’Atlantique, Albin Michel, Paris, 1980, 320 p.​
  • DORRIAN (James G.), Saint-Nazaire. Operation Chariot - 1942, Leo Cooper Ltd, 2005, 192 p.
  • GUERMEUR (Loïc), Les grandes histoires navales de la seconde guerre mondiale. 1939-1945 : des marins au combat, Paris, Plon, 2023, 344 p.
  • LYMAN (Robert), Raid sur Saint-Nazaire. L’incroyable récit d’une opération commando légendaire, Ixelles Editions, 2013, 368 p.
  • MALBOSC (Guy), La bataille de l’Atlantique (1939-1945). La victoire logistique et celle du renseignement clés de la victoire des armes, Économica, 2010, 576 p.
  • STASI (Jean-Charles), Saint-Nazaire 28 mars 1942 "Chariot". Le plus grand raid commando de l’histoire, Éditions Heimdal, 2018, 96 p.

 

Commando Spirit (2014)

 

Composée sur le registre d’une "quick march" par Michael McDERMOTT, Commando Spirit fut interprétée le 28 octobre 2014 à l’occasion du 350e anniversaire du corps des Royal Marines (Beating Retreat on Horse Guards Parade 2014)

 


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