Le Raid Jeunesse et mémoire
Initié par deux volontaires du Service civique – Théophile MORICE et Lucas de SAINT-FRAUD – la Direction du Service National et de la Jeunesse (DSNJ) a organisé un Raid Jeunesse et Mémoire du 30 mai au 5 juin 2022. Inscrite dans le programme Aux Sports jeunes citoyens (1), la manifestation avait pour objectif de faire la promotion des Jeux olympiques et paralympiques de 2024 tout en associant - au cours de ses différentes étapes - le public scolaire aux enjeux mémoriels et aux valeurs portées par le sport. Le raid partait de La Rochelle pour rejoindre Poitiers en passant par Saintes, Cognac, Angoulême et Chasseneuil-sur-Bonnieure, soit un itinéraire planifié de 314 km parcouru en vélo, en course à pied et en canoë par Théophile et Lucas mais aussi par le Lieutenant-colonel Yves HUCHET, chef du Centre du Service National et de la Jeunesse de Poitiers (CSNJ) et le Sergent-chef Stéphanie VINCENT également du CSNJ.
C’est Cognac qui accueillait le Raid Jeunesse et Mémoire ce mercredi 1er juin 2022. À cette occasion 21 élèves du Lycée Jean Monnet et 9 élèves du collège Claude Boucher furent invités à venir soutenir les sportifs. C’est sur le site de la BA 709 que la rencontre se fit avec, en matinée, un temps d’enseignement de défense qui prolongea pour beaucoup d’élèves ce qu’ils avaient pu apercevoir deux semaines auparavant lors du Meeting de l’Armée de l’Air et de l’Espace qui avait rassemblé plus de 30 000 personnes.
Dans un premier temps, ce fut au Caporal-chef Cédric de présenter la BA aux élèves. Jouxtant 6 communes sur 465 ha clôturés sur 12 km, la BA 709 comprend 3 pistes d’aviation. Premier employeur de Cognac-Châteaubernard avec 1450 personnes dont 125 réservistes, elle regroupe plusieurs unités chargées de la formation des pilotes, de leur spécialisation chasse ainsi que du déploiement de drones MALE (2). Pour cela l’ensemble met en œuvre 18 avions Grob et 17 PC-21 pour la formation et 12 Reaper destinés au déploiement opérationnel.
Présentation du VIM Panther
L’unité de pompiers de la base aérienne présenta ensuite son Véhicule d’Intervention Mousse (VIM) Rosenbauer de type Panther. Réservoir mobile de produit anti-incendie de 11 mètres de long, monté sur 6 roues motrices et armé de deux canons à eau d’une portée de 80 mètres, le VIM est un véhicule puissant dont la boîte de vitesse automatique permet une montée en accélération rapide jusqu’à 120 km/h. Sa mission est d’intervenir le plus rapidement possible sur les pistes afin de sauver le pilote ou un équipage et d’empêcher l’extension d’un incendie en cas de crash. L’unité dispose de 4 VIM Panther qui embarquent à leur bord un ensemble de matériels permettant le forcement et la désincarcération des carlingues. Ainsi, une puissante disqueuse dont les lames circulaires ont la particularité de ne pas faire d’étincelles afin de ne pas déclencher un départ de feu. On y trouve également le Halligan tool : un outil lourd, mi pied de biche mi marteau d’arme, qui permet de forcer les cockpits.
Ensuite, ce fut la présentation de la Section de Prévention du Péril Animalier (SPPA) en charge de sécuriser les pistes des oiseaux et des lièvres. Alors que les premiers représentent des risques importants pour les cockpits et les réacteurs (impacts aviaires), les seconds parcourent les pistes et peuvent à ce titre endommager les trains d’atterrissage. À cette fin, les militaires disposent de munitions pyrotechniques destinées à effaroucher les animaux : munitions crépitantes produisant un fort sifflement et munitions à double charge faisant exploser en altitude un pétard d’artillerie. Ces dernières, de calibre 12, sont tirées avec un fusil de chasse. L’enseignement de défense s’est ensuite poursuivi avec la visite de deux drones Reaper dans l’enceinte de la 33e ESRA. Les élèves ont ainsi pu voir de près un Reaper Block 1 et un Reaper Block 5 avec ses GBU (3) d’exercice sous les ailes.
L’après-midi fut un moment d’échanges croisés entre les lycéens, les collégiens et deux athlètes de haut niveau dont Perle BOUGE, 44 ans. Frappée par un accident de la route qui la laisse dans un fauteuil roulant à l’âge de 19 ans, l’ancienne joueuse de basket, aujourd’hui reconvertie dans l’aviron et titulaire de deux médailles olympiques, a livré un témoignage particulièrement fort sur la volonté, le goût de l’effort, la beauté de l’engagement et le service du Bien commun. Le propos de Perle vint prolonger l’action de Théophile et Lucas dont chaque kilomètre parcouru entre La Rochelle et Poitiers permettait de verser la somme de 2 € au Bleuet de France.
Cette journée étape du Raid Jeunesse et Mémoire s’acheva, ensuite, sur une dimension plus historique avec la visite du musée de la base. À cette occasion, il fut rappelé aux lycéens et collégiens qui était le Commandant Raoul MÉNARD (1909-1945). Combattant de la France Libre et pilote de Marauder, l’officier fut abattu dans le ciel allemand, le 22 janvier 1945, à la veille de la fin de la guerre. Son nom a été depuis donné à la BA 709.
Initiative exemplaire, le raid initié par Théophile et Lucas s’inscrit dans un ensemble de manifestations – dont les rallyes citoyens – quasiment toutes portées par le MINARM. Unités militaires, de la sûreté intérieure, de la protection civile, Délégation Militaire Départementale (DMD), réservistes citoyens, Institut des Hautes Études de Défense Nationale (IHEDN) et associations d’anciens militaires et de mémoire sont à la manœuvre pour faire vivre des moments importants dans l’élaboration d’une véritable culture de défense. Leur action est essentielle alors que l’Éducation nationale, qui devrait être en première ligne en la matière, ne sait plus instruire ni éduquer à la résilience.
Présentation de la SPPA
À la recherche de la militarité perdue
La désagrégation de la cohésion nationale à une époque où les périls extérieurs ne font que s’accumuler, questionne plus que jamais la résilience de notre société avec – au premier plan – la préparation de notre jeunesse aux crises qui viennent. C’est dans cette perspective que le premier quinquennat d’Emmanuel MACRON a voulu mettre en place le Service National Universel (SNU) dont l’esprit voulait initialement s’inspirer de l’ancien service militaire. Aujourd’hui, c’est à la DSNJ que revient la responsabilité d’assumer la partie militaire du SNU. Son directeur, le Général Daniel MÉNAOUINE, conduisit le rapport présentant officiellement le SNU qui fut remis au Président MACRON en juin 2018.
Las, les vertus portées par une militarité (4), désormais recherchée par les institutions civiles et les entreprises, ne s’improvisent pas. Surtout lorsqu’à l’épreuve des réalités juridiques, financières et pratiques, le SNU initial s’est vu sensiblement détricoté et appauvri pour, finalement, retomber en grande partie dans l’escarcelle de l’Éducation nationale. Quoi de plus normal au fond ? Si l’engagement militaire est consubstantiel à la citoyenneté – voire davantage à la Nation -, ce n’est pas à l’Armée de former les citoyens. Non seulement ce n’est pas sa vocation mais elle n’a pas non plus les moyens de le faire : au contre-emploi s’ajouterait le cynisme.
C’est donc à l’École - en toute logique - que revient cette instruction/éducation à la citoyenneté. Une mission bien naturelle qui n’aurait jamais dû être oubliée ; ni faire appel à l’Armée si ce rôle avait été véritablement tenu. L’École d’aujourd’hui est, cependant, celle du droit des individus et non de leurs devoirs. À l’image du grand glissement sociétal, elle est davantage le vecteur des minorités ethniques et sexuelles que le relais du Bien commun et de ses valeurs partagées. La seule lecture des règlements intérieurs des établissements suffit à comprendre cette inversion fondamentale entre les droits et les devoirs à laquelle s’ajoute cet autre travail de sape systématique de l’Autorité. Point besoin de polémiquer sur le sujet. Les faits, dorénavant, éclatent au grand jour avec une crise sans précédent du niveau des élèves mais aussi des enseignants (5).
La transmission, véritable matrice de la cohésion sociale, est en crise. On aurait, cependant, tort d’attribuer uniquement cette crise à des réformes technocratiques malheureuses d’un côté comme à un manque de moyens de l’autre. Si les moyens octroyés ont rarement été ceux revendiqués (comme pour tous les ministères d’ailleurs), l’Éducation nationale reste le premier budget de la Nation. Son échec n’en est que plus patent avec des élèves dont la lecture et l’écriture ne sont plus acquises en Terminale, avec l’explosion du nombre d’individus dyslexiques, dysorthographiques, dyscalculiques, et last but not least un effondrement du nombre et du niveau des enseignants qui apparaît désormais comme une tendance pérenne. C’est que la crise de la transmission qui nous frappe est avant tout une crise morale. Sa profondeur ne peut plus être cachée et les élites politiques commencent à en percevoir les conséquences catastrophiques pour l’avenir proche de la société. Leurs réponses ne sont cependant que gesticulations et postures avec des éléments de langage institutionnels dont les Français savent l’inadaptation, la vacuité voire la contre-productivité. Le SNU fait partie de ces réponses aussi inutiles qu’elles sont coûteuses.
Il est, en effet, bien plus facile d’anéantir les « murs porteurs » que de les protéger ce à quoi s’est acharnée une École devenue folle. Civisme, valeurs de l’engagement, exemplarité… Des salles de classe au sommet de l’État les contemporains semblent vouloir redécouvrir des vertus que l’École aurait dû continuer à transmettre sans devoir, aujourd’hui, les justifier jusque dans le discours des inspecteurs et des directions d’établissement où l’élément de langage du « vivre-ensemble » traduit ce que notre société ne sait justement plus faire. Avec un engagement naturel pour une vie de rigueur et d’abnégation, un esprit de mission élevé jusqu’au sacrifice de soi et une notion de bien commun toujours nettement identifiée à la défense et à la protection du pays, l’Armée est très certainement la dernière institution à porter ce qui manque le plus à notre société. Cette militarité que recherche désespérément un SNU tâtonnant est pourtant indissociable de valeurs et d’exigences que l’École de la République a systématiquement déformée, outragée et piétinée depuis plus de cinquante ans.
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Visite du musée de la BA 709