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La bataille de Trafalgar (1805)
Article mis en ligne le 22 septembre 2017
dernière modification le 30 juin 2021

par Nghia NGUYEN

La bataille de Trafalgar et la reddition du Bucentaure (Auguste MAYER, 1836)

 

Envahir l’Angleterre

La bataille de Trafalgar est à situer dans le contexte de la troisième coalition européenne. Âme de toutes les alliances tournées contre la France révolutionnaire et impériale, l’Angleterre demeure la puissance la plus déterminée à vouloir défaire NAPOLÉON Ier (1769-1821). Protégée par sa position géographique insulaire, elle finance inlassablement ses alliés européens afin que ces derniers reconstituent leurs forces au lendemain des différents traités qui, depuis 1797, installent la puissance française au coeur de l’Europe.

C’est pour mettre un terme aux agissements hostiles de la « perfide Albion », et sur fond de guerre économique entre les deux puissances (1), que l’Empereur se prépare à une invasion des Îles britanniques. Alors que le Traité d’Amiens (1802) est remis en cause, NAPOLÉON concentre, dès 1803 à Boulogne, ce qui sera bientôt la « Grande Armée ». Une flotte de débarquement s’organise, mais se pose rapidement la question de sa protection lors de la traversée de la Manche. En d’autres termes, la neutralisation de la Royal Navy devient un préalable à tout débarquement.

Le problème résidait dans le fait que la flotte de guerre française était dispersée dans différents ports - Brest, Rochefort, Toulon - surveillés chacun par une escadre anglaise. Rassembler cette flotte et l’amener dans la Manche où elle effectuerait sa jonction avec les forces de débarquement était l’objectif de NAPOLÉON. D’un point de vue opérationnel, cette manoeuvre était ambitieuse. Elle supposait de tromper la surveillance des Anglais, de sortir de la Méditerranée via Gibraltar pour l’escadre de Toulon (2), de rejoindre les Antilles où les forces navales françaises se concentreraient tout en attirant la Royal Navy, avant de revenir dans la Manche. C’était une vaste manoeuvre transocéanique de plusieurs mois qu’il fallait opérer.

Concentrer la flotte dans la Manche : l’échec stratégique français

Durant le printemps et l’été 1805, c’est à une véritable partie de cache-cache et de course poursuite que se livrent les flottes franco-espagnole et britannique. Parvenant à tromper l’escadre anglaise de Méditerranée commandée par le redoutable Horatio NELSON, l’amiral français de VILLENEUVE parvient à atteindre les Antilles. Talonné par la flotte de NELSON, il met le cap sur l’Europe en juin mais se trouve bloqué aux approches du Golfe de Gascogne. Une bataille indécise au Cap Finisterre avec le Vice-amiral CALDER le 23 juillet, l’échec de la jonction avec une force française venue de Rochefort, les aléas du renseignement (qui repose en grande partie sur des rumeurs) ont raison de de VILLENEUVE, qui renonce à poursuivre vers Boulogne. Il va alors s’enfermer dans la rade de Cadix plus au sud. Cette manœuvre marque un échec stratégique pour les forces navales françaises.

Les décisions de de VILLENEUVE sont lourdes de conséquences. Le temps perdu éclaire désormais différemment la scène stratégique, et la pression austro-russe en Europe centrale change radicalement les plans de NAPOLÉON. Sans nouvelle de sa flotte, et tenant le débarquement en Angleterre irréalisable sur l’heure, celui-ci opère un basculement stratégique d’ouest en est. À marche forcée, la Grande Armée se dirige désormais vers la Moravie à partir du mois d’août, alors que de VILLENEUVE - en passe d’être relevé de son commandement - reçoit l’ordre de repasser en Méditerranée pour opérer un débarquement en Italie. C’est donc un officier en sursis, qui sait ses forces moralement inférieures en dépit de leur supériorité numérique, qui donne l’ordre d’appareiller le 20 octobre 1805. La grande bataille est inévitable, car NELSON, à bord de son vaisseau amiral, le HMS Victory, verrouille Cadix depuis plusieurs semaines. Les deux flottes se rencontrent le lendemain au sud-est du cap Trafalgar, non loin du détroit de Gibraltar.

La bataille navale au début du XIXe siècle

Pour comprendre ce qu’est une bataille navale avant la Révolution industrielle, il faut savoir que la puissance de feu des bâtiments de guerre de l’époque se situe sur les côtés, où les canons sont alignés en sabord sur un, deux ou trois ponts superposés selon la taille du navire. Il n’existe pas encore de tourelles mobiles sur le pont à l’avant comme à l’arrière, ce qui ne se verra qu’à la fin du siècle. Le navire doit donc présenter son flanc babord ou tribord pour permettre l’emploi optimum de ses canons. Cette contrainte technique induit une tactique de combat linéaire, d’où l’appellation « vaisseau de ligne » pour désigner les gros bâtiments de guerre de cette époque.

Lors d’un combat, les flottes évoluent sur des lignes parallèles afin de pouvoir utiliser leur artillerie latérale au mieux. Cependant, l’état technique de l’artillerie navale de l’époque rend approximatif le réglage du tir : le bâtiment étant toujours en mouvement du fait du tangage et du roulis. Deux écoles s’affrontent alors : la première qui préconise de tirer haut pour détruire mâts et voilures du bâtiment adverse afin de le désemparer. La seconde préconise de tirer bas au niveau de la coque. L’avantage de ce dernier tir - hormis le fait qu’il créé des voies d’eau et fragilise la coque - est que les impacts projettent des éclats de bois qui blessent grièvement les marins et canonniers concentrés dans les ponts inférieurs. Il est de fait plus efficace : il est plus facile de viser la coque que les mâts... Les Français ont une préférence pour la première école de tir, les Britanniques pour la seconde. De manière générale, soit le bâtiment était coulé par incendie ou l’explosion de sa poudrière, soit il était capturé après un abordage suivi d’un combat d’infanterie au corps à corps sur et dans les ponts.

À Trafalgar, Nelson refuse l’affrontement linéaire classique. Divisant sa flotte en deux colonnes, avec le vent en poupe (ce qui augmente leur vitesse), il coupe en deux la colonne franco-espagnole. Cette manoeuvre dite « barrer le T » a pour avantage de concentrer le feu latéral - de la colonne qui coupe la ligne adverse - sur des vaisseaux situés à la fois à babord et à tribord. Ces derniers engagés en file dans le sens de leur marche, présentent leur proue et leur poupe et ne peuvent donc se servir de leur artillerie. À l’inverse, les bâtiments qui barrent le T peuvent concentrer leurs feux sur les bâtiments adverses les uns après les autres. Ces tirs en enfilade étaient dévastateurs sur des ponts encombrés d’hommes (3). Qui plus est, les Anglais utilisaient de la mitraille (4) et, à Trafalgar, le HMS Temeraire décima l’infanterie française rassemblée sur le pont supérieur du Redoutable, au moment où elle s’apprêtait à se lancer à l’abordage du HMS Victory.

 

  • Si l’artillerie navale tend à se standardiser au XVIIIe siècle, le parc de canons embarqués sur les vaisseaux s’organisent encore autour d’une bonne demi douzaine de calibres différents aussi bien dans la Royal Navy que dans la Royale. Le siècle de la Guerre de Sept Ans et de la Révolution française innove peu si ce n’est dans la mise à feu des pièces (platine à silex) et de l’utilisation de la mitraille afin de décimer l’infanterie sur les ponts (caronade). Le calibre le plus important désormais embarqué tombe en-dessous de 40 livres : 32 pour les Britanniques (14,5 kg) et 36 pour les Français. Ces canons - les plus lourds - sont installés sur le pont le plus bas afin d’équilibrer le centre de gravité du bâtiment. Ils constituent la première batterie. Les deuxième et troisième batteries – installées sur les ponts supérieurs - sont constituées de canons longs ou courts de plus petits calibres, donc plus légers. Le canon de marine n’avait pas de culasse. Il tirait des boulets et se chargeait par la bouche. Monté sur un affût, il reculait fortement lors du départ du coup et était retenu par un système de cabestans et de cordages qui permettaient de le remettre en batterie face au sabord. L’ensemble n’en demeurait pas moins impressionnant avec des bâtiments de guerre embarquant à la mer des dizaines de pièce d’artillerie, si ce n’est plus d’une centaine pour les trois ponts. À Trafalgar, le HMS Victory comptait ainsi 104 canons. La conséquence d’une telle concentration d’artillerie, hormis le coût extrêmement élevé de la construction et de l’armement d’une flotte, était le risque mortel de l’incendie (qui plus est sur des vaisseaux en bois) et de l’explosion des poudres présentes en très grande quantité.

 

La bataille du 21 octobre 1805

Débutant en milieu de mâtinée, la confrontation s’acheva en milieu d’après-midi. La manoeuvre audacieuse de l’amiral britannique créa un effet de surnombre au point de rencontre avec la ligne franco-espagnole disloquée. Les bâtiments de l’amiral de VILLENEUVE furent submergés un à un et mis hors de combat, non sans une résistance acharnée. Le navire amiral de NELSON - le HMS Victory – manqua lui-même d’être capturé et ne fut sauvé que par l’intervention du reste de la colonne anglaise, le HMS Temeraire en tête. C’est celui-ci qui détruisit le Redoutable.

C’est lors d’un échange de tir entre les fusiliers du Victory et du Redoutable, que Lord NELSON fut mortellement touché. Déjà considéré comme un héros de son vivant, celui-ci expira en fin d’après-midi sans avoir pu mesurer l’ampleur de sa victoire. Mis hors de combat, le Bucentaure, navire amiral français, fut capturé avec le Vice-amiral de VILLENEUVE à son bord. La flotte franco-espagnole avait perdu 21 bâtiments dont 17 étaient capturés (5). La Royal Navy n’avait perdu aucun bâtiment, et pour 446 marins tués au cours du combat 3243 marins français et espagnols avaient péri.

Hormis son retentissement, la victoire de NELSON à Trafalgar eut d’immenses conséquences dont certaines furent décisives. En détruisant la seule flotte de guerre dangereuse pour elle, la bataille sauvait l’Angleterre d’une invasion française. La Marine napoléonienne était, cependant, déjà largement désorganisée par la Révolution, et un désastre précédent - à Aboukir en 1798 – l’avait affaiblie (6). La bataille de Trafalgar consacra surtout l’hégémonie navale britannique jusqu’à la Première Guerre mondiale. Ce faisant, cette hégémonie conforta une puissance coloniale et économique dont le monde d’aujourd’hui garde encore les traces. En privant NAPOLÉON de moyens d’action sur les mers et océans du globe, la victoire anglaise oriente sur le long terme la stratégie française vers une logique continentale (7), ce qui devait - au-delà du Ier Empire - rester une tendance lourde au détriment du développement d’une grande culture maritime.

Héros historique britannique, Horatio NELSON est présent dans tout le monde anglo-saxon, surtout dans les pays du Commonwealth où de nombreux noms de lieux lui rendent hommage. C’est cependant en Grande-Bretagne, au cœur de Londres, que l’on trouvera la célèbre statue le représentant au sommet de la colonne de Trafalgar square. À Portsmouth, mouille encore le HMS Victory. Restauré, il fait toujours partie des bâtiments de la Royal Navy et peut encore être visité comme navire musée.

 

« L’Angleterre attend de chacun qu’il fasse son devoir. » Portrait de Lord Horatio NELSON par Lemuel Francis ABBOTT (1800) - National Maritime Museum à Londres

 

  1. Par son protectionnisme, l’économie française entrave le commerce anglais sur le continent européen. À partir de novembre 1806, cependant, l’Empereur NAPOLÉON décrète un « blocus continental » qui engendre une véritable guerre économique destinée à ruiner les intérêts britanniques en Europe.
  2. L’escadre de Toulon était la plus importante de la Marine impériale. Elle était commandée par de VILLENEUVE.
  3. Contrairement aux bâtiments de nos marines contemporaines, ceux de cette époque nécessitaient des équipages nombreux afin de manoeuvrer une voilure complexe et servir une artillerie de plusieurs dizaines de pièces.
  4. En plus de leur artillerie navale classique, les Anglais utilisaient aussi des caronades. C’était des pièces d’artillerie à canon court et à chargement rapide, qui tirait soit des boulets creux soit de la mitraille à courte portée.
  5. Compte tenu de la complexité et du coût de fabrication d’un vaisseau de ligne, le capturer était préférable à sa destruction complète.
  6. Le royaume de France se lance dans un effort naval important au lendemain de la Guerre de Sept Ans (1756-1763) qui voit la disparition de son premier empire colonial. Entrepris sous les règnes de Louis XV et de Louis XVI, ce rétablissement de la marine de guerre est cependant stoppé par la crise révolutionnaire.
  7. Le désastre de Trafalgar étant, quelques semaines plus tard, atténué par l’éclatante victoire d’Austerlitz le 2 décembre 1805.

__________

Bibliographie

  • BATTESTI (Michèle), Trafalgar : les aléas de la stratégie navale de Napoléon, Napoléon Ier éditions, 2004, 380 p.
  • MONAQUE (Rémi), Trafalgar. 21 octobre 1805, Éditions Tallandier, 2014, 393 p.

 

Viscount Nelson


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