Un sujet vaste et fondamental
S’il y a bien un sujet à la mode dont beaucoup parlent sans forcément savoir précisément de quoi il ressort, c’est bien celui de l’intelligence artificielle (IA). Un sujet qui, cependant, au-delà de la mode médiatique qu’il suscite, annonce de véritables révolutions dans tous les domaines d’activités. Entre fantasmes et risques réels, entre souhait et illusion de pouvoir un jour donner une capacité de décision à une machine en attendant de pouvoir lui donner une conscience d’elle-même, le sujet connaît très certainement, en notre époque, un point de convergence entre la réalité et ce qui fut jusqu’à présent un thème de science-fiction.
Jusqu’où pousser l’optimisation des systèmes et à partir de quand commence l’augmentation de l’humain ? L’IA constitue un maillon important d’un ensemble de recherches scientifiques (génie génétique, bionique, robotique…) qui, dès aujourd’hui, dessine une révolution bien plus vaste et bien plus fondamentale : celle du transhumanisme. En ce sens, elle pose des questions inévitablement philosophiques, morales et spirituelles profondes.
Une course scientifique globale
S’il y a bien un domaine dans lequel la recherche de l’efficacité maximale est avérée, c’est celui des armées, de la Défense et de la guerre. Dans une récente conférence sur le sujet, le Colonel (ER) Jean-Christophe NOËL, chercheur à l’IFRI, posait la question de savoir si l’IA allait révolutionner la nature même de la guerre (1). Tout en décrivant les avancées en la matière, le chercheur affirmait cependant que ces dernières se heurteraient à un « humanisme militaire » - ensemble à la fois de cultures et de traditions – qui jouerait un rôle de garde-fou dans le « tout-machine ». C’est faire preuve d’un certain optimisme, si ce n’est sous-estimer la confusion plus que jamais réelle entre la fin et les moyens portée par la révolution de l’IA.
Car beaucoup ne dépend pas de nous proprement dit. Aujourd’hui, les recherches et les réalisations en matière d’IA engagent des États qui mettent des sommes considérables sur la table, et c’est bien à celui qui fera le plus gros chèque, faisant converger fonds publics et privés, qui marquera le point décisif dans cette course à l’IA. À l’heure actuelle, les États-Unis et la Chine conduisent des investissements fondamentaux et colossaux, constituant de véritables structures d’excellence au sein de leurs universités scientifiques, finançant nombre de projets et de laboratoires, organisant une recherche frénétique de « talents » (2), irriguant un vaste réseau de start-up dont il n’est pas toujours aisé de distinguer la capitalisation, si elle est publique ou privée. Surtout, que ce soit avec les GAFAM pour l’un ou les BATX pour l’autre, ces deux pays s’appuient sur un marché et un big data sans lesquels l’IA ne pourrait s’alimenter.
En Chine, le plan Made in China 2025 (3) préconise une sensibilisation, voire une première formation, en IA dès l’école. Dans les grandes universités de l’Empire du Milieu nombre de filières scientifiques continuent de se présenter de manière cloisonnée et classique. En fait, que ce soit en mathématiques, en biologie, en robotique, en physique, en informatique, en sciences du langage ou autres, les orientations de recherche sont toutes dirigées de près ou de loin vers l’IA, et la transdisciplinarité est systématiquement favorisée.
Il en est de même en Israël où l’on peut retrouver les mêmes dirigeants dans les conseils d’administration des universités et des grandes firmes travaillant pour la Défense. Quand on observe les programmes d’armements de la firme Rafael Advanced Defense Systems, c’est dans la division Intelligence cyber & security que le programme IA et big data est le plus nettement identifié. En fait, une grande partie des programmes d’armement terre/mer/air/espace à commencer par les grandes plateformes du champ de bataille infocentré (BNET), les systèmes de défense anti-missiles (Iron dome, David’s sling), les systèmes C4ISR (4), font intervenir des applications d’IA.
Le tempo est ainsi fixé, et les armées françaises auront à s’adapter à défaut de pouvoir anticiper pleinement l’évolution. L’IA impose, en effet, une course scientifique globale qui ne concerne pas uniquement le domaine militaire. Cependant, un trop grand retard dans celui-ci risquerait de devenir irréversible compte tenu de la rapidité de l’innovation technologique et de ses enjeux. Qu’en sera-t-il des limites posées par « l’humanisme militaire » ? Le « soldat augmenté » - et demain il le sera par l’IA - est déjà une réalité intellectuelle acceptée dans nombre de colloques.
Le MOOC « L’intelligence artificielle pour tous »
Dans ce contexte, le terme « intelligence » pourrait se définir par la capacité à prendre une décision. Une capacité distinguant nettement l’Être humain de la machine, et fondant jusqu’à preuve du contraire la domination du premier sur la seconde. Dans quelle mesure l’IA – souvent assimilée aux algorithmes - peut-elle remettre en cause cette domination à travers des processus appelés machine learning et deep learning ? L’IA est, en fait, déjà présente dans notre quotidien par le biais d’applications commerciales, d’assistants virtuels, de logiciels de prévision, que ce soit dans les études de marché, de consommation, le secteur médical, la gestion de prêts bancaires, les réseaux sociaux, les jeux… On la retrouve aussi dans les reconnaissances faciales et vocales, ainsi que dans les systèmes de décision. Est-elle pour autant réellement autonome ? Qu’est-ce qu’une IA forte par opposition à l’IA faible que nous connaissons déjà ? Quel rôle tiendrait la physique quantique dans cette marche vers une IA forte ?
Voilà un certain nombre de questions auxquelles le MOOC « L’intelligence artificielle pour tous » (5) pourrait apporter des réponses à tous ceux qui voudraient se constituer une base de connaissances élémentaires sur le sujet. Organisé par le CNAM sous la direction du Professeur Cécile DEJOUX, se présentant comme un mode d’emploi, le MOOC n’abordera pas spécifiquement les questions de l’IA militaire, mais il est ouvert à tous les publics et étudiera les thèmes suivants :
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