(Source - Marine nationale)
L’entraînement permanent et le maintien des niveaux de qualification des pilotes du Groupe Aérien Embarqué (GAE) conditionnent directement la capacité de la France à déployer un groupe aéronaval crédible et efficace au cœur des océans. À cette fin, il n’y a pas d’alternatives : les pilotes doivent accumuler les heures de vol, les exercices d’entraînement et multiplier les catapultages comme les appontages. S’il est connu que la formation d’un pilote de chasse est longue, coûteuse et complexe, celle d’un pilote de la chasse embarquée l’est davantage du fait des contraintes spécifiques à la plateforme navale et au milieu maritime.
Pour répondre à ces impératifs, les pilotes de l’aéronavale disposent bien évidemment du porte-avions nucléaire Charles de Gaulle R 91, mais que ce dernier soit immobilisé pour une Indisponibilité Périodique Pour Entretien et Réparation (IPER) et c’est tout le programme d’entraînement des pilotes qui se trouve sensiblement affecté. Certes, le PAN n’est pas souvent mis en IPER, mais ces dernières sont plus bien plus longues et plus coûteuses que celles des autres bâtiments de la Marine nationale. À quai depuis décembre 2016, le PAN ne pourra reprendre ses essais à la mer qu’au milieu de l’année 2018, soit une absence opérationnelle d’une année et demi. L’IPER ne serait pas un problème en soi si la permanence à la mer était assurée par un deuxième porte-avions, ce qui n’est malheureusement pas le cas (1).
Durant une longue période, les pilotes de l’aéronavale – pilotes de Rafale M mais aussi de E2-C Hawkeye – ne peuvent plus s’entraîner dans les conditions qui leur sont spécifiques notamment décoller et atterrir sur quelques centaines de mètres seulement. La Base d’Aéronautique Navale de Landivisiau permet de simuler des appontages en reproduisant au sol le dessin à dimension réelle de la piste du PAN (2), mais les mouvements du PAN à la mer ne peuvent être reproduits (roulis et tangage). La simulation sur piste ne peut non plus reproduire les conditions d’un véritable catapultage.
À cette faiblesse structurelle dans le cycle d’entraînement des pilotes s’en ajoute une deuxième à l’endroit des équipes nécessaires à la mise en œuvre des aéronefs. Qu’ils soient jaunes, blancs, rouges, bleus, verts, violets ou marrons, ils sont nombreux à opérer simultanément dans diverses fonctions lors d’un catapultage, d’un appontage et dans la préparation de toutes les missions. Sans eux les avions ne pourraient être opérationnels, et derrière chaque pilote à l’exercice ou en mission se trouvent des dizaines de marins en permanence à la manœuvre.
(Source - Marine nationale)
Un partenariat indispensable avec les États-Unis
C’est pour résoudre cette lacune que la mission Chesapeake a été mise sur pied pour la première fois en 2008, et qu’elle est reconduite dix ans plus tard. Ainsi appelée en souvenir de la bataille de la Baie de Chesapeake (3), cette mission est une illustration concrète du partenariat stratégique entre la France et les Etats-Unis. Si les deux pays ont en commun une vision stratégique globale, des engagements complémentaires par coalitions interposées, ils sont aussi les deux seuls pays à disposer, pour l’heure, de porte-avions lourds capables d’opérer avec le système CATOBAR.
Dans le contexte international actuel, et avec les moyens aéronavals dont les États-Unis disposent (4), il est donc assez naturel que l’US Navy participe à une mission de remontée en puissance du GAE français, ce dernier accompagnant également une remontée en puissance du PAN à l’approche du terme de son IPER. Durant les mois d’avril/mai 2018, la Marine américaine met ainsi à disposition de 350 marins et pilotes français le deuxième porte-avions qui leur manque : le USS GH. Bush CVN 77. Les militaires français amènent avec eux 12 Rafale M et un Hawkeye.
Concentrés durant une première période sur la Naval Air Station Oceana (Virginie), 27 pilotes appartenant aux flottilles 11F 12F et 17 F vont devoir réussir 8 ASSP de jour comme de nuit pour obtenir une première qualification leur permettant d’embarquer ensuite sur le porte-avions USS GH. Bush. Lors d’une seconde période, ils devront réaliser 10 catapultages et réussir 10 appontages de jour comme de nuit sur ce dernier. Pour 5 pilotes, il s’agira des premiers appontages en mer aux commandes d’un Rafale.
L’appontage est de loin la manœuvre la plus délicate, la plus risquée et la plus redoutée des pilotes que ce soit sur un porte-avions américain ou sur le PAN Charles de Gaulle, ce dernier étant encore plus petit que ses homologues étatsuniens… Au-delà de cette qualification en soi, le cycle d’entraînement Chesapeake prévoit plus de 180 exercices allant du soutien aérien au sol, à l’attaque/défense de bâtiments en passant par le combat aérien, le bombardement, la reconnaissance, le raid en profondeur…
Mission essentielle pour le maintien en condition opérationnelle du GAE dans l’attente du redéploiement du PAN, la mission Chesapeake renforce également une interopérabilité unique entre la Marine nationale et l’US Navy. En dépit des différences de conception de leurs plateformes respectives, pilotes français et américains peuvent aujourd’hui opérer ensemble sur toutes les mers.
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