SOUBELET (Bertrand), « L’hypothèse d’une guerre civile ne doit pas être sous-estimée », in Global Geo News, 11 novembre 2019.
Pour l’ancien général de gendarmerie Bertrand SOUBELET, les Français ont perdu confiance en ceux qui nous gouvernent. Il faut, dit-il, « avoir une conscience réelle de ce qu’est la France et renouer avec le récit national » afin d’éviter une fracture de la société.
Toutes les professions que vous citez sont des métiers à fort engagement. Vous ne choisissez pas d’être infirmière, enseignant par hasard et encore moins pompier, policier ou gendarme. Ce sont les métiers qui constituent le socle du contrat social : l’éducation, la santé, la sécurité. Les hommes et les femmes qui assurent ces missions doivent être mis dans la situation la plus favorable pour être efficaces et pour cela l’État doit assurer à la fois un niveau de moyens suffisant et leur protection. Aujourd’hui, dans certains établissements les enseignants sont menacés, le personnel de santé, dans les hôpitaux en particulier, est victime d’une violence récurrente et les pompiers sont attirés dans des guet-apens et agressés. Je ne parle pas des forces de sécurité dont c’est, hélas le triste quotidien. La confrontation à la violence est usant et d’autant plus que l’État n’apporte pas de réponse de fond à ces difficultés. Il faut mettre un terme aux comportements violents dont ils sont victimes. Il faut traiter les causes et non les effets. Mais la gouvernance électoraliste qui préavaut dans notre pays depuis plus de 40 ans ne traite jamais rien en profondeur. Je ne dirais pas qu’il s’agit d’un ras-le-bol de la société française mais plutôt d’un rejet d’un comportement décalé exigeant et violent de personnes incapables de respecter des règles et en rupture avec les standards de notre société. Ils ne sont pas la majorité mais il est impératif d’y apporter une réponse ferme que notre système est pour l’heure inacpable de produire faute de courage et de moyens. C’est le spectacle de d’une double incapacité qui mine tous ceux qui sont chargés de l’école, de la santé et de la sécurité mais aussi la majorité des Français. Incapacité de l’état à prendre des mesures pour endiguer cette violence quotidienne et incapacité à protéger ceux qui remplissent des missions de service public avec engagement et disponibilité.
Vous avez employé le mot-clef du malaise qui nous submerge : l’absence de confiance. Confiance dans notre pays, confiance dans nos institutions, confiance en ceux qui nous gouvernent et surtout confiance dans l’avenir. Perdre confiance est un processus quasi immédiat et la gagner est un chemin très difficile qui passe par la sincérité, la cohérence entre la pensée et l’action, la constance et l’exemplarité. Pour être fier de son pays, il faut avoirune conscience réel de ce qu’est la France. Savoir d’où l’on vient et où l’on va et, entre les deux, avoir toujours présent à l’esprit la notion de destin commun qui oblige chacun de nous à s’accomplir individuellement en n’oubliant jamais qu’il faut contribuer sous quelque forme que ce soit à la marche collective. Pour cela il est capital d’entretenir un récit national dans lequel chacun doit s’insérer et se retgrouver, y compris qu’il arrive d’horizons différents. Cela pase par l’éducaiton et le retour à des notions qui ont été volontairement sorties du vocabulaire : honneur, patrie, autorité, dévouement notamment. Le sentiment d’appartenance à une communauté riche de ses racines et en mouvement vers un avenir choisi est un préalable incoutournable. Tout repose sur l’éducation. Dans cet esprit le retour au service national mis en œuvre apr le gouvernement est un élément du puzzle, un premier pas très timide, mais il faudra aller beaucoup plus loin.
C’est une question centrale. La communautarisation de la France est en marche depuis la mise en œuvre du regroupement familial. La gestion des populations en provenance de l’Afrique a été catastrophique et nous en payons le prix fort aujourd’hui. Il n’y a pas de solutions immédiates. La vérité est que nous avons, par lâcheté ou négligence et pendant des décennies laissé s’installer ce communautarisme qui désagrège lentement notre société et notre identité. Il n’existe aucune recette miracle immédiate. Une des premières mesures concerne la gestion. Del’habitat qui est à la fois la cause et une des solutions. Pour des raisons diverses la concentration des populations d’origine étrangère s’et renforcée depuis les 20 dernières années. Il faut sortir de cette logique de regroupement par communauté ce qui suppose que ceux qui viennent partager notre destin renoncent à importer en France leur propre culture y compris les tensions et combats de leur pays d’origine. Nous devons être clair sur le contrat moral entre eux et la France qu’ils ont choisie. Au de là de l’accueil qui n’a pas toujours été à la hauteur, il faut être exigeants envers les arrivants. En outre, l’État français doit être très ferme pour rappeler à l’ordre puis écarter le cas échéant tous ceux qui ne se plient pas aux règles de notre pays. C’est le cas des étrangers en situation illégale et les faux demandeurs d’asile. En tout état de cause, un principe intangible doit être appliqué sans faiblesse : aucune règle que celles de notre pays ne doit prévaloir en quelque point de notre territoire. C’est une évidence mais elle n’est pas mise en pratique. C’est pourtant le devoir des élus locaux et celui des responsables de l’éxécutif.
Les Français ne feront plus d’amalgame lorsque l’État assumera ses responsabilités et fera preuve de la plus grande fermeté vis-à-vis de l’Islam politique. Par analogie avec ce qui disait au XIXe siècle le Comte Clermont-Tonnerre à propos des juifs, il faut tout refuser à l’Islam politique et accorder aux musulmans tous les droits en qualité de citoyens français. Les Français se défient de l’Islam car au delà de l’aspect religieux se dessine un projet politique et un modèle de société aux antipodes de ce que nous sommes et souvent contraire aux lois de notre pays. Tant que cette ambiguïté ne sera pas levée par les musulmans eux-mêmes, cette défiance subistera.
Il est difficile de répondre à cette question. Il est clair qu’un certain nombre d’individus sensibles aux thèses islamistes appartiennent aujourd’hui aux institutions de notre pays, qu’elles soient civiles ou militaires. Le rapport parlementaire Diard-Pouillat de juin 2019 estime à quelques dizaines ceux qui sont « radiclisés ». Encore faut-il être en mesure de les identifier car dans les insitutions dont nous parlons, l’administration en général et les Armées ou les forces de sécurité, ceux qui sont « infiltrés » sont évidemment d’une grande prudence. Sans être radicalisés, la question qui se pose pour ces focntionnaires est de savoir en période d’extrême tension ou de conflit ou ira leur loyauté : la République ou la Charia ? C’est le fond du problème. Aucun précepte ne peut prévaloir sur les lois de notre pays. Jamais.
Le risque de guerre civile est évoqué depuis plusieurs années. Le premier qui l’a mentionné est l’ancien patron de la Direction Générale de la Sécurité Intérieure à l’Assemblée nationale. Les propos de Gérard Collomb à l’occasion de son départ de Beauvau n’ont pas été moins clairs. C’est en effet, hélas, une hypothèse qu’il ne faut pas sous-estimer. Les tensions qui existent au sein de notre société doivent être apaisées par l’autorité de l’État. Les zones dans lesquelles les lois de la République ne sont plus appliquées doivent être ramenées dans la norme pour éviter que les millions de personnes qui subissent des pressions insupportables ne vivent dans la peur et ne finissent par considérer qu’il leur appartient de régler la question eux-mêmes. C’est le plus grand danger. Or, plus l’État tergiverse, plus ce risque augmente avec un corollaire : le niveau de violence sera important et incontrôlé car les organisations criminelles qui tiennent certains quartiers disposent d’une quantité d’armes très conséquente. Il faut aussi que l’État intervienne plus directement lorsque des propos et des comportements publics mettent en cause tout ce qui représente la Nation, ses symboles et ses représentants, et encouragent à la haine et à la violence. Et à mon sens pas sur le plan judiciaire, mais sur le plan administratif.
La mort d’Al-Baghdadi ne change rien à la détermination des membres de cette organisation terroriste. L’idéologie demeure et les objectifs destructeurs seront toujours les mêmes avec les nouveaux chefs de Daesch. Il y aura malheureusement d’autres attentats sur notre territoire car ils sont le fait d’individus partageant cette idéologie de près ou de loin, et dont le parcours souvent chaotique les mène à cette forme de suicide en martyr. La qualité du travail réalisé apr les forces de la sécurité et les services de renseignement permet de limiter les risques sans les faire disparaître totalement. Cela pose en particulier la stratégie à adopter avec les fichés S et les plus de 21 000 inscrits au fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT).
La société de vigilance évoquée par le Président de la République n’est pas une nouveauté. Cette culture de la participation citoyenne à la sécurité du pays ne soulève de questions qu’en France. Partout ailleurs cela ne pose pas de problème. Les pays anglo-saxons le pratiquent depuis longtemps avec le concept de « neighbourhood watch », ainsi que l’Allemagne et la Suisse par exemple. La sécurité est l’affaire de tous. Il s’agit surtout de faire en sorte que chacun puisse donner des informations sur des comportements susceptibles de présenter un danger pour la collectivité. C’est une question de responsabilité individuelle. Il suffit, à l’occasion des évènements de la vie quotidienne auxquels chacun assiste, de passer de l’indifférence à une réaction qui permette, en sécuroté, de faire cesser le trouble. C’est une révolution culturelle. Beaucoup trouveront nombre d’arguments pour préférer l’indifférence et l’irresponsabilité, pourtant la sécurité est l’affaire de tous. C’est une richesse partagée qui mérite l’attention de chaque citoyen. Qiuant aux dérives elles finiront par arriver seulement si l’on continue à vivre par habitude et sans réagir. Je garde toujours à l’esprit ce conseil d’Aristote à Nicomaque, car tout est dit : « C’est en pratiquant les actions justes que nous devenons justes, en pratiquant les actions mesurées que nous devenons mesurés et en pratiquant les actions courageuses que nous devenons courageux. »
Propos recueillis par Emmanuel RAZAVI