On se souvient de la sortie en 2015 du film Sicario (1) réalisé par le Canadien Denis Villeneuve, qui racontait le parcours désillusionné de l’agent du FBI Kate Macer (Emily BLUNT) au sein d’une unité spéciale anti-narco dirigée par Matt Graver (Josh BROLIN) et Alejandro Gillick (Benicio DEL TORO). Le premier ayant baroudé sur les grands théâtres d’opération de l’Amérique contemporaine, est un agent de la CIA, spécialiste des « sales missions » pour lesquelles la fin justifie les moyens (2). Le second est un ancien avocat mexicain dont la famille a été massacrée par un cartel, et qui ne vit plus que pour la vengeance. La loyauté institutionnelle et le légalisme de Kate Macer seront emportés dans cette lutte clandestine contre le cartel de Juarez.
Efficace, violent et sombre, ce premier thriller a rencontré un succès qui est désormais le point de départ d’une franchise avec la sortie le 27 juin 2018 de Sicario 2 : la guerre des cartels (3). Réalisé cette fois par l’Italien Stefano SOLLIMA (4), La guerre des cartels reprend la trame et les codes du premier opus tout en gardant son tempo et son efficacité. Le scénario reste bien ficelé mais il recentre davantage sur Matt et Alejandro (5) dont les états d’âme humanisent les personnages.
Perçu, en effet, comme un cynique manipulateur, Matt Graver est désormais aux prises avec un Department of Defense (DoD) qui l’engage dans des « opérations grises » sans vouloir l’assumer. Ce qui le conduit à devoir sacrifier Alejandro qu’il estime. De son côté, Alejandro ne fait plus figure de tueur froid et machiavélique, ce qu’il était dans Sicario. Au contact de la fille de celui qui pourtant a fait assassiner les siens, il ne peut s’empêcher de retrouver le souvenir de sa propre fille… Dans La guerre des cartels que les États-Unis cherchent à déclencher afin d’affaiblir à la fois le narcotrafic et la pression migratoire, il n’y a pas de héros au sens classique et manichéen du terme, et tous les choix sont de mauvais choix.
Sans avoir l’originalité du premier Sicario, Sicario 2 est bien réalisé. Les moyens techniques sont présents et témoignent encore une fois de la présence plus ou moins directe du Pentagone dans le cinéma américain. Le film se fait l’expression des grands thèmes d’actualité que sont les flux migratoires, l’économie des passeurs, le narcotrafic, la corruption de la police mexicaine, la puissance militaire américaine pas si puissante avec un gouvernement aussi prompt à se désengager que tenté par des voies non légales…
Surtout, ce deuxième épisode fait intervenir la problématique du terrorisme islamiste, ce dernier tentant d’utiliser les migrations transfrontalières Mexique/Etats-Unis pour aller frapper au cœur de la société étatsunienne. Si l’essentiel de l’histoire a pour cadre géographique le Mexique et le sud des Etats-Unis, on observera un intéressant détour en Somalie et dans la base américaine de Djibouti (Camp Lemonnier) en début de film. Touchant le sujet du livre de Jean-François GAYRAUD, Sicario 2 : la guerre des cartels nous parle de la dangereuse hybridation des menaces contemporaines.
Scène particulièrement forte de Sicario (2015) : au cours d’une opération, les agents du FBI découvrent les corps de victimes du cartel de Juarez dissimulés dans les murs d’une maison
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