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L’héroïsme n’est pas mort

Robert Redeker salue l’héroïsme de Mamoudou Gassama, qui a escaladé la façade d’un immeuble pour sauver un enfant. Il y voit tout le contraire de l’esprit de Mai 68, qui était selon lui un refus de la grandeur et du sacrifice. Robert Redeker est professeur agrégé de philosophie. Il a notamment écrit L’Éclipse de la mort (Desclée de Brouwer, 2017).

  • REDEKER (Robert), « L’héroïsme n’est pas mort », in Le Figaro, 29 mai 2018.
Article mis en ligne le 30 mai 2018
dernière modification le 10 novembre 2020

par Nghia NGUYEN

Surgissant du néant anthropologique qui signe notre époque marquée par la prolifération de l’insignifiance et sa promotion tapageuse et sans pause, deux hommes, nettement différents l’un de l’autre, sont venus illustrer une vertu souvent raillée, si ce n’est méprisée par la culture post-soixante-huitarde : l’héroïsme. Les actions d’Arnaud Beltrame, lors de l’attaque d’un supermarché près de Carcassonne, et de Mamoudou Gassama, escaladant quatre étages d’un immeuble pour sauver un enfant, marquées du signe du courage et de l’abnégation, du généreux oubli de soi, nous invitent à réfléchir sur quelques évolutions du monde contemporain.

Beaucoup espéraient close l’ère des héros. Il fallait même, à leurs yeux, aller plus loin qu’Auguste Comte, pour qui le père de famille sera le héros de l’âge positiviste, post-historique, le héros tranquille des âges pacifiques. Il fallait détruire jusqu’aux pères. Il fallait en arriver à réduire en bouillie le patriarcat, l’héritage, la filiation, jusqu’à baptiser « parent 1 » et « parent 2 » les pères et les mères. Mais, comme toutes les vertus, comme toutes les grandeurs, l’héroïsme est têtu ; il est quelque chose qui insiste.

De fait, en dépit de la guerre par la dérision qui lui était menée depuis un demi-siècle, cette vertu, l’héroïsme, continuait d’exister d’une vie souterraine, telle une rivière enfouie dans les profondeurs de l’âme humaine. Considérons Beltrame et Gassama avec un œil de spéléologue de la civilisation, comme des résurgences éruptives de formes d’esprit que la culture dominante désirait éradiquer.

Ce sont ainsi deux figures du héros qui ont fait irruption dans notre paysage collectif - à l’heure où la caste bavarde ne parle que de disruption, c’est-à-dire de fracture ; deux sortes de merveilleuse visite, à la France, en ce printemps 2018. Beltrame illustre par excellence le génie français dans l’héroïsme. L’Armée et l’Église en sont l’athanor. Gassama illustre l’humanité dans ce qu’elle a de plus beau et de plus grand. Comme Beltrame témoigne en faveur de la France et de l’histoire, de l’histoire comme lignée, Gassama témoigne en faveur d’une instance que la philosophie du XXe siècle s’est acharnée à renvoyer aux naïvetés ridicules, la nature humaine.

Du coup, il est aisé d’apercevoir leur point commun : tous deux reprisent, ou couturent, ce qui a été déchiré, le fil conducteur de la nation, la continuité de l’humain. Ils réajustent la nation et l’humanité à elles-mêmes. Par leur acte de reprise et de couture, Beltrame et Gassama interpellent chaque conscience : tout acte d’héroïsme est à la fois un appel à l’imiter, et un rappel aux exigences les plus hautes, celles dont l’affairement et le divertissement de la vie quotidienne nous écartent. Exception, l’héroïsme interrompt le cours ordinaire des choses humaines ; continuité : il rattache à l’humanité, tout en la hissant au-dessus d’elle-même (en surmontant son statut d’espèce bio-anthropologique). Beltrame portait un uniforme, Gassama en portera un, celui de pompier - or, la lucidité de Maurice Barrès a trouvé les mots les plus magnifiques qui soient pour le dire : « j’aime les gens à uniforme : ils portent la livrée des hautes préoccupations ».

Nul ne s’attendait à ces deux exploits - au sens originel de ce mot, celui qu’emploie Homère pour parler de ses héros. L’héroïsme est par essence imprévisible. Il nous revient comme un voleur dans la nuit. Malgré cette surprise, le geste de l’un et de l’autre n’est pourtant pas une rupture, mais bien plutôt un retour et une résurrection. Pied-de-nez ironique à Mai 68, il est un retour de l’ancien monde humain et moral, celui qu’il fallait, selon la dictée imbécile des graffitis estudiantins devenus tables de la Loi, distancer définitivement par une interminable fuite en avant !

La signification de l’action par laquelle Mamoudou Gassama s’est acquis une célébrité méritée fait l’objet de deux tentatives d’annulation. D’un côté, la plupart des politiciens et de nombreux médias s’en emparent pour lui faire dire quelque chose qu’elle ne dit pas, ni ne veut dire. En parasites de la grandeur, ceux-ci plaquent cyniquement sur cet héroïsme une symbolique et un programme politico-sociétal, si ce n’est une vision du monde, le détournant de la sorte pour favoriser leurs desseins. De l’autre côté prolifère une indigne théorie du complot, négation stagnant au niveau zéro de l’éthique, méfait de cerveaux frelatés usant des réseaux sociaux pour diffuser leur fausse monnaie selon laquelle cet acte de bravoure ne serait qu’une machination. Les uns comme les autres craignent l’héroïsme de Gassama, car il ébranle leurs certitudes.

L’héroïsme, en tant que valeur admirée, est de retour. Ne nous trompons nullement : ce retour est la vraie révolution culturelle de ce printemps 2018, si dissemblable en tout point de celui de 1968, autant que la matrice des changements idéologiques à venir. En résistance au monde nouveau, qui voudrait effacer tout ce qui rappelle le passé, qui uniformise les comportements afin de les rendre prévisibles, qui change les hommes en fonction, l’héroïsme exprime des attachements indestructibles. À la nation. Au cœur humain. Le héros - tel Beltrame, tel Gassama - n’est pas le surhomme, ni l’homme augmenté des transhumanistes ; il est l’homme de toujours, fait de boue et d’azur, de glèbe et d’idéal, répondant un appel auquel il ne peut résister sans s’avilir, celui de la vertu.

Robert Redeker

 

 


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