Problématique
Sans sous-estimer l’influence directe et profonde des progrès technologiques sur les capacités du soldat, l’augmentation de ce dernier est d’abord à remettre dans la perspective de la guerre dès ses origines. L’histoire des armes est aussi vieille que l’Humanité elle-même. Elle montre que de la lance au char de combat les combattants ont recherché de manière permanente une « augmentation » de leurs capacités tactiques : tuer et détruire plus efficacement, mieux se protéger, se déplacer plus rapidement, voir et entendre de plus en plus loin… Cette recherche permanente, et sans fin, de la performance est dans la nature même de l’effort guerrier.
Si cette contextualisation anthropologique devait nous permettre d’éviter les fantasmes sur la question, il n’en demeure pas moins que les progrès réalisés en ce début de siècle dans les NBIC placent notre humanité sur un seuil où, plus que les progrès des armements, c’est la nature même du soldat qui est désormais susceptible de connaître des mutations décisives voire irréversibles.
Nous aurions tort, cependant, de limiter la réflexion au seul périmètre du « soldat augmenté » tant la mutation de ce dernier ne serait rien d’autre qu’une mutation de la nature humaine elle-même avec toutes les conséquences anthropologiques dans lesquelles cette mutation nous engage. Du fait de la recherche permanente de l’efficacité au combat, les armées – ici comme ailleurs et plus particulièrement outre-Atlantique – sont à la pointe de la révolution transhumaniste (cf. Bibliographie) qui, paradoxalement et à terme, pourrait abolir la notion de transcendance qui jusqu’à présent fondait essentiellement la condition militaire. Plus qu’une révolution technologique et militaire en soi, le soldat augmenté est avant tout un sujet profondément philosophique.
L’INTERNET des corps - ou INTERNET of Bodies (IoB) - désigne la capacité de connecter des objets au corps humains. Au carrefour des progrès de la robotique et de l’intelligence artificielle, les nouvelles générations de capteurs permettent une augmentation des capacités du soldat soit à partir de systèmes externes (exemple des exosquelettes) soit à partir de biocapteurs permettant d’opérer par la pensée une machine ou un robot. C’est ce qu’a réalisé l’armée australienne en partenariat avec l’Université de Technologie de Sydney en 2022. La prochaine étape sera l’implant et l’intégration de ces capteurs dans le corps humain. L’INTERNET des corps connaît déjà l’implantation de dispositifs médicaux - les stimulateurs cardiaques par exemple - mais il est dorénavant question de développer les interfaces cerveau/ordinateur. On parle alors d’INTERNET des corps embarqués.
_______________
Débats et réflexions
Ressources