Si les États-Unis se firent progressivement à l’idée d’une guerre dès 1940, ils n’en continuèrent pas moins à vouloir maintenir une vie économique normale alors que l’Europe sombrait dans le même temps et que la Grande-Bretagne luttait désespérément pour sa survie. Les bombes japonaises à Pearl Harbor vinrent dissiper l’illusion de l’isolationnisme et du « business as usual ».
Tardivement entrés dans la Deuxième Guerre mondiale, les États-Unis vont pourtant démontrer leur remarquable aptitude à pouvoir adapter leur économie aux exigences de la guerre : c’est le Victory program. Si les besoins du temps de guerre avaient déjà commencé à être estimés dès l’année précédente, c’est avec la mise en place du War production board en janvier 1942 - véritable organe central de coordination des productions de guerre - que le Victory program devint réellement opérationnel.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Au cours du conflit, les États-Unis produiront 90 000 chars de combat, 275 000 avions, 6 340 000 véhicules militaires de toute sorte dont l’emblématique Jeep Willys (1). L’effort de construction naval fut sans précédent avec la construction de 65 000 000 de tonnes de navires, dont les légendaires « Liberty ships » assemblés par les chantiers d’Henry J. KAISER (1882-1967) en seulement une semaine. L’Amérique devint véritablement « l’arsenal des démocraties ».
Durant l’entre-deux-guerres, l’US Army comptait moins de 200 000 hommes équipés de matériels vieillis et dépassés dans les trois armées confondues. Trois ans plus tard, en 1945, elle comptait 12 200 000 hommes, venait de mener une guerre globale dans deux directions continentales opposées, et commençait à s’affirmer - ce jusqu’à nos jours - comme la première puissance militaire mondiale.
Programme économique et industriel unique dans l’Histoire, le Victory program permit l’équipement rapide de l’armée américaine, mais il profita également aux alliés des États-Unis. Ses conséquences sur la société américaine furent également importantes. Des groupes sociaux jusqu’à présent exclus des circuits de production participèrent massivement à l’effort de production : femmes, Noirs, Indiens et autres minorités.
Les quantités de matériels produites induirent une véritable révolution logistique (préfabrication, standardisation, gestion et inventaire des stocks, acheminement et distribution...), qui inspira directement l’économie civile et les entreprises jusqu’à nos jours. Avec les guerres de Corée et du Vietnam, la conteneurisation achèvera cette révolution logistique. Contribution française au Victory program, Jean MONNET (1888-1979), présent aux États-Unis dès l’année 1940, y joua aussi un rôle important. L’expérience qu’il en retint devait l’inspirer durant l’après-guerre pour reconstruire et moderniser l’économie française.
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Bibliographie