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L’Assaut (2010)

Julien LECLERCQ, L’Assaut, 2010.

Article mis en ligne le 10 novembre 2019
dernière modification le 15 novembre 2020

par Nghia NGUYEN

 

Alors qu’une guerre civile ensanglante l’Algérie depuis le début des années 1990, quatre terroristes du Groupe Islamique Armé (GIA) prennent en otage 241 passagers et membres d’équipage du vol AF 8969 le samedi 24 décembre 1994. La crise débute à 11.00 sur l’aéroport Houari-Boumédiène d’Alger où, échouant à se faire passer pour des policiers, Abdul Abdallah YAHIA, Makhlouf BENGUETTAF, Mustapha CHEKIENE et Salim LAYADI prennent le contrôle de l’Airbus A300 d’Air France.

Dans un premier temps, le commando du GIA demande que le gouvernement algérien du Général Liamine ZÉROUAL libère deux responsables historiques du Front Islamique du Salut (FIS) : Abassi MADANI et Ali BELHADJ. Ils insistent, cependant, à vouloir faire décoller l’avion à destination de Paris, et cette insistance, contrariée par le fait que la passerelle d’embarquement était encore en position (ce qui empêchait l’avion de manœuvrer) fait vite comprendre aux autorités françaises que l’objectif des terroristes est moins la libération des chefs politiques du FIS, que de transformer l’avion en une véritable bombe volante pour un voyage sans retour (1).

D’emblée, une cellule de crise se met en place à Paris, que prend en main le Premier Ministre Édouard BALLADUR. Le Président François MITTERRAND (1916-1996), alors à Venise, reste silencieux face aux événements. Le gouvernement français fait alors pression pour que l’Airbus puisse décoller, sachant que le Président ZÉROUAL s’oppose à toute intervention du Groupe d’Intervention de la Gendarmerie Nationale (GIGN) sur le sol algérien et que le risque s’accroît d’heure en heure de voir intervenir les forces anti-terroristes d’Alger. Celles-ci réputées pour leur brutalité et n’ayant pas de savoir-faire pour face à cette situation, un bain de sang est redouté par les autorités françaises. Finalement, après avoir exécuté trois personnes et libéré une partie des otages, les islamistes obtiennent l’autorisation de décoller.

L’Airbus décolle de l’aéroport d’Alger aux environs de 23.00, mais le compte à rebours a déjà débuté pour le GIGN. Mise en alerte dès le début de la crise, l’unité anti-terroriste spécialisée dans les prises d’otages (2) est déjà en route pour Majorque – premier lieu envisagé pour faire atterrir l’avion – avant de choisir l’aéroport de Marseille-Marignane. L’objectif est de faire atterrir le vol AF 8969 en France, et de l’empêcher de repartir à destination de Paris quel qu’en soit le prix. Pendant que l’unité commandée par le Colonel Denis FAVIER déploie son PC opérationnel et ses tireurs d’élite sur le tarmac de Marignane, les hommes de la colonne d’assaut, qui ont fait le voyage depuis la région parisienne à bord d’un Airbus A300, se familiarisent avec le modèle d’appareil qu’ils vont devoir bientôt investir.

Triés sur le volet, ils ont anticipé la crise et travaillent depuis une année sur ce genre de scénario. Ils ont, pour cela, étudié de nombreux plans d’avions de ligne ainsi que les protocoles de l’aviation civile, et multiplié les exercices. L’appréhension reste cependant élevée dans leurs rangs, car la mission reste l’une des plus difficiles à accomplir. Un avion n’est pas d’accès aisé du fait de sa hauteur. L’environnement aéroportuaire n’en permet pas une approche discrète pour une ou plusieurs colonnes d’assaut. Il faut pouvoir y pénétrer rapidement et, une fois à l’intérieur, un avion se présente comme un tunnel où il peut être très vite difficile de progresser dans les allées s’il y a des personnes au sol.

Autres caractéristiques : dans un avion la tête de la colonne est exposée et joue, plus que jamais, le rôle de bouclier dans un dispositif où il est quasiment impossible de faire demi-tour ni de s’esquiver sur les côtés. L’espace reste confiné avec de nombreux angles morts, et rend très délicat l’utilisation d’explosif du fait de la proximité de grande quantité de carburant (2). À cela, il faudrait ajouter la difficulté – et non des moindres – à devoir identifier instantanément les otages des terroristes. Dans un tel lieu, sans ligne d’horizon, c’est le combat à bout portant au milieu d’une foule d’otages qui s’impose, et qui nécessite des armes courtes (armes de poing, pistolets-mitrailleurs) avec une forte capacité d’arrêt. Les quatre islamistes disposent de cet armement en plus d’un fusil d’assaut AK-47 et de grenades.

L’avion se pose sur l’une des pistes de Marignane le dimanche 25 décembre à 3.15. Le ravitaillement de l’avion n’ayant pu être achevé à Alger – du moins est-ce l’argument mis en avant par les autorités aériennes -, il est question de le compléter avant un redécollage vers Paris. En fait, cette alternative n’est pas envisagée et le gouvernement français, comme le GIGN, cherchent à gagner du temps. La demande de 27 tonnes de kérosène par le chef du commando islamiste, Abdul Abdallah YAHIA, finit par ailleurs de convaincre de son intention de vouloir abattre le vol 8969 sur la capitale française (3).

Les menaces grandissantes des terroristes qui comprennent, plus le temps passe, qu’ils ne seront pas livrés en carburant, déclenche l’assaut du GIGN à 17.15. 3 camions passerelles chargés chacun d’un groupe d’assaut sortent des hangars de l’aéroport et foncent à vive allure vers l’avion. La première difficulté est de franchir le plus rapidement possible ces quelques centaines de mètres avant que les terroristes ne s’en prennent aux passagers ou fassent exploser l’avion. Engoncés dans une tenue et un équipement de 35 kg, les gendarmes sont dissimulés derrière les rampes et l’on concevra aisément que cette phase de mouvement ait pu sembler une éternité pour eux.

Les images de l’assaut où l’on voit un membre du GIGN suspendu dans le vide à la porte tribord avant, le camion passerelle ayant reculé au moment où les premiers hommes pénétraient dans l’Airbus, sont devenues célèbres et ont fait le tour des télévisions du monde. La bataille s’engage dans l’avion et elle va durer seize longues minutes où plus de 1500 coups seront tirés et plusieurs grenades utilisées. Par chance, les quatre terroristes sont tous situés à l’avant de l’avion, dans le cockpit, ce qui permet aux gendarmes de les isoler immédiatement par leurs tirs et de s’interposer entre eux et les otages qu’ils commencent à évacuer rapidement sous le feu. Les quatre islamistes succombent finalement, YAHIA étant abattu à longue distance par un tir de précision.

En libérant sains et saufs les 173 otages (15 blessés légers seulement) – un résultat remarquable eu égard au nombre de munitions tirées dans un espace aussi confiné -, le GIGN vient de montrer en direct l’excellence de son savoir-faire en matière de libération d’otages. Avec cette action qui fait 10 blessés dans ses rangs, l’unité du Colonel FAVIER devient une référence mondiale pour toutes les unités dédiées à ce type d’intervention. C’est cette histoire que raconte fidèlement le film de Julien LECLERCQ - L’Assaut -, concentrant le scénario de l’action autour de l’Adjudant-chef Thierry PRUNGNAUD, le sous-officier le plus gravement blessé lors de l’opération.

En ce jour de Noël 1994, le GIGN a donc stoppé un attentat de grande ampleur organisé par les djihadistes du GIA. La date n’a pas été choisie au hasard, et le principe de l’attaque (un avion suicide) était novateur à cette échelle. Il devait par ailleurs être mis en pratique, avec succès cette fois, sept ans plus tard dans le ciel américain un 11 septembre 2001.

 

Un Chevrolet Suburban SWATEC à Satory

 

Le RETEX de Marignane

Peu de temps après l’opération de Marignane, le GIGN ajouta un véhicule nouveau dans sa panoplie. L’attaque avait été réalisée avec des moyens improvisés, notamment l’utilisation de trois camions passerelles peu adaptés. Il apparaissait que dans le cas d’un assaut contre un avion immobilisé sur une piste, l’unité avait besoin d’un véhicule puissant et rapide, capable de transporter une colonne d’assaut et de l’élever au niveau des portes d’entrée soit une hauteur comprise entre 5 et 10 m.

Le premier choix de matériel se porta sur un véhicule utilisé par les SWAT américains : le Chevrolet Suburban fabriqué par la firme SWATEC. Le GIGN en acheta 7. Puissamment motorisés (4), ce véhicule est, surtout, équipé d’une rampe d’intervention opérée à partir d’un système hydraulique de l’intérieur du véhicule. Le Height Adjustable Rescue Assault System - ou système HARAS – est moins une échelle qu’une large plateforme permettant le mouvement ascensionnel rapide et stabilisé d’un groupe de combat. Adapté par le RAID sur des véhicules Nissan Navarra, le HARAS permet aussi de donner l’assaut à partir du premier étage d’un bâtiment.

Collaborant avec Arquus Renault Trucks Defense, le GIGN a également mis son expertise pour mettre au point le remplaçant du Chevrolet Suburban SWATEC. Avec le Sherpa Light l’unité anti-terroriste passe de la voiture à un engin tactique de type blindé léger. Un prototype a été engagé contre les frères KOUACHI en janvier 2015, et le GIGN voudrait en acquérir 4 nonobstant le prix coûteux de l’engin. Véhicule 4 x 4, mieux protégé et plus puissant que le Suburban SWATEC, le Sherpa Light porte un HARAS amélioré capable de porter 1,5 tonnes à plus de 8 mètres soit la hauteur d’une porte d’accès d’un Airbus A380 ou d’un Boeing 747. 10 hommes entièrement équipés peuvent se masser sur son toit lors d’une phase d’assaut.

__________

  1. Cf. L’enquête montrera, par la suite, que l’objectif des terroristes du GIA était de faire s’écraser l’avion sur la Tour Eiffel ou la Tour Montparnasse.
  2. Cf. Les terroristes avaient notamment des grenades.
  3. Cf. Cette quantité est, en effet, très largement supérieure à ce que demande un vol Marignane-Paris.
  4. Cf. Un moteur V8 Vortec pouvant monter jusqu’à 325 cv.

Démonstration du GIGN avec un Sherpa Light (source - Gendarmerie nationale)

 

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