La base aérienne de Hmeimim. Des appareils militaires russes apparaissent nettement (source - Google Earth)
La défaite militaire de l’État islamique ne fait pas pour autant cesser les combats en Syrie où la coalition doit encore compter avec une nébuleuse de groupes islamistes et rebelles au pouvoir de Damas. Les divergences stratégiques entre Russes et Américains concernant le sort de ce pays expliquent que l’ensemble de ces acteurs - l’actuel régime syrien inclus - ne sont pas appréhendés de la même manière. Certains – désirant la chute de Bachar AL-HASSAD - pourront être soutenus par Washington et combattus par Moscou sur fond d’une action commune des deux puissances contre l’État islamique.
Dans ce contexte pour le moins complexe, l’accusation des États-Unis par la Russie de livrer des armes aux « rebelles » - qui ne seraient en fait que des terroristes islamistes aux yeux de Moscou – est récurrente. Le dernier épisode en date remonte en ce début d’année où les Etats-Unis sont accusés de transmettre des technologies sensibles aux rebelles syriens, leur permettant la mise au point de drones armés de plus en plus sophistiqués. L’accusation n’est pas mince et Moscou d’aller plus loin en suggérant l’irresponsabilité américaine à armer ainsi des terroristes capables désormais de frapper les États occidentaux avec ce type d’engin. Quelles sont les origines de cette accusation ?
L’année 2018 a débuté par une série d’attaques contre les bases russes en Syrie. Le dimanche 31 janvier 2017, la base aérienne de Hmeimim, au nord-est de Jableh, a ainsi fait l’objet d’une première attaque au mortier tuant deux militaires russes. Ce bombardement aurait causé de graves dégâts matériels, endommageant - voire détruisant - 4 Su-24, 2 Su-35 et un avion de transport An-72 selon les revendications de divers groupes rebelles. Si les analyses des experts quant à ces chiffres restent prudentes, des photographies ont néanmoins pu montrer, au moins, un appareil gravement endommagé.
La base navale de Tartous (source - Google earth)
Deux jours plus tard, le mardi 2 janvier 2018, une unité russe procédant à une dépollution d’explosifs non loin de Homs était attaquée par un drone armé de fabrication artisanale (Improvised Armed Drone, IAD). Le jeudi 4, de nouveaux drones larguaient des « bombes » sur les villes de Qardaha et de Jableh. C’est cependant le samedi 6 qu’a eu lieu l’attaque la plus importante contre la base aérienne de Hmeimim (10 IAD) et la base navale de Tartous (3 IAD). Défendus par le système anti-aérien Pantsir S-1 (1), les installations russes ne semblent pas avoir subi de dégâts. 7 IAD furent abattus tandis que la défense électronique prenait le contrôle de 6 autres IAD, faisant s’en écraser 3 et parvenant à en faire atterrir 3 (2).
Ce succès tactique ne parvient cependant pas à masquer les inquiétudes russes devant la fréquence de ce type d’attaque en l’espace d’une semaine seulement. Quels qu’ils soient, les insurgés semblent maîtriser des savoir-faire de plus en plus complexes en matière de drone armé. Le mode opératoire comme les modèles capturés permettent en effet de mieux connaître les caractéristiques de ces IAD, qui ont été lancés à 50 km de distance mais qui seraient capables d’en parcourir plus du double.
Ces derniers sont de petites dimensions et se présentent comme une structure en bois et en polystyrène, montée sur un support rudimentaire qui permet un lancement par catapultage. Le moteur est protégé par une bâche plastifiée, et les composants aéronautiques restent communs : un moteur diesel, un système de pilotage automatique, un GPS, des servo-moteurs… Les ailes sont renforcées par une tige en aluminium qui reçoit deux bombes (une sous chaque aile). Ces dernières, fabriquées de manière artisanale, mais avec un certain professionnalisme, utilisent des fusées d’obus de mortier comme détonateurs. Sur la munition elle-même on observera un anneau de fixation.
On le voit, les IAD des insurgés syriens sont encore loin d’atteindre les sommets technologiques des drones occidentaux. Ils emploient des matériaux accessibles sur le marché - ce que les officiels américains ne manquent pas de souligner -, mais ils constituent en quelque sorte une nouvelle gamme d’IED (3) : une réplique aérienne de ces explosifs artisanaux, statiques ou véhiculés, au sol. À Hmeimim et Tartous les IAD ont été employés comme des bombes volantes, sans caméra embarquée, et n’étaient visiblement pas prévus pour retourner sur leur point de lancement quand bien même, selon les techniciens russes, ils pourraient jouer ce rôle de bombardier. Dans une configuration de bombe volante, il n’est pas non plus impossible d’ajouter une troisième charge explosive dans leur fuselage, remarquent-ils.
Apparus lors des combats en Syrie et en Irak, les IAD ont aussi été utilisés dans la bande de Gaza par le Hamas. Si leur utilisation demeure assez récente, c’est surtout la vitesse à laquelle ils sont perfectionnés qui inquiètent aujourd’hui les spécialistes aussi bien russes qu’occidentaux, quand bien même les premiers insistent-ils sur la programmation des systèmes de contrôle, ainsi que sur la capacité des IAD lancés sur Hmeimim et Tartous à larguer leurs bombes en s’aidant d’un GPS, pour accuser les Etats-Unis de divulgation de technologies sensibles. Seule puissance à disposer de bases et d’infrastructures sur le sol syrien, la Russie redoute plus que jamais une attaque coordonnée d’IAD (« swarm of drones ») lancés à partir de plusieurs sites.
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Sources
(Source - Sputnik)