Le mémorial de la 7th AD les "Rats du désert" à Mundford (comté de Norfolk)
Atteindre Caen
Ayant réussi le débarquement du 6 juin 1944, les Alliés piétinent désormais dans la bataille qui lui succède à l’intérieur des terres. Dès le 7 juin, Britanniques, Canadiens et Polonais sont tenus en échec devant la ville stratégique de Caen, et les combats avec la 12e Panzerdivision SS Hitlerjugend s’avèrent d’emblée meurtriers. Au sud de Bayeux, à la charnière du Ve Corps US à l’ouest et du XXXe Corps britannique à l’est, le Général Bernard L. MONTGOMERY (1887-1976) lance l’opération Perch afin de débloquer la situation. La 7th Armoured Division (7th AD dit les « Rats du désert ») tente de contourner la Division blindée allemande Panzer Lehr sur un axe Tilly-sur-Seulles/Saint-Paul-du-Vernay/Livry/Villers-Bocage. La manoeuvre a pour objectif un encerclement de Caen par le sud-ouest, alors que dans le même temps la 51e Division Highland opère un mouvement similaire par le sud-est.
Insigne de la 7th Armoured Division. L’unité s’étant illustrée dans une guerre de raids en Afrique du Nord, elle fut surnommée les « Rats du désert » et reçut pour insigne une gerboise
La progression de la 7th AD jusqu’à Villers-Bocage
Pointe de ce mouvement tournant à l’ouest de Caen, la 7th AD - commandée par le Général George ERSKINE (1889-1965) - se dirige, le 13 juin 1944 vers un petit bourg surplombé d’un point culminant au nord (la côte 213) et traversé par un carrefour important : Villers-Bocage. Deux éléments géographiques qui donnent d’emblée à la localité une importance tactique. Les Britanniques y parviennent tôt le matin, et sont à la fois confortés par l’absence de résistance allemande ainsi que l’accueil chaleureux que leur réserve la population française. Ce faisant, ils négligent la reconnaissance des abords du village où le calme n’est cependant qu’une apparence.
Des éléments de la 1re Panzerdivision SS Leibstandarte Adolf Hitler étaient, en effet, déjà sur place depuis peu, notamment le SS Obersturmführer Michael WITTMANN (1914-1944) (1), commandant la 2e Compagnie du 101e bataillon SS de chars lourds (SS-Pz Abt 101). Ces blindés SS n’étaient pas encore en force, mais ils étaient déjà embusqués et avaient suivi la progression britannique dans et à la sortie de Villers-Bocage. Observées depuis leur entrée dans le village, les premières unités du 4th County of London Yeomanry Regiment (les « Sharpshooter ») étaient, sans le savoir, désormais à portée des canons de 88 mm des Tigre de WITTMANN.
Hautement décoré lorsqu’il arrive en Normandie, le SS Obersturmführer Michael WITTMANN est déjà une légende dans le milieu de la panzertruppe avec un palmarès impressionnant de 137 chars ennemis détruits en combat, essentiellement sur le front russe. Ce 13 juin à 9.00, alors que sa compagnie n’est pas encore entièrement rassemblée, il décide d’engager le combat avec les éléments de tête du 4th County of London Yeomanry Regiment qui reprend sa progression sur la route de Caen entre la côte 213 et Villers-Bocage.
Le SS Hauptsturmführer Michael WITTMANN (uniforme noir) avec son pointeur-tireur Balthasar WOLL. C’est à WOLL, qui survécut au conflit, que WITTMANN doit son palmarès (source - Bundesarchiv)
La contre-attaque de Michael WITTMANN
Monté dans son Tigre I - numéroté 007 - WITTMANN n’a l’appui que de deux autres chars Tigre sur ses flancs. Les deux subordonnés de WITTMANN débutent l’engagement en ouvrant le feu sur les véhicules de tête et de queue de la colonne britannique. En quelques secondes celle-ci se trouve bloquée sur un itinéraire bordé d’un haut talus et de haies denses que même les blindés ne peuvent franchir. L’étroitesse de la route et son encombrement empêche d’emblée toute possibilité de faire demi-tour. C’est alors que WITTMANN se lance au contact, laissant les deux autres Tigre de son peloton tenir leur position. Remontant parallèlement la route encombrée de tous types d’engins, il canonne et mitraille à bout portant. L’action tourne rapidement au carnage, et sème la panique dans les rangs des « Sharpshooter » du 4th County of London Yeomanry Regiment.
Les chars de combat anglais Cromwell A-27 sont inefficaces face aux Tigre (2). Pourtant armés d’un canon de 75 mm, ils sont incapables de détruire le char de WITTMANN même à courte distance. Leur blindage en revanche ne résiste pas aux terribles coups de 88 de ce dernier quelle que soit la distance. Cromwell et Sherman (dont plusieurs Firefly), Bren Carrier et véhicules de commandement sont détruits jusque dans Villers-Bocage, le long de la rue Clemenceau (3) que WITTMANN remonte.
Char Cromwell détruit dans Villers-Bocage
Cependant, trop profondément avancé dans le dispositif ennemi, celui-ci finit par être neutralisé. Son Tigre est immobilisé par un coup direct dans une chenille. L’évacuant, l’officier SS et son équipage parviennent à regagner à pied les lignes de la Division Panzer Lehr, qui organise aussitôt une contre-attaque plus importante avec une quinzaine de blindés cette fois. Remonté, et à la tête d’éléments de la 2e Panzerdivision, le SS Obersturmführer WITTMANN revient aussitôt sur le champ de bataille en dépit du durcissement de la défense anti-char britannique. L’initiative reste, cependant, du côté allemand et Villers-Bocage est, finalement, évacuée par la 7th AD en fin d’après-midi.
C’est le 4th County of London Yeomanry qui souffrit le plus ce jour-là, laissant sur le champ de bataille 15 Cromwell, 4 Sherman et 3 Stuart en plus d’autres véhicules. Le régiment est en grande partie anéanti. D’autres unités subirent également des pertes, et WITTMANN détruisit à lui-seul une trentaine d’engins. Côté allemand 6 blindés furent définitivement perdus dont 3 chars Tigre. Victoire tactique, le combat de Villers-Bocage démontre - au-delà de l’exploitation que la propagande nazie en fait - la qualité de l’arme blindée allemande, qui ne sera réellement vaincue que par la puissance aérienne alliée, la pénurie de carburant et in fine l’infériorité numérique.
Les conséquences de la contre-attaque de WITTMANN sont importantes. Avec des moyens très inférieurs en nombre, les Allemands non seulement stoppent la progression de toute une division la contraignant au repli. Surtout ils verrouillent solidement le sud de Caen pour de longues semaines. En ce sens, la contre-attaque de Villers-Bocage est un succès tactique donnant un avantage défensif stratégique dans la bataille pour Caen.
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Bibliographie