À la recherche d’une autorité perdue
La multiplication de formations ou de dispositifs mettant en relation l’Armée et l’Éducation nationale, donne une relative consistance aux différents protocoles interministériels et on ne peut que s’en féliciter. Elle est surtout le signe visible d’une demande croissante de « militarité » : une notion dans laquelle de plus en plus cherchent et retrouvent des vertus fondamentales (1).
Que ce soit les EPIDE, les fondations Espérance banlieues et ruralités ou les Classes de Défense et de Sécurité Globale (CDSG), il est, au fond, guère étonnant de voir monter en puissance cette demande de militarité alors que les forces armées demeurent la dernière institution exprimant l’idée d’autorité autour d’un Bien commun nettement identifié, ce que n’incarne plus l’École de la République depuis longtemps. Les sondages du CEVIPOF montrent ainsi que la confiance des Français envers l’Armée est de loin très supérieure à celle accordée à l’Éducation nationale : 75% contre 65% en décembre 2017 (2).
De nos jours, nous ne sommes donc plus à l’époque où l’Armée suscitait rejet et défiance au sein de la société. C’est même plutôt le contraire et cette évolution en accompagne une autre : celle d’un fossé qui n’aura cessé de se creuser ces dernières années entre les citoyens et la vie politique. À voir un tel rééquilibrage, on se réjouirait et la situation ne serait que justice si entre temps la déliquescence de l’idée même d’autorité n’avait fait entrer l’ensemble de la société dans une profonde crise de valeurs.
Il est ainsi devenu lieu commun de souligner anecdotes et faits divers qui, dans les enceintes des établissements scolaires, illustrent la crise d’une Éducation nationale témoin direct mais aussi actrice de cette destruction de l’autorité. Aujourd’hui, la multiplication d’expériences pilotes comme le croisement de regards disciplinaires et professionnels extérieurs à l’École s’imposent afin de sauver des parties de la population scolaire qui renvoient ni plus ni moins qu’à des parties de notre société en quasi sécession.
« Allons enfants ! » de Sylvie PERRIN
C’est au Lycée des métiers Japy de Lyon, avec des élèves de CAP vente, que la documentariste Sylvie PERRIN a réalisé un reportage sur une CDSG : « Allons enfants ! » (3) Durant deux années, la réalisatrice a suivi des lycéens en situation d’échec scolaire – si ce n’est en échec d’intégration -, qui recevaient deux heures par semaine le Lieutenant-colonel Denis COCHET. À charge pour l’officier de créer un lien de confiance et d’imposer des règles d’échanges et de savoir-être destinées à structurer et resocialiser ces jeunes. Un rapport – sur le fond - assez classique pour un officier guidé par l’exercice du commandement et un instructeur toujours appelé à devoir s’imposer auprès de la troupe. En uniforme, sur un ton franc et direct et appuyé par une équipe pédagogique motivée, le Colonel COCHET a ainsi animé non sans succès une CDSG, sensibilisant les élèves de CAP à la Nation, la citoyenneté et l’Histoire ; les emmenant aussi en visite sur des sites militaires et des lieux historiques.
Le documentaire de Sylvie PERRIN, soutenu par le Trinôme de l’académie de Lyon, a été diffusé pour la première fois sur France 3 Auvergne-Rhône-Alpes en novembre 2017. Il sera prochainement rediffusé - en avant-première nationale cette fois - à l’École militaire de Paris où il fera l’objet d’une table ronde abordant le dispositif des CDSG mais aussi la problématique des échanges entre l’Armée et la jeunesse (4).
Les CDSG : un dispositif qui date de 2005
Parti d’une initiative locale appliquée et évaluée à partir de 2005 (5), le dispositif des CDSG a, depuis, été officiellement institué par la convention-cadre du 8 mars 2011 signée entre M. Jean-Michel BLANQUER pour l’Éducation nationale (6), M. Éric LUCAS, Directeur de la Mémoire, du Patrimoine et des Archives (DMPA) ainsi que le Général de corps d’armée Bruno de SAINT-SALVY, représentant du CEMA.
Le principe d’une CDSG est de nouer un partenariat local entre une classe et une unité militaire. Inscrit dans le projet d’établissement et sur la base d’un volontariat, les élèves travaillent à la construction de ce partenariat sur un volume de deux/trois heures hebdomadaires. Concrètement, il s’agit :
S’inscrivant dans la promotion pour l’égalité des chances, le dispositif CDSG s’est révélé prometteur pour les établissements RAR (Réseau Ambition Réussite) et CLAIR (Collèges et Lycées pour l’Innovation, l’Ambition et la Réussite). Il n’est pas étonnant de l’avoir vu naître dans une académie telle celle de Nice où la proximité de la Marine nationale a favorisé l’initiative. L’académie de Poitiers n’est pas en reste, où le potentiel pour nouer de tels partenariats est élevé. Notamment dans le département de la Charente où l’empreinte militaire est forte entre la BA 709 de Cognac-Châteaubernard, le 1er RIMa et le 515e RT d’Angoulême, mais aussi divers éléments rattachés de la Marine nationale.
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