Du jeudi 18 novembre au vendredi 3 décembre 2021, la Marine nationale a réalisé un exercice inédit non seulement du fait de l’ampleur des moyens engagés mais aussi par l’esprit dans lequel cet exercice a été conçu et mené. Engageant 6000 hommes, plus d’une vingtaine de bâtiments de guerre, les trois armées, des forces spéciales, le COMCYBER mais aussi des unités américaines, britanniques, grecques, italiennes et espagnoles, Polaris 21 a mis en place un scénario de bataille de haute intensité. Une première depuis la fin de la Guerre froide.

Articulée autour du porte-avions Charles de Gaulle et de son groupe aéronaval, la Task Force 473 a simulé une force assaillante que devait contrer une « force rouge », la Task Force 472 articulée autour du BPC Tonnerre et de son groupe naval. Des unités de l’Armée de Terre (54^e Régiment d’Artillerie et 13^e DBLE) ainsi que de l’Armée de l’Air et de l’Espace ont aussi participé à un exercice dont le principe a été de faire jouer les missions de guerre du haut du spectre de la haute intensité. En résumé : la guerre dans ce qu’elle a de plus violent et destructeur avant l’étape de l’engagement nucléaire.

De fait, Polaris 21 a simulé la bataille de surface entre navires mais également les batailles aéromaritime, sous-marine et amphibie. Au-delà de cette présentation générale, c’est l’articulation entre des systèmes d’armes complexes qui a été surtout testée : tirs de missiles de croisière de différents milieux, attaques de drones et défense anti-drones, frappes contre la terre, torpillages et lutte anti sous-marine. Le système logistique à la mer a été évalué dans un contexte de menaces sous-marine et aérienne, et les forces ont simulé des opérations dans un environnement soumis à des attaques venues de l’espace et du cyberespace les privant de GPS et de liaisons par satellites.

Polaris 21 a ainsi été construit autour de trois axes majeurs. 1- La capacité de la Marine à mener un combat de haute intensité, interarmées et dans tous les milieux (notamment dans les nouveaux milieux : le cyberespace et l’espace). 2- La préparation opérationnelle du PAN Charles de Gaulle et de son groupe aéronaval pour un déploiement à partir de février 2022. 3- La capacité à penser la guerre de demain : à « gagner la guerre avant la guerre » selon les mots du Chef d’État-Major de la Marine, l’Amiral Pierre VANDIER. Polaris 21 est ainsi conçu comme un laboratoire associant aux forces en manoeuvre des écoles, des innovateurs et des développeurs. Un laboratoire devant non seulement produire son propre retour d’expérience mais devant tracer, surtout, les chemins de l’innovation technologique et doctrinale de la guerre navale d’aujourd’hui et de demain.

Ce dernier point est le plus important car s’il y a bien une chose que disent et tentent d’anticiper les grands exercices militaires du moment – qu’ils soient français, américains, russes ou chinois – c’est le retour de la guerre entre les États puissances. Ce que ne parvient pas à cacher le jargon militaire de la « haute intensité » (1) n’est ni plus ni moins que le « tragique de l’Histoire » refaisant surface après les décennies de confort et d’illusion dans lesquelles se sont bercés la France, l’Europe et l’Occident. Dans le monde des « grands fauves » (2), les militaires font, sans aucun doute, partie de ceux qui dans notre société n’ont pas oublié l’Histoire, et qui en ressentent les podromes de la tragédie.

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1. Cf. BURKHARD (Thierry), "Nous devons être prêts à la haute intensité", in Le Figaro, 7 octobre 2020.
2. Cf. L’expression est d’Hubert VÉDRINE.