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« Graines de paix. Un autre regard sur l’Afghanistan »
Article mis en ligne le 3 décembre 2020

par Nghia NGUYEN

Françoise HOSTALIER

 

Une initiative franco-afghane

Le jeudi 23 septembre 2010 se tenait à l’Assemblée nationale (salle Victor Hugo) un colloque placé sous le haut patronage des ministères des Affaires étrangères, de la Défense et de l’Éducation nationale. Présidé et organisé par Madame Françoise HOSTALIER, ce colloque s’intitulait « Graine de Paix, un autre regard sur l’Afghanistan ». Ancienne Secrétaire d’État à l’Enseignement scolaire (1995), Mme HOSTALIER est député du Nord. Engagée dans la défense des Droits de l’Homme, de l’enfance et des plus démunis, elle a également été amenée - en tant qu’actuel membre de la Commission de la Défense et des forces armées - à s’intéresser à l’Afghanistan où elle a depuis réalisé 14 missions parlementaires.

Rassemblant à la fois des acteurs humanitaires - spécialisés sur les questions de l’enfance et de l’éducation - et des acteurs militaires, le colloque a d’abord voulu se présenter comme une « volonté de positiver le regard sur l’Afghanistan ». Un regard inhabituel pour ne pas dire inédit. Un discours prenant résolument le contre-pied de celui des médias, dont l’objectif est de donner un sens à l’engagement de notre pays dans les affaires afghanes.

Ces dernières ne peuvent se réduire à une actualité sanglante faite de pertes humaines et de frappes militaires. Une litanie médiatique lassant une opinion publique déjà versatile, et qui donne une image biaisée et trompeuse des enjeux véritables. L’Afghanistan ce peut être aussi un formidable message d’espérance perceptible au travers d’une multitude de micro-progrès dont les enfants constituent à la fois un révélateur et un vecteur.

L’ONG Aschiana

Venus de cette lointaine Asie centrale, Palwasha, une jeune afghane de 13 ans et son camarade de 14 ans, Jawid, étaient présents pour l’occasion. De passage en France pour une semaine, ils sont les ambassadeurs de l’ONG afghane Aschiana, partenaire d’une exposition itinérante dont les peintures d’enfants s’inspirent de l’oeuvre du photographe REZA. « Aschiana » - qui veut dire en dari « le nid » - a, ainsi, pour vocation de porter assistance aux enfants abandonnés, ceux qui traînent dans les rues mais aussi aux familles dans le dénuement. L’ONG, dont le centre de gravité est à Kaboul, organise des opérations mobiles dans tout le pays, visitant les camps de réfugiés, dispensant des cours d’alphabétisation, d’éducation à la santé, de formation professionnelle... M. Mahamad YOUSSEF, son directeur, insiste également sur l’importance des jeux pour des enfants mûris prématurément par la violence et la dureté de la vie, dont la vie n’est qu’inquiétude du présent et du futur.

Séances de peinture, de chant, et pièces de théâtre aident au mieux une génération traumatisée à revenir vers la vie. M. YOUSSEF reçoit aussi le concours de familles qui soutiennent son action en redonnant un cadre structurant à des enfants meurtris dont beaucoup sont déjà - à des âges que l’on considèreraient comme fort jeunes en France – soutiens de famille. Un programme de micro-crédits permet ainsi de scolariser ces derniers sans que leur investissement éducatif vienne menacer la vie quotidienne de leurs proches.

Les besoins sont immenses avec une population jeune, dont 57% des habitants ont moins de 25 ans. Les enfants sont partout en Afghanistan, mais l’invasion soviétique suivie de trois décennies de guerre a ruiné l’État afghan et, avec lui, l’ensemble du système éducatif, nous rappelle M. YOUSSEF. Pendant, trente ans, les enfants ne sont pas allés à l’École, et c’est toute une société qui est aujourd’hui à reconstruire.

 

 

L’Afghanistan : un pays à reconstruire

Jessica PATERA a vécu quatre années en Afghanistan, où elle a travaillé avec M. YOUSSEF. Représentante française d’Aschiana, elle nous livre un tableau de la situation du pays : la ruralité, le taux de pauvreté, les contraintes géographiques et la grande difficulté d’accès à certaines régions (1), l’épouvantable mortalité infantile (2), la malnutrition… Cependant, la cause des enfants afghans ne cesse d’avancer. En 2001, 1 million étaient seulement scolarisés. Aujourd’hui, ils sont 6,2 millions, et le Ministère de l’Éducation afghan en prévoit 7,2 pour 2011…

Certes, les Taliban détruisent encore les écoles dans le sud du pays mais, fait nouveau, l’enfance est de plus en plus reconnue et traitée en tant que telle. Si Aschiana s’occupe des jeunes les plus menacés, il existe par ailleurs des programmes pour aider les enfants en prison ; pour former aussi un personnel social et policier sur les problématiques de l’enfance. Cela n’existait pas il y a peu.

La situation ne changera certes pas du jour au lendemain tant les problèmes rencontrés sont immenses. L’économie entière reste à reconstruire, et son versant gris relatif à la drogue pèsera encore lourdement sur la capacité du pays à se développer. Les mentalités tribales ainsi que la culture peuvent également freiner les progrès. Si l’Afghanistan a ratifié les Droits de l’Enfant, la difficulté actuelle reste à traduire cette intention dans le droit afghan.

Pour Etienne GILLE, Président de l’Amitié Franco-Afghane (AFRANE), ce ne sont pas les combats qui devraient l’emporter dans notre vision contemporaine de ce malheureux pays, mais plutôt celle de « cohortes d’écoliers » se rendant tous les jours à l’école, tant la soif d’éducation est forte. Où qu’ils soient les Taliban ne parviennent à obtenir la fermeture des écoles que par la destruction et la terreur jamais par la persuasion. Comparant l’Éducation au thème - très à la mode dans les programmes scolaires français - du « développement durable », M. GILLE souligne, cependant, le manque cruel de professeurs bien formés, ainsi que celui d’enseignants volontaires pour partir en Afghanistan. À l’heure actuelle, le niveau des enseignants afghans reste médiocre, et une véritable demande de formation se pose alors que les financements manquent.

 

Mahamad YOUSSEF et Jessica PATERA

 

À l’issue des conférences et des tables rondes, c’est un bilan contrasté qui apparaît de l’Afghanistan. Certes, les problèmes qui se posent paraissent énormes, mais cela est déjà connu. En revanche, les acteurs de cette rencontre se sont entendus pour dire les progrès fondamentaux en matière d’éducation, ainsi qu’une prise de conscience plus nette de la fragilité et de la nécessaire protection de l’enfance. On pourrait souligner la précarité de ces avancées - de leur réversibilité aussi - toujours est-il qu’elles sont porteuses d’espérance et qu’il est à souhaiter qu’elles se confirment dans les prochaines années. Cela ne pourra être sans une présence et une action militaires dont les acteurs s’accordent également à reconnaître l’utilité et l’indispensable protection qu’elle apporte aux ONG.

Ne pas opposer le militaire et l’humanitaire : les missions CIMIC

La dernière partie du colloque fut, donc, consacrée à la dimension militaire de la question, notamment à travers la présentation des actions civilo-militaires. Les colonels PIFFER et CONSTANTINE ont expliqué concrètement cet aspect encore mal connu du grand public que sont les missions CIMIC (Civil-Military Cooperation). Elles sont pourtant systématiquement intégrées dans la doctrine d’emploi des forces, et consistent en un soutien apporté par les forces armées aux populations civiles : aide sanitaire, soins, protection, information, construction et reconstruction d’infrastructures…

Les actions CIMIC (Civil-Military Cooperation) constituent le cœur de l’action française en Afghanistan, et elles sont intégrées dans le dispositif du Ministère de la Défense jusqu’à la section du GTIA en passant par les états-majors de forces, avec des responsables clairement dédiés à chaque niveau de l’engagement opérationnel. Revenant de Kapisa, le Capitaine BINENDIJK et l’infirmière de classe normale GENTA ont témoigné de l’importance de ces missions qui constituaient plus de 80% de leurs sorties sur le terrain (3).

Alors que les médias opposent de manière souvent simpliste les approches militaire et humanitaire du conflit, le Lieutenant-colonel CONSTANTINE a démontré en quoi cette présentation était erronée, et qu’elle correspondait de moins en moins à la réalité de la guerre en Afghanistan. Certes, humanitaires et militaires ne pratiquent pas le même métier, et la méfiance a pu être grande par le passé entre les deux approches. Cependant de nos jours dans un conflit de nature insurrectionnelle et asymétrique, il y a une véritable obligation de se comprendre de part et d’autre. La nécessité d’intégrer les forces armées dans la population civile afin « de gagner les coeurs et les esprits  », d’accélérer la phase de stabilisation d’un côté, celle de pouvoir agir en toute sécurité de l’autre, amène les deux univers à coopérer au-delà des idées reçues. Si les armées ont développé - comme jamais elles ne l’ont faites jusqu’à présent - le concept CIMIC, elles ne pourront jamais se substituer aux ONG. Inversement, si le Colonel PIFFER, admet que les militaires ne pourront jamais imposer quoi que ce soit à une ONG, ils disposent d’une supervision du théâtre d’opérations ainsi qu’une connaissance du terrain indispensables pour fédérer les idées et coordonner les actions.

Mme HOSTALIER a ainsi rendu un hommage appuyé à ces femmes et ces hommes – souvent très jeunes - qui, au péril de leur vie, se battent pour la stabilisation et la pacification de l’Afghanistan. Alors que les médias focalisent sur ce qui ne va pas dans ce pays, caressant l’opinion publique française dans le sens de la frilosité et de la démagogie, Mme HOSTALIER insiste, elle, sur les progrès réalisés depuis 2001. Si des fraudes et des attaques de Taliban ont effectivement eu lieu lors des élections législatives du 18 septembre dernier, on ne soulignera jamais assez que 5300 bureaux de vote ont normalement fonctionné dans l’ensemble du pays, et que 292 000 observateurs ont assuré correctement la mission de ces bureaux.

Il existe donc un processus démocratique à l’heure actuelle quand bien même la complexité culturelle de ce pays rend difficile toute projection en la matière. Mais alors que M. YOUSSEF, Jawid et Palwasha, ont exprimé un immense désir de sécurité, ainsi que leur reconnaissance envers les soldats français, ces derniers, selon Mme HOSTALIER, disent trop souvent leur sentiment de ne pas se sentir compris ni soutenu par l’opinion publique voire par certains élus de la République.

Regards croisés entre Afghans, personnels humanitaires et militaires, ce colloque – loin des idées reçues - fut une incontestable contribution d’optimisme et d’espérance à l’endroit d’un pays martyr et de ses enfants abîmés. Une actualité renouvelée en laquelle bien des femmes et des hommes de bonne volonté puiseront un sens à notre engagement en Afghanistan.

__________

  1. Cf. Constituant le piémont de l’Himalaya, la chaîne de l’Hindu Kush occupe une grande partie du territoire afghan et certaines régions demeurent enneigées durant six mois de l’année.
  2. Cf. À l’heure actuelle, un enfant sur quatre meurt avant d’atteindre l’âge de cinq ans. C’est l’un des taux de mortalité infantile les plus élevés à l’échelle mondiale.
  3. Cf. Pour le Capitaine BINENDIJK, 10% de ses missions étaient consacrées à l’ « auto-fonctionnement » (missions logistiques), 10% des missions étaient offensives (fouilles, arrestations…), le reste étant des missions CIMIC.

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