Entrée du camp d’Auschwitz II Birkenau de nos jours
Ville frontalière de l’Empire austro-hongrois, Auschwitz se situait dans l’une des provinces les plus pauvres : la Galicie. Au XIXe siècle, les flux migratoires avaient fait de cette petite ville un carrefour, donnant naissance au quartier périphérique dortoir de Zasole (1), caractérisé par des bâtiments en briques pouvant accueillir jusqu’à 3000 personnes. Ces bâtiments furent réutilisés par le 21e Régiment d’artillerie polonais lorsque la ville devint polonaise au lendemain de la Première Guerre mondiale.
En 1939, Oswiecim est une ville de 10 000 habitants, dont 50% sont juifs. Elle est rattachée à la région de Haute-Silésie. Ce sont les infrastructures de Zasole et la qualité de la desserte ferroviaire reliant Cracovie à Berlin et Hambourg via Katowice et Breslau, qui vont déterminer le choix d’un premier camp de concentration au printemps 1940.
La naissance d’un complexe concentrationnaire
À cette date, et sur la base de l’ancienne caserne du 21e Régiment d’Artillerie polonais, naît Auschwitz I Stammlager ou « camp souche » (2). Auschwitz I est un camp de concentration auquel s’attache dès le départ le nom du SS Obersturmbannführer Rudolf Franz Ferdinand HÖSS (1900-1947). Pur produit du système concentrationnaire nazi, HÖSS arrive à Auschwitz avec l’expérience des camps de Dachau et de Sachsenhausen. Il passera toute la durée de la guerre à agrandir et à organiser ce qui n’était à l’origine qu’un seul camp en un ensemble concentrationnaire s’étendant sur plusieurs km2.
En octobre 1941, un organisme de la SS - la Zentralbauleitung der Waffen SS und Polizei Auschwitz – est spécifiquement affecté à la construction d’un chantier permanent, jamais achevé. Des villages entiers sont soit déplacés soit effacés de la carte. Les marais alentours sont asséchés, des établissements agricoles et industriels sont installés. Les divers chantiers occupent 8000 détenus en 1942, 11 000 en 1943 et encore 4000 en 1944. C’est ainsi qu’apparaît, en octobre 1942 à 7 kilomètres à l’Est du Stammlager, un ensemble de dix camps auxiliaires regroupant la main d’œuvre servile nécessaire au fonctionnement de la grande usine d’essence et de caoutchouc synthétique de l’IG Farben : la Buna-Werke (3). Bâtis aux alentours du village de Monowitz (Monowice) vidé de sa population, ces camps constituent la partie stratégique et industrielle du complexe appelée Auschwitz III–Monowitz. À quatre reprises l’US Air Force - 15th Air Force basée à Foggia en Sicile - devait bombarder la Buna-Werke entre août et décembre 1944.
Ce qui entre donc dans l’Histoire sous le nom d’ « Auschwitz » est, en fait, un vaste complexe concentrationnaire regroupant plusieurs camps entre la Vistule et la Sola sur 40 km2. L’ensemble est organisé en trois parties principales : Auschwitz I Stammlager, Auschwitz III-Monowitz et Auschwitz II.
Auschwitz II Birkenau : le camp d’extermination
C’est la deuxième partie du complexe, Auschwitz II, qui est devenu le symbole même de la Solution finale. Construit dès l’année 1941 à l’emplacement du village de Brzezinka (Birkenau en allemand) situé à 3 kilomètres à l’Ouest d’Auschwitz, équipé d’installations de gazage/crémation dès 1942, recevant la spécification d’Auschwitz II en 1943, le camp d’Auschwitz-Birkenau est devenu le symbole du meurtre de masse. Celui qui, par métonymie, se confond jusqu’à nos jours avec la « Shoah ». C’est dans ce camp que plus d’un million de Juifs furent assassinés sans distinction de sexe ni d’âge, et que l’appellation d’ « usine de la mort » s’est matérialisée du concept à la technique.
Encore visible de nos jours, le camp de Birkenau se présente comme un espace immense de 2340 m sur 720, soit 170 ha ceint de 16 km de barbelés. On y comptait 300 baraques tout usage confondu, 13 km de fossés de drainage et 12 km de routes. Les convois ferroviaires venus de toute l’Europe y accédaient directement, mais n’allaient pas au-delà. Birkenau était un terminus et c’est sur le dernier quai – la Judenrampe située à 800 mètres du camp (4) – que la « sélection » s’opérait. Sur les huit installations de gazage homicide construites dans l’ensemble du complexe d’Auschwitz, six se situaient à Birkenau : le bunker 1 dit « Maison rouge », le bunker 2 dit « Maison blanche » et les bâtiments KII, KIII, KIV, KV. L’installation KI se situait au Stammlager et regroupait en sous-sol le block 11 et le crématoire 1. Par « installation de gazage homicide », il faut comprendre une infrastructure associant un bâtiment où se déroulaient les gazages à un corps de pièces dédié à la crémation. Celle-ci devait faire disparaître les corps des personnes exécutées. Ce sont les installations KII, KII, KIV et KV qui iront le plus loin dans cette logique, en intégrant de la manière la plus rationnelle les deux fonctions au sein d’un même bâtiment. Ces installations furent aussi les dernières à être construites, prenant en compte les différents retour d’expérience du meurtre de masse.
À la fin de l’année 1943, l’essentiel de la tuerie est réalisé. Il ne reste plus qu’une dernière grande communauté juive survivante : celle de Hongrie. Elle est relativement « protégée » jusqu’au printemps 1944, date à laquelle commence son extermination. Un document exceptionnel, appelé « L’Album d’Auschwitz », retrace le dernier voyage des Juifs de Hongrie. Prises par les SS eux-mêmes (Ernst HOFFMAN et Bernhard WALTER), ces 197 photographies furent récupérées par une rescapée du camp de concentration de Dora où il a été retrouvé : Lili JACOB-ZELMANOVIC. Elles montrent davantage l’environnement et le processus qui précède l’extermination, que cette dernière en tant que telle. Elles n’en constituent pas moins la preuve photographique de l’existence des installations de gazage homicide, ces dernières ayant été détruites par les Allemands avant l’évacuation du camp (5).
L’un des plus grands cimetières du monde
Le 27 janvier 1945, les soldats de l’Armée Rouge parviennent dans la région et libèrent le camp de Birkenau. Plus d’un million de personnes ont été assassinées en ce lieu depuis l’entrée en fonction du camp, mais les soldats soviétiques ne trouvent que quelques prisonniers affamés et des entrepôts remplis à craquer de valises, de vêtements, de lunettes et de chaussures (« Effektenlageer-Kanada ») que personne ne viendra réclamer. C’est que les corps ont été incinérés et les cendres dispersées selon la volonté des Nazis qui désiraient jusqu’à effacer ses vies de toute mémoire. Auschwitz-Birkenau est jusqu’à aujourd’hui l’un des plus grands cimetières du monde, mais un cimetière sans tombes.
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