La Fête de la Fédération par Isidore HELMAN (eau-forte, 1790)
Le 14 juillet 1790, une grande fête civique se tient à Paris sur le Champs-de-Mars où une foule de 100 000 personnes entoure la famille royale. Cette manifestation est empreinte d’une grande solennité : une messe est célébrée, un Te Deum est chanté et Louis XVI (1754-1793) prête serment de fidélité à la Nation et à la Loi après que l’aient fait le Président de l’Assemblée nationale, les députés et la foule présente. Si elle rappelle - par le choix de la date - le premier anniversaire de la prise de la Bastille, la fête se présente surtout comme l’expression d’une unité nationale recherchée par la jeune révolution. Elle se veut le point de départ d’une nouvelle époque.
En effet, à cette date, la Révolution française a déjà profondément bouleversé l’ordre politique et social du royaume, établissant désormais un lien contractuel entre les nouveaux citoyens et la Monarchie à travers les idées de Nation, de constitution. Sur l’exemple de fêtes civiques spontanées en province, souvent organisées autour des milices de la Garde nationale, la Fête de la Fédération est organisée dans cet esprit par le Marquis Gilbert du MOTIER de La FAYETTE (1757-1834), commandant de la Garde nationale de Paris. La fraternisation solennelle marquée par un serment civique est un phénomène alors à la mode. Dans tout le royaume, on assiste à la formation de fédérations d’élus et de délégués proclamant l’égalité devant la Loi et la supériorité de la Nation sur les réalités locales.
Avec le serment des députés et du Roi autour de l’autel de la Patrie, la Fête de la Fédération du 14 juillet 1790 donne l’image de la grande unité nationale attendue. Il n’en est rien et la grande manifestation ne sera qu’une occasion unique et non renouvelée durant la période révolutionnaire. Acclamé par la foule sur le Champ-de-Mars, Louis XVI n’acceptait pas en son for intérieur la nouvelle situation. Deux jours auparavant, le 12 juillet, l’Assemblée nationale adoptait une constitution civile du clergé qui créait une « Église constitutionnelle » et portait en elle les germes durables d’une division entre Français mais aussi entre les Catholiques et la Révolution. Partout dans le royaume, de vives résistances à celle-ci se font jour alors que dans la même période le mouvement jacobin se radicalise. En son sein s’affirme déjà l’ascension de personnes tel que Maximilien de ROBESPIERRE (1758-1794) dont l’intransigeance idéologique préfigurait une brutalité politique inédite, quasi totalitaire au sens moderne du terme. Le terrorisme d’État était sur le point de naître.
L’historien Hippolyte TAINE (1828-1893) ne s’y trompait guère quant au caractère illusoire d’une fête civique qui fut célébrée partout en France ce 14 juillet 1790, lui qui disait des révolutionnaires : "Ils ont été transportés, ravis, guidés au-dessus d’eux-mêmes. Leur effort a produit tout ce qu’il pouvait produire, c’est-à-dire un déluge d’effusions d’apparat et d’épiderme, une mascarade de bonne foi, une ébullition de sentiment qui s’évapore par son propre étalage. Bref, un carnaval aimable et qui dure un jour."
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Bibliographie