Analyse d’un phénomène de société.
Guerilla : fiction ou réalité à venir ?
Guerilla est le titre d’une série de romans d’anticipation (1) écrits par Laurent OBERTONE (2), dans lesquels l’auteur décrit le déclenchement d’une guerre civile dans la France contemporaine. Quoique relativement peu médiatisés, les romans d’OBERTONE connurent un grand succès en France mais également à l’étranger.
Les scenarii se déroulent sur le temps court : 3 jours pour le premier roman ; 27 pour le second. Les chapitres - également brefs - narrent une situation quasiment d’heure en heure dans de multiples lieux du territoire national. Tout commence à la Courneuve au cours de l’intervention d’un équipage de police dans la Cité Taubira. Piégés par un groupe de personnes hostiles, les 3 policiers sont sur le point de se faire massacrer lorsque l’un des agents – terrorisé - ouvre le feu et tue plusieurs agresseurs. À partir de ce moment, les faits s’emballent, amplifiés par les médias et une vague émotionnelle alimentée par le thème des « violences policières ». Le feu prend de manière mécanique et métastasée. Il s’étend dans de nombreux lieux (villes, arrières-pays, campagnes) pour devenir un véritable incendie. Des émeutes éclatent un peu partout à commencer dans le quartier où a eu lieu le drame. Les affrontements avec une police rapidement débordée se multiplient et, d’heure en heure, c’est tout un pays que l’on voit basculer dans le chaos. On assistera même au meurtre du Président de la République qui, sous-estimant la situation, se rend dans la Cité Taubita pour tenter de calmer la racaille.
C’est dans le cadre d’une rupture de normalité radicale, fictive, mais particulièrement réaliste, que Laurent OBERTONE campe des personnages aux destins croisés, souvent tragiques, qui, sans être des caricatures, constituent les archétypes d’une actualité bien réelle. Celle que nous vivons à l’heure même et qui conduit à la catastrophe dans la narration de l’auteur. Le politicien, l’antifa, le décolonialiste/indigéniste, le bobo bien-pensant, l’homosexuel, les islamistes, le prédateur criminel, le tueur méthodique, les militaires et l’ancien militaire mais aussi le citoyen lambda, s’entrecroisent sur une trame qui a pour toile de fond l’immigration, l’Islam, l’insécurité endémique, l’État failli et les idéologies mortifères qui ont conduit à désarmer moralement la société.
L’atmosphère des deux romans est sombre, violente, oppressante, voire choquante car elle décrit directement ce que beaucoup intériorisent depuis un certain temps : la guerre civile. Cette guerre civile dont l’idée s’installe de plus en plus dans l’esprit des contemporains, ce qui, en soi, est la condition première de son déclenchement. Dans Guerilla, on se bat, on s’entretue pour un minimum vital, et on redécouvre la précarité ainsi que le tragique de l’existence. La violence est plus que jamais gratuite et le voisin, l’inconnu, le hasard deviennent des menaces mortelles. En quelques heures, la rupture des réseaux (électricité, eau, alimentation…) laisse éclater au grand jour les fragilités de notre société. Cette dernière est d’autant plus désemparée qu’elle n’a plus de repères auxquels se raccrocher. L’instinct primaire, la prédation, le caractère dominant l’emportent désormais sur la loi, les règles, la culture. L’atomisation de la société et l’anomie urbaine, sur fond d’un travail de sape idéologique systématique entrepris depuis trop longtemps au profit des minorités et au détriment de la Nation, ont aboli tout sens critique ainsi que tout esprit de résistance à l’exception de quelques groupes et individus. Avec cette liquéfaction morale, c’est la résilience collective qui disparaît permettant le début de « la guerre de tous contre tous » selon l’expression de l’auteur.
Laurent OBERTONE : du journalisme au roman et à l’essai
Diplômé de l’École Supérieure de Journalisme de Lille (ESJ), Laurent OBERTONE a exercé un temps dans la presse régionale où il s’est intéressé aux faits divers avant de se lancer dans l’écriture sous le pseudonyme qu’on lui connaît. En tant que journaliste, il est déjà au fait des questions quotidiennes liées à l’insécurité, au terrorisme islamiste, à la montée de l’Islam et de la violence sociale dans nos territoires. Il a, cependant, aussi pris le temps d’étudier le phénomène des guerres civiles dans d’autres pays, questionnant un réseau de spécialistes dans la sphère militaire, celle du renseignement et des forces de sûreté intérieure (police et gendarmerie). Si l’œuvre de l’auteur laisse transparaître un pessimisme profond, elle n’en est pas moins d’un réalisme frappant qui, avec sa plausibilité, explique son succès en librairie.
Au-delà de Guerilla, Laurent OBERTONE se distingue aussi en tant que journaliste d’investigation indépendant et essayiste. Son premier ouvrage – La France orange mécanique (3) – rencontra un grand succès (300 000 lecteurs) et frappa les esprits en ce qu’il décrivait la violence quotidienne en France. Le récit, particulièrement factuel, n’hésite pas à déconstruire les éléments de langage de l’écriture journalistique, et pointe du doigt le laxisme de la Justice républicaine. Pessimiste, OBERTONE est surtout révolté par l’injustice qui est faite aux trop nombreuses victimes innocentes du quotidien fauchées par des atrocités banales et ordinaires. Ces milliers d’anonymes massacrés, violés, meurtris, traumatisés à vie qui, souvent, ne trouvent aucun secours ni recours du côté des institutions, sont bien plus que les épiphénomènes d’une situation sécuritaire à l’abandon : ils sont la réalité tout court.
« Nul n’est censé ignorer la réalité » écrit l’auteur mais ce qu’il nous montre de terrifiant, il le fait sans voyeurisme aucun. Les faits divers les plus atroces sont décrits afin de mieux expliquer cette violence indissociable de notre nature humaine. Puisant dans l’anthropologie, OBERTONE remonte aux sources de la violence criminelle - qu’elle soit meurtre ou viol - qu’il montre comme faisant intrinsèquement partie de nos « gènes égoïstes ». Cependant, l’histoire de la Civilisation a été justement de prendre en compte – du Code de Hammurabi au Code pénal – cette réalité anthropologique afin de la canaliser et d’empêcher l’autodestruction de la société. Avatar de la « table rase », la négation contemporaine de cette violence génétique a amené les idéologues et moralistes progressistes du temps à fabriquer une culture de l’excuse qui neutralise d’emblée toute dissuasion pénale et conduit à substituer l’excuse du criminel (l’ « asocial » ou le « sous-socialisé ») à la protection du citoyen (l’individu « normalement socialisé »). Nonobstant son habillage moral (et cynique) droit-de-l’hommiste, l’idéologie progressiste fait resurgir une animalité que la Civilisation avait contenu jusqu’à présent. Dans sa volonté de nier cette nature violente, le progressisme philosophique, moral et politique a levé les interdits civilisationnels qui jouaient justement le rôle de verrous (4).
Cette réflexion conduit OBERTONE à remettre en cause l’État actuel qu’il considère non seulement comme failli parce que n’assurant plus la sécurité des citoyens, mais qui – pire que cela – évolue désormais, au nom du progrès, vers un totalitarisme qui ne dit pas encore son nom. Ce cheminement est développé dans trois autres ouvrages (5) dont le dernier – Éloge de la Force – apparaît dans son style comme un véritable manifeste de résistance. À la lecture de cette réflexion parallèle à Guerilla, on ne pourra s’empêcher de penser en arrière-plan aux persécutions que le journaliste a pu subir au sein même de son milieu professionnel, au terrorisme intellectuel, au tribunal médiatique, à la marginalisation politique et à l’ostracisme idéologique auxquels il s’est heurté nonobstant son succès en librairie.
Laurent OBERTONE est, pourtant, loin d’être isolé. D’emblée, ses ouvrages s’inscrivent dans un véritable phénomène de société du fait de leur succès à répétition. Nombreux (majoritaires ?) sont ceux qui partagent, en effet, ses analyses et ses inquiétudes quant à une paix civile de plus en plus menacée. Les derniers en date se sont manifestés dans des tribunes médiatiques rassemblant plusieurs centaines de milliers de signatures en quelques jours, où – sans aller jusqu’à parler de dictature – étaient soulignés la lâcheté, l’impéritie et le cynisme de nos élites politiques. Dans l’actuel contexte, on reconnaîtra donc qu’OBERTONE est bien plus qu’un journaliste révolté ou un simple lanceur d’alerte. Il est avant tout un esprit libre.
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