Le MQ-4C Triton lors de son premier vol d’essai le 22 mai 2013
En cette fin d’année 2017, la firme Northrop Grumman a commencé à livrer les premiers drones MQ-4C Triton à l’US Navy. Les deux premiers exemplaires de ce drone de nouvelle génération devraient être déployés, début 2018, sur la base navale de Guam située aux avant-postes de la crise avec la Corée du Nord. Il est prévu d’équiper les forces navales américaines de 68 Triton, en priorité dans la zone Pacifique.
Le programme Triton est, en fait, la navalisation d’un modèle de drone en service depuis le début des années 2000 : le Northrop Grumman RQ-4 Global Hawk. Propulsé par un turboréacteur Rolls-Royce, le Global Hawk fait figure de monstre aérien dans le monde des drones volants avec une longueur de 14,5 m, une hauteur de près de 5 m, une envergure de 40 m (encore plus grande que celle d’un Boeing 737) et un poids pouvant atteindre plus de 14 tonnes à pleine charge. Surtout, le Global Hawk est un drone HALE (Haute Altitude-Longue Endurance) capable de voler plus de 30 heures à plus de 18 000 m d’altitude. Son rayon d’action dépasse les 22 500 km.
Un tel drone ne pouvait que susciter l’intérêt de la Marine pour peu qu’il puisse être adapté aux contraintes spécifiques de l’environnement maritime. Ce fut la mission confiée en décembre 2008 au Broad Area Maritime Surveillance-Demonstrator (BAMS-D), d’effectuer les tests devant permettre au RQ-4A Block 20 de devenir à terme un drone d’observation en milieu maritime, ce à partir de machines livrées par l’US Air Force. De nombreux essais furent ainsi menés à la Naval Air Station de Patuxent River (Maryland).
D’emblée, le Global Hawk fut intégré aux exercices de la Flotte : Trident Warrior 08 (1) et RIMPAC (2). Il participa également à des missions d’observation durant les incendies de forêt qui ravagèrent la Californie, ou l’ouragan Ike en septembre 2008, afin d’éprouver le matériel dans des conditions météorologiques difficiles. Parallèlement, le drone RQ-4A était déployé au sein de l’US Air Force, dès janvier 2009, pour une durée initiale de 6 mois. La qualité et la robustesse du matériel firent prolonger ce déploiement à 53 mois, ce qui représenta plus de 10 000 heures de vol notamment en soutien à la Ve Flotte (3). Les RETEX furent donc suffisamment significatifs pour faire rapidement avancer le programme Triton. Le MQ-4C Triton a ainsi pu réaliser son premier vol d’essai le 22 mai 2013. Ce jour-là, une équipe conjointe de Northrop Grumman et de la Navy a pu valider le vol d’un Triton de l’Air Force Plant 42 de Palmdale jusqu’à la base aérienne d’Edwards en Californie. L’essai a duré 80 minutes et s’est déroulé à 20 000 pieds. L’intégration des divers systèmes a été, depuis, améliorée à Patuxent River.
Aujourd’hui, Northrop GRUMMAN est en mesure de livrer un drone opérationnel, qui est une véritable plate-forme de systèmes pour une flotte en opération. Avec une cellule renforcée, des capteurs améliorés et adaptés aux conditions météorologiques océaniques, le MQ-4C Triton embarque un radar actif multifonctions AN/ZPY-3 (MFAS). Spécialement conçu pour la surveillance en milieu maritime, ce puissant radar permet une veille sur 360° dans un rayon de 2000 miles nautiques. Équipé d’un récepteur Automatic Identification System (AIS), le Triton est capable de géolocaliser et d’identifier tout bâtiment disposant d’un transpondeur AIS. L’équipage nécessaire à la mise en œuvre d’un MQ-4C est constitué de 4 personnes : 2 membres pour le pilotage et 2 autres pour la gestion des systèmes d’information.
Le déploiement de ce drone HALE, unique dans la famille des drones aériens et navals, élargit sensiblement les capacités de surveillance et de renseignement de l’US Navy. Il vient compléter utilement le déploiement des vieux Lockheed P-3 Orion en cours de remplacement par les Boeing P-8 Poseidon. Bien plus, le MQ-AC Triton embarque aussi des bases de données permettant le soutien en temps réel d’unités navales pour des frappes en surface, des frappes de la mer vers la terre, des opérations d’interdiction maritime, d’assaut amphibie, de sûreté des littoraux, etc. Autre capacité actuellement à l’étude, l’embarquement par un Triton d’un système d’arme laser capable de neutraliser un missile balistique dans sa « boost phase », c’est-à-dire dans les 5 minutes correspondant à sa phase de lancement… Les capacités de ce drone concernent, en fait, un large spectre de missions, pas uniquement celles liées à la surveillance maritime.
Le MQ-4C Triton intéresse d’emblée certains pays dont l’Inde et, surtout, l’Australie. État continent insulaire avec un domaine maritime de 8 millions de km2 (4), et partenaire stratégique des Etats-Unis dans un contexte de fortes montées des tensions à la fois en Mer de Chine et dans la péninsule coréenne, l’Australie a déjà passé des commandes d’équipement en Triton. L’Armée de l’Air australienne s’apprête à en déployer 7, qui seront installés sur la base d’Edinburgh.
Toujours en partenariat avec Northrop Grumman, le BAMS-D développe deux autres programmes de drones aéronavals : le MQ-8B Fire Scout et le X-47B. Le premier est un drone hélicoptère destiné à la reconnaissance et à la guerre électronique. Il est déjà en service sur les bâtiments de l’US Navy. Le second - de dimension plus imposante (19 m d’envergure) – est davantage un prototype. Démonstrateur destiné à mettre au point toute une famille de drones de nouvelle génération – dont un drone de combat aéronaval (Unmanned Combat Aerial Vehicle ou UCAV) -, le X-47B a réalisé ses premiers vols en mer à bord du porte-avions USS Harry S. Truman CVN 75 en décembre 2012.
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