« HHhH » - acronyme signifiant « Himmlers Hirn heisst Heydrich » ("le cerveau de Himmler s’appelle Heydrich") - est le titre du roman de Laurent BINET paru en 2010, dont Cédric JIMENEZ vient d’en réaliser l’adaptation au cinéma.
SS le plus craint et le plus redouté après Heinrich HIMMLER (1900-1945), organisateur du Sicherheitsdienst ou SD (le service de renseignement de la SS), puis du Reichssicherheitshauptamt (RSHA), et acteur central de la conférence de Wannsee (janvier 1942), le SS-Obergruppenführer Reinhard HEYDRICH (1904-1942) est paradoxalement moins connu que d’autres responsables de la "Solution finale de la question juive" tel Adolf EICHMANN (1906-1962). Son caractère assez secret, son goût pour agir dans l’ombre, sa mort prématurée, partant l’absence de procès, expliquent cette méconnaissance relative (1).
Adaptation d’une approche littéraire, le film – comme le roman – reste assez fidèle à la réalité historique en dépit d’inexactitudes. La première partie débute en 1929. Reinhard HEYDRICH est d’abord un officier de la Marine impériale allemande dont la réputation - flétrie par une affaire de mœurs - lui vaut une radiation des cadres de la Marine. La rancœur qu’il en conçoit trouve un exutoire dans l’engagement politique au sein du NSDAP. Le film met en avant le rôle de son épouse – Lina von OSTEN, épouse HEYDRICH, interprétée par Rosamund PIKE - dans cette orientation. C’est elle, notamment, qui lui permet une première rencontre avec HIMMLER. Cette rencontre, alors que celui-ci n’est encore qu’un éleveur de poulets, s’avère capitale pour la carrière de HEYDRICH.
Le récit s’attache dès lors à l’ascension politique de cet ambitieux au sein du NSDAP puis de l’appareil d’État du IIIe Reich : la « Nuit des longs couteaux » (1934), l’organisation des Einsatzgruppen et sa nomination par Adolf HITLER (1889-1945) au poste de Vice-Protecteur de Bohême-Moravie (Reichsprotektor) en septembre 1941. Cette nomination - véritable consécration – fait de HEYDRICH une personne presque aussi puissante que son supérieur direct : HIMMLER. Elle lui donne le pouvoir sur le protectorat de Bohême-Moravie - l’ancienne Tchécoslovaquie démembrée en 1939 -, ainsi que l’occasion de donner la pleine mesure de sa capacité à gouverner par la terreur.
La deuxième partie du film de JIMENEZ est consacrée à l’opération Anthropoid : une opération d’élimination planifiée par les services de renseignement britanniques. Ces derniers considéraient, en effet, HEYDRICH comme particulièrement dangereux pour les mouvements de résistance. Un commando est donc constitué avec des soldats de l’ancienne république tchèque au premier rang desquels Jan KUBIS (1913-1942) et Jozef GABCIK (1912-1942), qui attaqueront directement le Vice-Protecteur de Bohême-Moravie. Parachutés en décembre 1941, ces commandos prennent contact avec la résistance tchèque et organisent minutieusement l’opération. Le film s’attarde surtout sur les personnages de KUBIS et de GABCIK, et sur les relations intimes qu’ils nouent avec leur entourage. Le démantèlement d’un premier réseau de résistants – les « trois rois » - accélère l’exécution de l’opération qui a lieu le 27 mai 1942 dans Prague.
L’attentat en lui-même est fidèlement reconstitué. GABCIK tente de mitrailler HEYDRICH, mais sa Sten ne fonctionne pas ce qui l’oblige à s’enfuir. Poursuivi par le chauffeur du Reichsprotektor – le SS-Oberscharführer Johannes KLEIN -, il parvient à l’abattre dans une cage d’escalier alors que dans la réalité KLEIN fut seulement blessé à la jambe. C’est KUBIS qui - profitant que son camarade concentre l’attention – jette une grenade artisanale qui détruit la voiture de HEYDRICH. Celui-ci est grièvement blessé mais non mortellement touché. Le film nous le montre agonisant rapidement à l’hôpital, alors qu’il décéda une semaine plus tard après une brève période de rémission. Touché à la fois par des éclats à la rate, au diaphragme et au poumon, HEYDRICH développa une septicémie foudroyante à partir du sixième jour.
Sur le coup, les résistants et commandos tchèques crurent que l’opération était un échec, mais la nouvelle du décès du Reichsprotektor finit par leur parvenir. Entre-temps la réaction des Allemands fut terrible : le village de Lidice est brûlé, sa population massacrée et en partie déportée en guise de représailles. Traqués par toutes les polices, les membres du commando ne parviennent pas à s’exfiltrer de Bohême-Moravie, et se réfugient avec la complicité du clergé dans l’église Saints-Cyrille-et-Méthode de Prague. Ils y restent plusieurs jours jusqu’à ce que la trahison d’un des leurs – Karel CURDA (1911-1947) – révèle leur cachette et fait tomber en même temps le réseau de résistants qui les protégeait. Le film s’achève sur le suicide de GABCIK et KUBIS, alors que dans les faits seul le premier s’est donné la mort. KUBIS ayant été mortellement blessé dans l’assaut des SS.
C’est l’acteur australien Jason CLARKE (« Zero dark thirty », 2012) qui redonne chair de manière froide et cruelle au SS-Obergruppenführer Reinhard HEYDRICH, restituant la dimension d’un être aussi intelligent, méthodique que cynique et dépourvu de toute morale. Un homme qui était, par ailleurs, un violoniste talentueux et un champion d’escrime de haut niveau.
__________
Bibliographie