Waffen SS de la Leibstandarte à proximité d’un M8 Light Armored Car capturé
Le samedi 16 décembre 1944 à 5.30 du matin un violent bombardement d’artillerie s’abat sur le front Ouest, dans le secteur de la Meuse. À 8.00 de puissantes colonnes blindées allemandes, concentrées depuis plusieurs jours sous les couverts forestiers ardennais, surgissent et enfoncent en quelques heures les lignes alliées. C’est le début de la grande contre-offensive à l’Ouest voulue par Adolf HITLER (1889-1945), qui entre dans l’Histoire sous le nom de « bataille des Ardennes », nom de code « Herbstnebel » (« Brouillards d’automne »).
Cette offensive considérée comme le dernier sursaut allemand à l’Ouest intervient après plusieurs mois de retraite ininterrompue pour la Wehrmacht. La destruction des deux tiers de l’armée allemande engagée en Normandie (poche de Falaise en août 1944) amène rapidement Américains et Britanniques aux frontières du Reich. Par un effet inverse, cependant, les lignes logistiques alliées se sont considérablement allongées alors que celles des Allemands se sont raccourcies, ce qui permet une réorganisation plus rapide de leur système défensif.
L’opération Market Garden (17/25 septembre 1944), trop ambitieuse, est un échec. La bataille d’Arnhem marque un coup d’arrêt au nord, et empêche les alliés d’abréger le cours de la guerre par une invasion de la Ruhr. En dépit de l’admirable planification logistique américaine (1), les armées alliées sont donc obligées de marquer une pause à l’automne, et le port belge d’Anvers devient désormais le grand hub logistique du front Ouest.
C’est justement cet objectif que HITLER cherche à atteindre en lançant l’opération Herbstnebel. En reprenant Anvers, l’armée allemande paralyserait l’offensive des alliés occidentaux et les contiendrait un certain temps à la frontière du Rhin. Cet objectif stratégique comporterait également un objectif politique : la reprise d’Anvers serait, selon HITLER, de nature à ébranler la confiance des Américains et des Britanniques sur la poursuite de la guerre, et les mettrait en situation d’accepter une paix séparée. Si cette hypothèse échouait, le coup de boutoir de l’opération Herbstnebel procurerait quoi qu’il en soit un répit à l’Ouest, ce qui permettrait d’endiguer la prochaine offensive soviétique attendue pour le mois de janvier 1945. D’emblée, les objectifs du Führer sont très ambitieux. Ils suscitent au sein même de son état-major des objections, notamment de la part des Generalfeldmarschall Gerd von RUNDSTEDT (1875-1953) et Walter MODEL (1891-1945), les deux grands commandants du front Ouest. MODEL, commandant le Groupe d’Armée B, préconise une limitation des objectifs au saillant d’Aix-la-Chapelle et à la capture de la grande base logistique de Liège ("petite solution"), ce que HITLER refuse.
La contre-offensive est donc lancée à l’aube du 16 décembre 1944 sur un front de 120 km du nord au sud et par un temps bouché qui empêche à la fois les reconnaissances et les frappes de l’aviation alliée. Elle est placée sous les commandements conjoints de RUNDSTEDT et de MODEL. Sous les ordres de ce dernier, une vingtaine de divisions allemandes réparties en trois armées frappe des unités alliées - essentiellement la Ire Armée américaine - au repos et qui ne s’attendaient pas à une attaque de cette ampleur à la veille de Noël.
Tout au nord se trouve le fer de lance de la contre-offensive allemande : la 6e Panzerarmee commandée par le SS-Oberstgruppenführer (2) Josef DIETRICH (1892-1966). C’est à DIETRICH que revient la mission principale : franchir la Meuse, s’emparer de Bruxelles et, au-delà, d’Anvers. Pour cela il dispose de 9 divisions dont 4 blindées parmi lesquelles la redoutable 1re SS-Panzerdivision Leibstandarte Adolf Hitler (3). C’est autour de cette division, équipée de blindés Tigre 2 et Panther, que va s’articuler la force principale commandée par le SS-Sturmbannführer (4) Joachim PEIPER (1915-1976). Au centre se trouve la 5e Panzerarmee du Général Hasso von MANTEUFFEL (1897-1978) dont la mission est de protéger le flanc gauche de l’offensive principale en contrôlant les noeuds routiers de Saint-Vith et de Bastogne avant de pousser au-delà de la Meuse. Pour finir, la 7e Armée du Général Erich BRANDENBERGER (1892-1955), avec 11 divisions, reçoit pour mission de protéger les deux autres Panzerarmee au nord d’une ligne Luxembourg/Arlon. En fait, la 7e Armée flanque l’ensemble de l’offensive au sud.
Deux autres opérations soutiennent l’assaut de la 6e Panzerarmee. L’opération Stösser largue un millier de parachutistes commandés par le Colonel Friedrich August von der HEYDTE (1907-1994) dont la mission est de s’emparer de points névralgiques (carrefours routiers et ponts) devant faciliter la progression de la colonne PEIPER. L’opération Greif, menée par le SS-Obersturmbannführer (5) Otto SKORZENY (1908-1975), devait aussi s’emparer de ponts importants tout en désorganisant les arrières alliés. Pour cela, les SS de SKORZENY portaient des uniformes américains.
Sous-officier de la 10e division blindée US (Bastogne, décembre 1944)
D’emblée, les forces allemandes opérèrent un choc qui surprit les Américains, et causa un début de panique y compris dans les populations qui crurent à un retour en force de la Wehrmacht. Dans les premiers jours de la contre-offensive, le mauvais temps protégea les chars et l’infanterie allemande de l’aviation alliée, et les 6e et 5e Panzerarmee s’enfonçèrent profondément dans le dispositif adverse. Dans certains secteurs, les Américains se battirent à 1 contre 6 et lâchèrent pied. Cependant, passé l’effet de surprise, le durcissement de la résistance - notamment les combats héroïques des fantassins et parachutistes américains à Saint-Vith et Bastogne (6) - ralentirent considérablement l’offensive allemande dont la pénurie de carburant se fit sentir, et se conjugua avec le renforcement rapide des alliés. Le retour d’éclaircies météorologiques favorisa également celui de l’aviation alliée au-dessus du champ de bataille.
À Noël, le Kampfgruppe PEIPER était définitivement arrêté à La Gleize (commune de Stoumont) bien en-deçà de la ville de Liège. Encerclé, il est quasiment anéanti. Tous les blindés sont perdus, dont certains faute de carburant et non au combat. L’épine dorsale de la 6e Panzerarmee est brisée et l’initiative a désormais changé de camp. Si les combats se poursuivent jusqu’à la fin du mois de janvier, les Allemands dorénavant ne mènent plus que des actions défensives. La bataille des Ardennes, conçue comme un véritable « coup de poker », fut la dernière offensive de la Wehrmacht sur le front Ouest. Elle épuisa définitivement les meilleures unités allemandes, qui perdirent des hommes et un matériel blindé irremplaçables à la veille d’une autre grande bataille : l’offensive Vistule-Oder (7).
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Bibliographie
C’est dans un écrin de verdure, en bout de piste de l’aéroport de Luxembourg ville, que se situe le cimetière militaire américain de Hamm (Val du Scheid). On y trouvera la tombe du Général George S. PATTON (1885-1945) au milieu de 5076 soldats de la IIIe Armée US