L’offensive Vistule-Oder est le nom donné à une offensive géante de l’Armée rouge, déclenchée le 12 janvier 1945, qui met en oeuvre 2,2 millions de soldats, 6460 véhicules blindés et canons automoteurs, 32 000 pièces d’artillerie et 4772 avions. En face, la Wehrmacht - saignée à blanc par l’opération Bagration (1) lors de l’été précédent - ne peut opposer que 520 000 combattants, entre 800 et 1000 véhicules blindés, 3000 canons et pièces antichars. Désormais, c’est le Groupe d’armées A qui tente de remplacer les débris du Groupe d’armées B rejeté plus au Nord.
Si la lutte est d’emblée inégale au plan numérique, l’armée allemande reste cependant encore dangereuse. Ses matériels de guerre (surtout les blindés) sont toujours performants, et sa détermination au combat est élevée jusque dans les derniers jours du conflit en dépit d’une perte quantitative mais aussi qualitative au sein de la troupe. En effet, les frontières du Reich sont maintenant directement menacées, et l’ "effet Nemmersdorf" joue pleinement (2). Si la résistance de la Wehrmacht à l’Ouest fut acharnée, elle est restée fanatique sur l’Ostfront.
L’initiative stratégique est, cependant, définitivement inversée depuis 1943. En ce début d’année 1945, tous savent qu’il n’est plus question que de retarder la défaite et rien d’autre tant le rapport des forces est devenu disproportionné. L’alignement des chiffres relatifs aux armées en présence n’est cependant pas suffisant pour traduire le rapport de force réel. Les Soviétiques ont beaucoup appris depuis 1941, au prix il est vrai de pertes humaines et matérielles épouvantables. L’Armée rouge de 1944/1945 est la meilleure armée au monde : ses soldats ont enduré les combats les plus brutaux de tout le conflit, et ses généraux – rescapés des purges staliniennes et forgés à la plus terrible des écoles du feu – maîtrisent parfaitement "l’art opératif" à savoir cette capacité à mener des offensives dévastatrices sur toute la profondeur du système stratégique adverse. Durant l’offensive Vistule-Oder, les généraux Georgy JOUKOV (1896-1974) et Ivan KONIEV (1897-1973), mis en concurrence par Joseph STALINE dans leur rythme de progression, révéleront une parfaite maîtrise dans l’intégration interarmes de leurs forces. Ces dernières sont regroupées en deux grandes armées appelées “fronts” : le 1er front de Biélorussie (JOUKOV) et le 1er front d’Ukraine (KONIEV).
Waffen SS et grenadier armés du Sturmgewehr 44, premier fusil d’assaut moderne et d’un Panzerfaust (lance-roquette à charge creuse)
L’offensive débute, donc, le 12 janvier pour s’achever le 2 février 1945 du fait des énormes contraintes logistiques liées à la rapidité de progression d’une telle masse d’hommes et de matériels sur une ligne de front aussi vaste. Du fait aussi de divergences entre les généraux de STALINE. La victoire soviétique est, cependant, incontestable. Dès les trois premiers jours de l’offensive Vistule-Oder, la défense allemande est percée et de nombreuses unités sont encerclées du fait du rythme élevé de la progression soviétique. Une progression de plusieurs centaines de kilomètres, qui libère la plus grande partie du territoire polonais dont la capitale Varsovie. Les Soviétiques qui, par calcul politique, ont en fait laissés les Allemands écraser l’insurrection polonaise du 1er août 1944, entrent davantage dans Varsovie qu’ils ne la libèrent. Le 27 janvier, ils parviennent dans la région d’Auschwitz dont ils libèrent les camps notamment celui de Birkenau.
Au terme de cette avant-dernière grande offensive, l’Armée allemande du Front Est (Ostheer) est anéantie. La confusion la plus totale au sein du système défensif allemand est cependant contrebalancée par le répit de deux mois accordé par l’arrêt de l’offensive. Une pause qui permet de préparer la dernière grande bataille de part et d’autre : celle de Berlin. Les troupes soviétiques se sont, en effet, arrêtées à 70 km de la capitale du Reich dont ils commencent l’encerclement.
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Bibliographie