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AC-130 Gunship
Article mis en ligne le 9 janvier 2018
dernière modification le 17 février 2020

par Nghia NGUYEN

S’il est un pays où la puissance de feu est érigée en une véritable culture ce sont bien les Etats-Unis, et c’est dans l’Armée de l’Air (US Air Force) que ce postulat se vérifie sans aucun doute. Illustrant le concept de « canonnière volante » depuis cinquante ans, l’AC-130 Gunship est à l’origine un avion cargo fabriqué par la firme Lockheed, dont la conversion en un appareil destiné à l’appui aérien rapproché (Close Air Support ou CAS) a été repris par Boeing.

La canonnière volante

Le concept naît avec la Guerre du Vietnam durant laquelle se fait sentir le besoin d’un soutien aérien direct aux forces terrestres notamment pour dégager les hameaux et les bases encerclées ; pour réduire aussi les concentrations ennemies dans la jungle. L’expérience de la Guerre de Corée (1950-1953) avec ces vagues humaines submergeant les positions américaines et alliées n’est pas loin non plus.

De manière empirique l’USAF va, dans un premier temps, utiliser de vieux avions Douglas C-47 Skytrain de la Deuxième Guerre mondiale. Ces derniers sont alors équipés d’un armement latéral monté en sabord. La tactique envisagée est d’effectuer un vol circulaire autour de la cible (« pylon turn ») permettant un tir ininterrompu sur l’objectif sans le quitter ni avoir à opérer d’autres manœuvres de vol.

Dès les premiers essais en situation de combat réel (fin de l’année 1964), le concept se révéla d’une grande efficacité et fut rapidement validé. Le « nouvel » avion AC-47 surnommé Spooky (1) était non seulement capable d’intervenir rapidement sur un lieu critique mais il délivrait également un tir dévastateur avec une bonne précision. Équipé dans un premier temps de mitrailleuses conventionnelles de 7,62 mm (jusqu’à 10 pièces embarquées dans une même canonnière), l’AC-47 vit très vite l’installation de miniguns MXU/470 A. D’emblée, ces derniers permirent de réduire le nombre de pièces à bord tout en augmentant la puissance de feu.

 

GE M 134 minigun

 

Minigun

Le minigun désigne une mitrailleuse multitubes entraînée par un moteur électrique permettant de faire tirer 6 canons dans un mouvement rotatif. Le concept permet d’atteindre des cadences de tir spectaculaires de l’ordre de plusieurs milliers de coups par minute. Inspirés de la première mitrailleuse multitubes de l’histoire – qui fut aussi la première arme automatique réussie - que Richard J. GATLING (1818-1903) met au point dans les années 1860, les miniguns apparaissent avec la Guerre du Vietnam. Version miniaturisée d’un modèle existant déjà - le canon mitrailleur M61 Vulcan de 20 x 102 mm -, ils équipent rapidement les canonnières et tirent des munitions de 7,62 x 51 mm OTAN.

D’emblée, les miniguns se révèlent redoutables. Ils permettent de saturer immédiatement une zone infestée d’ennemis, projetant une pluie de balles sur l’objectif. Les effets psychologiques (emploi de munitions traçantes) qu’ils produisaient sur l’infanterie nord-vietnamienne étaient tout aussi importants que les dégâts matériels et les effets létaux. Le système a, depuis, été adapté à l’avion d’attaque au sol Fairchild A-10 Thunderbolt II Warthog sous l’appellation GAU-8 Avenger (2), mais aussi dans une version terrestre (M134) et une version navale (Phalanx CIWS) (3).

La relève de « Magic Dragon »

L’utilisation de l’AC-47 Spooky révéla cependant les limites de l’appareil dont l’âge de la cellule n’était pas le moindre. Remontant à un autre conflit cette dernière se révéla fragilisée par la nouvelle puissance de feu embarquée. Son étroitesse posait aussi le problème de l’accueil de grandes quantités de munitions, celui d’un système d’évacuation des gaz et de systèmes de conduite de tir électroniques devant permettre le tir de nuit et par mauvais temps. Vecteur obsolète, "the Magic Dragon" n’en montrait pas moins les rapides améliorations à effectuer. L’US Air force lança donc deux autres projets visant à remplacer rapidement le Douglas AC-47.

Gunship II reprit l’avion de transport Hercule C-130 qu’il convertit en appareil lourd d’attaque au sol ; alors que Gunship III - mené par la firme Fairchild - conçu un appareil intermédiaire nouveau entre le vieil AC-47 et le pesant C-130 : l’AC-119G Shadow et l’AC-119K Stinger. Dans les deux cas, le concept demeurait le même : un armement latéral monté à babord pour le même emploi tactique. L’armement s’alourdissait cependant et, surtout, l’avionique embarquée permettait dorénavant des frappes de nuit et par n’importe quel temps. Le Fairchild AC-119 fut cependant retiré du service avec la fin de la Guerre du Vietnam, laissant la place à l’AC-130.

AC-130H

 

L’AC-130

Le projet Gunship II est contemporain du déploiement des AC-47 et AC-119. Plus lourd et plus onéreux, il part d’une base Lockheed reprise par Boeing et donne le modèle de canonnière volante qui devait connaître le plus de variantes, la plus grande longévité (50 ans en 2018) et, in fine, le plus grand succès (4). De nos jours, le concept de canonnière volante se confond, auprès du grand public, avec cet avion essentiellement connu sous l’appellation « Spectre » (version AC-130 H) ou « Spooky II » (AC-130 U). Les versions les plus modernes de l’AC-130 sont actuellement l’AC-130 U et l’AC-130 J « Ghostrider ».

À ce jour, on compte pas moins de 7 versions d’AC-130 qui se sont succédées depuis le lancement du projet Gunship II. Les différences se jouent sur l’amélioration de la motorisation, l’armement embarqué et une avionique de plus en plus performante. D’emblée, l’AC-130 se révèle une excellente plate-forme de tir. La taille de l’avion, son architecture et sa capacité d’emport permettent de monter un armement lourd exceptionnel pour un vecteur aérien : canons M61 Vulcan de 20 mm en plus des miniguns, canons Bofor de 40 mm et Howitzer M102 de 105 mm. La version U emporte un canon mitrailleur rotatif GAU-12/U de 25 mm, et la version J un canon GAU-23 de 30 mm, des bombes GBU-39 et des missiles AGM-176 Griffin. Il est également possible de remplacer le canon de 105 mm par un mortier de 120 mm, et d’ajouter des missiles AGM-114 Hellfire. Jamais dans l’histoire de la guerre aérienne, un avion n’a embarqué une telle puissance de feu ni de tels calibres d’artillerie que l’AC-130.

Pouvoir en disposer en CAS ne peut que renforcer le moral des troupes américaines - ou alliées - au sol d’autant plus que l’AC-130 n’a cessé de voir son avionique se perfectionner. Systèmes de contrôle de tir, capteurs thermiques et électromagnétiques, radars de veille et de tir, équipements de guerre électronique, contremesures électroniques… Cette canonnière volante dont on a pu redouter les tirs fratricides sur les troupes au contact, « voit » très bien, de jour comme de nuit, la situation au sol, notamment avec un module « Precision Strike Package » livré pour la version J Ghostrider.

L’AC-130 Gunship demeure néanmoins un appareil lent, et vulnérable si l’ennemi dispose de moyens anti-aériens. Plusieurs canonnières ont ainsi été abattues en Asie-du-Sud-Est. Au total, 8 ont été perdues depuis l’engagement du premier AC-130, dont une par accident en Somalie en 1994. Leur utilisation, à défaut de nécessiter systématiquement un appui rapproché, demande la maîtrise de l’espace aérien ainsi que celle de l’environnement électronique.

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  1. L’avion avait également une deuxième appellation : « Puff, the Magic Dragon ».
  2. Le GAU-8 est un canon de 7 tubes d’un calibre de 30 x 173 mm à vocation anti-char. Sa cadence de tir est de 65 obus par seconde.
  3. Le système Phalanx Close-In Weapon System (prononcer « ciwis » ou « sea whiz ») est la version navalisée du M61 Vulcan. Équipant les bâtiments de guerre de l’US Navy, son utilisation est surtout défensive eu égard à l’emploi de systèmes similaires dans l’Air force. Le Phalanx CIWS constitue la dernière ligne défense du navire face à une menace aérienne après les boucliers aérien et missile.
  4. Dans ces différentes versions, l’avion a été engagé au Vietnam mais aussi en Irak lors des Guerres du Golfe, en Somalie et en Afghanistan.

 

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