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La bataille de Kolwezi (1978)
Article mis en ligne le 19 mai 2018
dernière modification le 1er mai 2021

par Nghia NGUYEN

Fondée en 1937 autour des intérêts de la compagnie belge Union minière du Haut-Katanga (UMHK), la ville de Kolwezi se situe dans la province la plus méridionale du Zaïre : le Katanga (1). Dans la nouvelle République Démocratique du Congo (2), cette province fait l’objet d’un nouveau découpage administratif qui place Kolwezi dans l’actuelle province de Lualaba.

Situé à 1500 m d’altitude sur le plateau de Manika, s’étendant sur 40 km2, Kolwezi a rapidement attiré l’attention du fait de la richesse de son sous-sol. Cobalt, cuivre mais également uranium et radium, ont fait de la ville un centre minier de première importance ; le plus important de la province et du pays comme en témoignent d’immenses carrières à ciel ouvert dans les périphéries ouest et sud ainsi que des cités industrielles satellites s’étendant sur une quinzaine de kilomètres aux alentours. L’origine coloniale de Kolwezi est toujours visible dans un bâti urbain cloisonné et ségrégatif, où le quartier européen (la vieille ville) apparaît encore nettement. Autre élément d’importance, la ville dispose d’un aérodrome à une demi-douzaine de kilomètres à sa sortie sud-est.

 

Avion des Forces Armées Zaïroises (FAZ) détruit par les Katangais

 

Le Zaïre entre décolonisation et Guerre froide

À la fin des années 1970, la situation du Zaïre reste instable. Le pays est traversé par des crises liées à une indépendance mal préparée (30 juin 1960) à laquelle la Guerre froide fournit des répliques par le biais d’une autre guerre civile qui déchire l’Angola voisine. L’impréparation de l’indépendance accouche d’emblée d’une sécession du Katanga (1960-1963) mais aussi d’un coup d’État qui amène le dictateur Joseph-Désiré MOBUTU (1930-1997) au pouvoir en novembre 1965.

C’est dans ce contexte particulièrement troublé que des séparatistes katangais (3), commandés par le Général Nathaniel MBUMBA, s’organisent en un Front National de Libération du Congo (FLNC) à partir de 1968. Ces rebelles qui se font appeler « Tigres katangais » sont à l’origine d’anciens soldats recrutés lors de la sécession du Katanga par Moïse TSHOMBÉ (1919-1969). Formés par des mercenaires occidentaux, ils sont organisés en une gendarmerie qui, avec la fin de la sécession, se replie en Angola. De là, les ex-gendarmes katangais, désormais encadrés par des conseillers cubains et est-allemands, poursuivent la lutte contre MOBUTU. À deux reprises, lors des guerres dites du Shaba (1977 et 1978), ils vont tenter de déstabiliser le Katanga/Shaba.

Le jeudi 11 mai 1978, plusieurs milliers de rebelles katangais (entre 3 et 4000 combattants de l’ethnie Lunda) franchissent la frontière. Partis de leurs sanctuaires angolais, ils sont acheminés par la 2e division cubaine via la Zambie : c’est l’opération Chicapa (« colombe ») qui vise Lubumbashi. Centre minier de premier ordre, contrôlant la route et la voie ferroviaire Dilolo/Lubumbashi, disposant d’un aérodrome et accueillant une communauté de 3000 coopérants européens, Kolwezi se trouve sur l’axe de progression des rebelles Katangais et constitue également un objectif.

En dépit d’informations qui auraient pu laisser supposer une action imminente des Katangais, la surprise est totale. Dissimulant les uniformes sous d’autres vêtements, les rebelles entrent dans la ville minière le 13 mai. L’aérodrome est le premier site à tomber entre leurs mains. La vieille ville et le quartier européen sont ensuite rapidement investis. Les ressortissants étrangers alors présents sont belges en majorité (1700 personnes), mais aussi français. Ils travaillent essentiellement pour la société ayant remplacé l’UMHK : la Gécamines. Dans les premières heures, cette communauté européenne n’est pas directement menacée, mais l’assassinat de familles belges qui assistaient à une messe au lendemain de l’entrée des rebelles dans la ville (4), celui de 6 militaires français capturés le surlendemain, annoncent l’imminence de l’horreur.

La province du Shaba est alors sous le contrôle d’une division de l’armée zaïroise : la Division Kamanyola dont la 14e brigade a en charge la défense de Kolwezi. En fait, dès le premier assaut, cette unité se débande complètement. 7 avions et 5 hélicoptères sont détruits sur l’aérodrome, de nombreux éléments se sont enfuis, d’autres sont capturés et un peloton d’automitrailleuses légères Panhard AML 60 passe même à l’ennemi. Les Katangais, dont le poste de commandement est installé à l’hôtel Impala, ont réussi leur coup de force mais les combats avec les FAZ obligent la plus grande partie de leur colonne a quitté Kolwezi le 15 mai.

Surtout, une tentative d’assaut aéroporté zaïroise le lendemain va précipiter les événements. Cet assaut est un désastre pour MOBUTU qui perd la plupart des hommes engagés dans l’opération, mais elle déclenche les massacres dans la ville. Pour les quelques centaines de Katangais restés sur place, et que ne contrôlent plus les conseillers cubains et est-allemands, l’heure est désormais au déchaînement : pillages, viols, chasse aux Européens. Les exécutions sommaires de ces derniers, mais aussi de soldats zaïrois faits prisonniers prennent de l’ampleur.

 

 

L’intervention européenne

À Paris comme à Bruxelles, les gouvernements sont tenus informés de la situation heure par heure depuis le 13 mai. Ils n’en tirent cependant pas les mêmes conclusions. Les Belges, qui tablent sur un apaisement de la situation et attendent un accord américain, envisagent une opération d’évacuation. Les Français sont, eux, partisans d’une opération de vive force afin d’évacuer les Européens en danger immédiat. Les divergences sur le volet action, alors que la situation demeure urgente, explique que les deux pays vont finalement opérer séparément. Ayant acquis la certitude que le massacre était inévitable et qu’il allait en s’amplifiant, le Président français Valéry GISCARD d’ESTAING (1974-1981) décide l’intervention militaire sous la forme d’une opération aéroportée ponctuelle mais de vive force : c’est l’opération Bonite aussi appelée opération Léopard.

D’emblée, l’opération Bonite pose de redoutables problèmes qu’il faut résoudre dans la plus grande urgence. Le principe de l’intervention est de sauver plusieurs milliers de ressortissants européens avant qu’ils ne soient tous massacrés ou dispersés en groupes d’otages. L’effet de surprise reste majeur et privilégie un assaut « vertical », que seule une unité parachutiste bien entraînée peut réaliser. Des éléments essentiels seront directement éprouvés à savoir la fiabilité du réseau de renseignement et l’articulation entre les forces aéroportées et les forces aériennes, sachant que l’opération est déclenchée à 6000 km de l’objectif et qu’elle porte sur un espace urbain étendu. Mettre sur pied un état-major opérationnel spécifique à l’opération, et organiser les flux logistiques à partir de Kinshasa ajoutent aux difficultés. Afin de faciliter ces derniers, les parachutes français sont laissés en France et les forces d’intervention s’équiperont avec les parachutes de l’armée zaïroise. Ceux-ci sont cependant américains (modèle T10) et il faut instruire en toute hâte les parachutistes français à ce nouveau matériel.

 

Patrouille du 2e REP dans les environs de Kolwezi

 

C’est un régiment d’élite de la Légion étrangère – le 2e Régiment Étranger de Parachutistes (5) - qui est prépositionné dès le mardi 16 mai sur la BA 126 de Solenzara. Là se concentrent ses divers éléments rappelés dans l’urgence avant leur projection en Afrique. La mission des légionnaires est de prendre le contrôle des quartiers résidentiels de Kolwezi avec pour priorité la vieille ville, et de mettre fin aux massacres. Pour cela, ils seront largués en deux vagues : la première sur l’ancien hippodrome au nord de la vieille ville ; la seconde à l’est de la ville nouvelle. 6 avions seront nécessaires pour cet assaut : 4 Hercule C-130 zaïrois et 2 Transall C-160 français.

L’opération Bonite entre dans sa phase tactique le 19, après une escale et une articulation finale à Kinshasa. La première vague comprenant 3 compagnies ainsi que le PC est lancée. Lourdement chargés en munitions, en piles radio et en rations (pour au moins 48.00), le Colonel ERULIN et 405 légionnaires parachutistes sont largués à 14.30 à moins de 250 m du sol au-dessus de la première Drop Zone (DZ). Ils se regroupent et se réorganisent rapidement à moins de 500 mètres des premiers objectifs. À ce stade, la situation est particulièrement délicate pour les soldats français. Ils ne disposent d’aucun armement lourd, d’aucun soutien ni ravitaillement et leur connaissance de la situation au sol demeure vague. Les informations sur la situation au sol restent très lacunaires (il n’y a pas encore d’observation satellite à l’époque), et la seule carte disponible est une carte américaine du Zaïre au 1/250 000e... Dans ce véritable "brouillard de la guerre", l’opération aurait très vite pu tourner au fiasco en cas de pertes sévères.

L’affrontement débute aussitôt avec des Katangais bien armés : AML 60, canons sans recul, mortiers, lance-roquettes, mitrailleuses lourdes et fusils d’assaut. Ce sont des combats de rue à pratiquement 1 contre 1 où la rigueur combattante des légionnaires fait cependant la différence. Profitant de l’effet de surprise, pratiquant des actions rapides et coordonnées, rompus aux manœuvres de débordement, les parachutistes prennent l’ascendant sur des Katangais qui se battent en groupes dispersés et mal coordonnés. Au soir du 19 mai, la vieille ville est contrôlée par les légionnaires et les premiers groupes d’otages sont libérés.

 

Servants mortier du 2e REP durant la bataille

 

L’ennemi, qui tient encore la cité Manika au sud-est et la ville nouvelle (à l’est) tente de revenir dans la vieille ville et livre des combats d’infiltration et d’embuscade. Ces derniers se poursuivent durant la nuit et mettent aux prises de petites unités soit à pied soit montées sur des véhicules légers. Cependant, le largage de la deuxième vague (250 légionnaires) – le 20 mai à 6.30 – à l’est de la ville nouvelle prend les Katangais à revers. Leur situation devenant intenable, au moment même où les premiers parachutistes belges atterrissent sur l’aérodrome, ils abandonnent rapidement Kolwezi.

Les légionnaires du 2e REP finissent donc de sécuriser la ville ce samedi 20 mai, jour où sont également découverts les premiers charniers. 700 Africains y seront dénombrés ainsi que 170 Européens. 5 légionnaires français sont tombés dans la bataille et 20 ont été blessés, mais 250 Katangais ont été tués et de nombreuses armes ont été saisies. Les Européens survivants sont, quant à eux, rapidement acheminés vers l’aérodrome pour être évacués le 21. Si le 2e REP quitte Kolwezi le 15 juin, l’armée belge reste encore présente dans la région afin d’assurer la sécurité et l’ordre avec une force multinationale africaine.

Fait d’armes à l’honneur de la Légion étrangère, et du 2e REP en particulier, la bataille de Kolwezi a pu montrer la qualité opérationnelle de l’armée française, qui a dû faire face à une crise urgente et lointaine avec des moyens limités. Elle révèle une véritable capacité interarmées (Armée de Terre/Armée de l’Air) et confirme la qualité tactique de la Légion au combat. Elle illustre enfin l’importance des opérations et des forces aéroportées nonobstant la rareté de leur emploi en tant que tel lors des récents conflits.

 

Légionnaires au repos

__________

  1. Le Katanga renommé province du Shaba entre 1971 et 1997.
  2. La première République Démocratique du Congo (RDC) naît en 1964, de la guerre civile qui succède à la décolonisation. Elle devient la République du Zaïre en 1971 pour redevenir la RDC en 1997.
  3. Ces séparatistes sont appelés « Tigres katangais ».
  4. Dont 12 enfants qui faisaient leur confirmation en ce jour de Pentecôte.
  5. Le 2e REP est commandé par le Colonel Philippe ERULIN (1932-1979). Parmi les officiers l’accompagnant, on repérera deux futurs généraux. D’abord Bruno DARY dont on lira le témoignage : "Souvenir de Kolwezi". DARY était à l’époque lieutenant et commandait une section de tireurs de précision. Devenu général d’armée, il a terminé sa brillante carrière comme Gouverneur Militaire de Paris (2007-2012). Homme de conviction, il est aussi connu pour son engagement au sein de La Manif pour tous. Ayant également combattu à Kolwezi en tant que jeune officier, le Général d’armée Benoît PUGA a été le Chef d’État-major particulier des présidents Nicolas SARKOZY et François HOLLANDE de 2010 à 2016, avant de devenir Grand Chancelier de la Légion d’Honneur. DARY et PUGA ont également été tous deux chefs de corps du 2e REP, le premier en 1994 et le second en 1996.

Le fusil de précision FR-F1 de 7,5 x 54 mm (dans une première version) fut mis en service dans l’armée française en 1966, mais c’est à Kolwezi qu’il connut son premier engagement au combat (portée pratique de 800 m)

La Légion marche vers le front (chant du 2e REP)

 

 


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