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La bataille d’Arnhem (1944)
Article mis en ligne le 21 août 2017
dernière modification le 20 mars 2023

par Nghia NGUYEN

Parachutistes alliés dans le ciel d’Arnhem le 17 septembre 1944

 

Entrer en Allemagne par le sud ou par le nord ?

À la fin de l’été 1944, la situation sur le Front Ouest a considérablement évolué. La résistance allemande en Normandie a été brisée après trois mois de combats meurtriers, et les Alliés - qui ont été longuement bloqués dans le bocage - progressent désormais rapidement vers les frontières du Reich. Un verrou a sauté : Paris est libéré le 25 août et les pointes britanniques, canadiennes, françaises et américaines ne sont plus très loin de la Ligne Siegfried au mois de septembre.

Ensemble d’ouvrages fortifiés, pendant de la Ligne Maginot française, la Ligne Siegfried trace désormais la nouvelle frontière défensive qu’il faut percer ou contourner. Au nord du dispositif allié, une grande partie de la Belgique a été libérée, et les armées alliées sont dorénavant aux frontières des Pays-Bas. Au sud, l’avance fulgurante depuis la Normandie de la IIIe Armée du Général George S. PATTON (1885-1945) est stoppée dans les Vosges et en Lorraine.

Deux options se présentent aux chefs alliés : soit prendre d’assaut frontalement la Ligne Siegfried au sud, soit la contourner par le nord en tentant un franchissement du Rhin aux Pays-Bas. La première option est celle de PATTON et de son supérieur le Général Omar N. BRADLEY (1893-1981). Les deux généraux américains sont persuadés que les Allemands n’ont plus les forces nécessaires pour tenir la Ligne Siegfried et qu’elle pourrait être percée facilement.

Ils se heurtent à la deuxième option privilégiée par le commandement britannique, plus particulièrement le Field Marshal Bernard L. MONTGOMERY (1887-1976). Ce dernier voudrait au contraire éviter la Ligne Siegfried par le nord, traverser les Pays-Bas où il fera passer les corps blindés alliés de l’autre côté du Rhin. À partir de ce moment, plus rien ne pourrait arrêter l’offensive des Alliés occidentaux. Ces derniers déboucheraient directement dans la région de la Ruhr - le cœur industriel de l’Allemagne - ce qui mettrait rapidement fin au conflit.

La redoutable question logistique

La question est difficile à trancher. Il y a, certes, les querelles d’ego entre les chefs alliés, chacun s’appuyant sur une forte personnalité pour jouer à fond sa logique offensive. Le commandant en chef des forces alliées, le Général David D. EISENHOWER (1890-1969), devait ainsi arbitrer en permanence entre ses deux principaux commandants rivaux : PATTON et MONTGOMERY. Surtout, les armées alliées rencontraient des difficultés logistiques de plus en plus grandes à la fin de l’été 1944, n’ayant pas assez de carburant pour mener deux offensives à la fois, au sud et au nord. C’est cela bien plus que la résistance allemande - qui pourtant se raidissait à l’approche du territoire du Reich -, qui stoppa les blindés de la IIIe Armée de PATTON en Lorraine.

La Normandie par laquelle parvient le ravitaillement en carburant, matériels et munitions, est désormais trop éloignée, et les lignes logistiques subissent une « élongation » sensible. La mise en place d’une artère de ravitaillement prioritaire 24 heures sur 24 par les Américains (1) ne change rien, voire augmente la consommation des besoins en carburant (celle des milliers de véhicules nécessaires aux norias). Cette élongation est d’autant plus problématique que les ports normands sont loin d’être tous accessibles. Seuls le port artificiel d’Arromanches et celui de Cherbourg sont opérationnels. Tous les autres sont soit hors d’état de servir soit encore aux mains de garnisons allemandes encerclées. Les Alliés manquent de ports rapprochés, et c’est cet argument qui va faire pencher EISENHOWER en faveur de l’option d’une offensive par le nord en direction des Pays-Bas. En effet, la libération de ces derniers permettrait le contrôle d’au moins deux ports en eaux profondes : Anvers et Rotterdam.

 

Parachutistes britanniques dans le secteur d’Arnhem

 

Une bataille de ponts

MONTGOMERY a déjà un plan. Il s’agit pour lui de développer une puissante offensive sud/nord, de la Belgique en remontant à travers les Pays-Bas. L’objectif est d’entrer dans la Ruhr afin de paralyser l’effort de guerre du Reich. Cette offensive permettrait, en libérant les Pays-Bas, de mettre également à disposition des Alliés les ports dont ils ont impérativement besoin. Voilà pour les objectifs stratégiques. Concernant les objectifs tactiques, la géographie vient d’emblée compliquer la mise en œuvre de l’opération. Les Alliés doivent, en effet, traverser une succession de cours d’eau qui traversent Est/Ouest un axe offensif sud/nord que l’on peut résumer ainsi : Eindhoven/Grave/Nimègue/Arnhem ; soit une distance d’à peu près 110 km.

La question reste donc facile à saisir : la prise et le contrôle des ponts seront particulièrement vitaux pour la réussite de cette offensive. Notamment les deux ponts les plus importants : ceux de Nimègue et d’Arnhem. En cas de destruction le génie allié ne pourrait les remplacer rapidement, et s’ils restaient aux mains des Allemands ce serait l’échec ni plus ni moins du plan de MONTGOMERY. Inversement, en cas de victoire alliée c’est le pont d’Arnhem qui aurait surtout permis de faire passer l’ensemble du corps de bataille anglo-américain sur la rive allemande du Rhin. Arnhem est justement le dernier pont à faire tomber : celui situé le plus au Nord.

L’opération Market Garden

Pour une telle bataille, il n’y a que l’arme aéroportée – que ce soit par lâchers directs de parachutistes sur les objectifs ou parachutistes déposés par planeurs à proximité - qui permet de surprendre l’ennemi à une telle échelle et sur autant d’objectifs à la fois. Larguées ou déposées à proximité, les unités aéroportées prendraient le contrôle des ponts et les tiendraient jusqu’à l’arrivée de renforts d’infanterie et de blindés. Ce premier volet de l’opération est appelé « Market ». Il met en œuvre 35 000 hommes répartis en 4 grandes unités : la 101e Division aéroportée US (Général Maxwell D. TAYLOR), la 82e Division aéroportée US (Général James M. GAVIN), la 1re Division aéroportée britannique (Général Robert URQUHART) et la 1re Brigade aéroportée polonaise (Major Général Stanislaw SOSABOWSKI). L’ensemble est commandé par le Général britannique Frederick BROWNING.

La force blindée et mécanisée chargée de rejoindre les parachutistes par voie terrestre constitue le deuxième volet de l’opération : nom de code « Garden ». Il s’agit du XXXe Corps d’armée britannique du Général Brian HORROCKS (50 000 hommes), dont la mission est de percer jusqu’à Arnhem. La vitesse de progression du XXXe Corps est l’une des conditions majeures du succès de l’opération, car les parachutistes resteront isolés autour des ponts pendant plusieurs jours.

D’emblée, la préparation de l’offensive souffre d’un renseignement lacunaire qui exploite mal les plus récentes informations, celles qui montrent notamment la présence de nouvelles unités. La conséquence en est une sous-estimation dangereuse des forces allemandes alors présentes dans la région. Pire, le renseignement allié sous-estime davantage leur capacité de réaction estimant avoir à faire à des unités de seconde catégorie dans la zone de la future bataille. Au Lieutenant-Colonel John D. FROST (1912-1993), commandant le 2e bataillon de parachutistes britanniques, qui disputera le pont d’Arnhem aux Allemands, il sera ainsi donné un délai de deux jours avant d’être relevé par l’avant-garde du XXXe Corps. FROST se battra, en fait, durant quatre jours sans voir un seul blindé allié…

Parachutistes américain (à gauche) et anglais

 

La bataille

L’opération Market (l’offensive aéroportée) Garden (l’offensive blindée) est lancée le dimanche 17 septembre 1944 à l’aube. Des milliers de parachutistes alliés sont largués sur les zones prévues. Par son ampleur, l’attaque surprend les Allemands. Le premier surpris est le commandant des forces allemandes sur le Front Ouest, le Maréchal Walter MODEL (1891-1945), qui voit de son quartier général les premiers parachutistes toucher le sol. Dans un premier temps, il pense à une opération commando pour le capturer mais sa surprise reste de courte durée. Au soir de cette première journée, MODEL analyse la situation très justement et bat le rappel de toutes les troupes allemandes, toutes armes confondues, y compris le personnel des unités encore à l’instruction. Débris de divisions durement éprouvées par la bataille de Normandie mais aguerries, les unités allemandes alors présentes étaient des unités au repos, qui réagissent avec rapidité et efficacité. Des « Kampfgruppen » (2) se constituent de manière spontanée, et résistent avec succès à l’effet de surprise. Le XXXe Corps du Général HORROCKS est durement accroché dès le premier jour, et il enregistre d’emblée un retard fatal pour la suite de l’opération.

Les Alliés sont surpris à la fois par la rapidité et la puissance de la résistance allemande. Escomptant sur des unités de faible valeur combattive, parachutistes américains et britanniques, ainsi que les forces mécanisées du XXXe Corps se heurtent en fait à des combattants aguerris, notamment ceux du 2e SS Panzerkorps du Général Wilhelm BITTRICH (1894-1979). Saignée en Normandie, cette unité est au repos dans la région d’Arnhem, mais elle reste encore redoutable face à des parachutistes qui n’ont que leur bravoure à opposer à ses blindés. La zone de saut des Red Devils de la 1re Division aéroportée britannique est justement la zone dans laquelle se trouve les unités du 2e SS Panzerkorps, et les pertes britanniques sont d’emblée lourdes. FROST et ses parachutistes ne tiendront au mieux que l’entrée sud du pont, avant d’être repoussés, encerclés et décimés dans la ville même d’Arnhem.

Dans les jours qui suivent le 17, les largages se poursuivent afin de fournir des renforts et consolider les zones où se trouvent les parachutistes. À Eindhoven, Son, Grave, Nimègue et Arnhem, les combats sont partout difficiles, et si le XXXe Corps avance, il est très retardé. Des ponts secondaires sont détruits, ce qui oblige à en trouver d’autres. Le 19, HORROCKS entre enfin dans Nimègue, mais le pont reste tenu par les Allemands. À cette date, MONTGOMERY avait prévu que le XXXe Corps serait à Arnhem…

À Arnhem où ont lieu les combats les plus meurtriers, les parachutistes polonais du Général SOSABOWSKI sont largués en renfort le 19 septembre. Il est trop tard cependant et l’étau allemand s’est aussi renforcé. Mal engagés, les Polonais sont massacrés. Quant aux troupes britanniques, elles sont désormais trop affaiblies pour prendre le pont d’Arnhem. Leurs zones de largage tombent aux mains des Allemands et munitions comme vivres et matériels de soin commencent à manquer. Les Red Devils sont encerclés, et FROST est lui-même blessé et fait prisonnier. La bataille pour le pont se transforme en un combat urbain comparé par certains à ceux vécus dans Stalingrad (3), mais la lutte est trop inégale pour les Britanniques qui sont submergés le 20.

 

Le Projector Infantry Anti-Tank (PIAT) était la seule arme véritablement anti-char dont disposaient les Red Devils

 

« Un pont trop loin »

Quelques rescapés se replient alors vers les positions tenues plus au sud par le XXXe Corps et les parachutistes américains de la 82e Airborne. Épuisés, ils établissent la jonction avec les unités amies les 25 et 26 septembre. À cette date, la 1re Division aéroportée du Général URQUHART a été anéantie aux deux tiers. Plus au sud, le XXXe Corps a réussi à dégager les parachutistes américains de la 101e Airborne, et le 20 les parachutistes de la 82e Airborne s’emparent du pont de Nimègue intact grâce à une attaque de contournement (4).

Les Alliés n’iront cependant pas plus loin que Nimègue, abandonnant Arnhem qui reste aux mains des Allemands. Entrée dans l’Histoire sous l’appellation de bataille d’Arnhem, l’opération Market Garden fut donc un échec. Victoire défensive et tactique allemande, impossible à exploiter pour MODEL cependant, la bataille a vu tomber près de 17 000 parachutistes alliés, essentiellement britanniques. Ce fut une hécatombe à l’issue de laquelle les 1res divisions aéroportées britannique et polonaise ne furent plus que l’ombre d’elles-mêmes. Avec la bataille de Crète (1941), la bataille d’Arnhem illustre les limites des grandes offensives aéroportées. Encore de nos jours, les parachutistes britanniques portent sur leur béret rouge des flots noirs en signe de deuil pour ceux tombés à Arnhem.

  1. Cf. Le célèbre Red Ball Express.
  2. Cf. Le « Kampfguppe » ou « groupe de combat » était une unité interarmes ad hoc, de taille variable et constituée dans l’urgence de la situation. Son usage se répandit d’abord sur le Front de l’Est avant de devenir général. Révélateur de la remarquable souplesse d’adaptation de la Wehrmacht, le Kampfgruppe est aussi symptomatique de sa désorganisation organique au fur et à mesure que le conflit avance.
  3. Cf. La comparaison est évidemment à relativiser. La durée de la bataille, l’ampleur de l’engagement et des pertes humaines de part et d’autre, le contexte hivernal de la bataille de Stalingrad dans sa dernière phase, ne permettent pas de comparer les deux batailles au-delà des actes d’héroïsme individuels.
  4. Cf. Ce sont les soldats du 504e Régiment d’infanterie parachutistes de la 82e qui mènent cet assaut meurtrier. Franchissant la rivière Waal à bord de canots, sous le feu allemand, ils capturent le pont par la rive nord. Ce dernier était piégé, mais c’était sans compter l’action de la résistance locale, qui est parvenue à neutraliser les charges.

Générique du film « Un pont trop loin »

__________

Ressources

  • ATTENBOROUGH (Richard), Un pont trop loin, 1977.
  • BEEVOR (Antony), Arnhem. La dernière victoire allemande, Calmann Levy, 2018, 572 p.
  • FELDMANN (Daniel), Le Maréchal Model. Le « pompier » de Hitler, Paris, Perrin, 2022, 414 p.
  • STREIT (Pierre), Arnhem 1944 : un pont trop loin ? Economica, 2016, 112 p.

Insignes des trois divisions aéroportées alliées ayant pris part à la bataille. De gauche à droite : les Red Devils britanniques, la 101e et la 82e Airborne américaines

  • L’Airborne cemetery d’Arnhem-Oosterbeek où reposent 1800 parachutistes britanniques tombés lors de l’opération Market Garden.

 


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