Soldats français musulmans en prière dans la mosquée Al-Salam située dans le camp Dair Kifa (FINUL/Sud-Liban) en juin 2015 (source - Télérama/Bilal TARABEY)
Les armées sont-elles protégées d’une infiltration islamiste ? La question pourrait sembler déplacée quand on sait la confiance que l’opinion publique accorde à l’institution militaire considérée comme la plus solide des institutions nationales. Une opinion publique qui, par ailleurs, a largement approuvé ces récentes tribunes de militaires qui présentaient le recours du politique aux armées comme une solution de plus en plus plausible face au risque d’implosion de la société française. Cela étant qu’en est-il de la réalité au-delà de ce ressenti positif ?
Si elle a pour elle une forte culture qui repose sur des traditions historiques et nationales solidement ancrées, l’Armée n’en demeure pas moins l’émanation de la société. Partant, les jeunes qui s’y engagent sont représentatifs de cette dernière, de ses manières de vivre et de penser, de ses faiblesses également. Ils sont surtout représentatifs de ses mutations démographiques, sociologiques et ethniques. Ainsi parmi ceux qui souscrivent un engagement au sein des forces armées, beaucoup sont originaires de ces banlieues et quartiers qui sont les poudrières actuelles qui menacent directement la paix civile. S’il est vrai que l’Armée offre à ces jeunes une possibilité de se recadrer, beaucoup sont également issus de cette communauté musulmane estimée autour de 6 à 8 millions d’individus en France. Leur nombre de plus en plus important au sein des armées est attesté par la création d’une aumônerie musulmane en 2005. S’engagent-ils par intérêt sincère envers la France ou cherchent-ils - pour un certain nombre d’entre eux - à acquérir des savoir-faire militaires qu’ils pourront un jour réutiliser contre elle ? Et sans aller jusqu’à cette extrémité jusqu’où irait leur loyauté en cas de conflit avec un pays musulman ? S’il éclatait une guerre civile qui engagerait l’Armée sur le territoire national comment réagiraient-ils face à leurs coreligionnaires ? Comment filtrer et être sûr du choix des individus ?
Ces questions, encore largement esquivées sur la place publique et dans le bruissement médiatique, sont pourtant posées depuis un certain temps au sein des armées. Certes, des regards extérieurs continueront de mettre en avant le désir des populations musulmanes de s’intégrer, voire de vanter le modèle d’intégration des armées très certainement le dernier à fonctionner encore (1). Tel est le cas du sociologue Elyamine SETTOUL, professeur au CNAM (2) ou de cette analyse du journal The New York Times. S’il faut éviter d’emblée toute essentialisation des individus, on n’oubliera cependant pas le poids des cultures communautaires ainsi que l’importance des réseaux et des groupes de référence qui ont précédé l’engagement militaire des individus et peuvent continuer à les accompagner. Distinguer ne signifie nullement cloisonner et on ne pourra pas non plus faire l’économie d’une réflexion sur la nature même de la religion Islam en rapport avec notre Histoire et notre philosophie politique au moment où justement notre modèle d’intégration/assimilation ne fonctionne plus. Quant à la perspective avancée dans les colonnes du New York Times, elle reflète surtout une vision américaine engagée idéologiquement, et gagnée au multiculturalisme et à son corollaire : le communautarisme.
Ainsi gardera-t-on à l’esprit que de l’opération Daguet (1990-1991) à l’engagement en Afghanistan (2001-2014), des soldats musulmans avaient déjà refusé de partir combattre d’autres Musulmans. Parallèlement à cette inquiétude qui touche les armées, l’État a récemment mis sur pied le Service National des Enquêtes Administratives de Sécurité (SNEAS). Institué par Bernard CAZENEUVE en 2016, au lendemain des attentats de l’année 2015, officiellement créé par le décret du 27 avril 2017, le SNEAS réalise chaque année des centaines de milliers d’enquêtes sur les candidats désirant intégrer les services de l’État ou des secteurs d’activités particulièrement sensibles. Dépendant du MININT, le SNEAS définit ainsi comme sensibles l’accès à des secteurs tels que les centrales nucléaires, les raffineries, les transports, les télécommunications, les unités de retraitement des eaux, les laboratoires, la filière agroalimentaire... Ses enquêtes administratives ciblent particulièrement les personnes musulmanes désirant intégrer la Police nationale, la Gendarmerie nationale mais aussi l’administration pénitentiaire. Les rejets de dossiers restent pour l’heure minoritaires mais ils existent.
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