Présentation du B-21 Raider à Palmdale (source - US Air Force)

L’aviation de bombardement américaine a désormais son SCAF avec le bombardier B-21 Raider qui a été officiellement présenté le 2 décembre 2022 sur la base aérienne 42.

Située à Palmdale – dans le désert Mojave à une centaine de kilomètres de Los Angeles -, l’Air Force Plant 42 est un immense espace industriel où les grandes firmes aéronautiques étatsuniennes, conçoivent, élaborent et produisent leurs appareils (chasseurs, bombardiers, drones) mais aussi leurs armements (bombes, missiles). C’est ici que les matériels les plus High-TECH en matière d’aéronautique militaire et de vol spatial sont testés, et que les prototypes réalisent leurs vols d’essai. L’Air Force Plant 42 dépend du gouvernement fédéral - d’où la présence également de la NASA - et est rattachée à l’Air Force Base (AFB) d’Edwards située à une cinquantaine de kilomètres.

C’est donc en ce lieu ultra-protégé que Northtrop Grumman vient de dévoiler son dernier-né dont le premier vol devrait se faire dans quelques semaines. C’est en hommage au raid du Lieutenant-colonel James H. DOOLITTLE du 18 avril 1942 sur Tokyo que le B-21 est nommé Raider (Doolittle raiders). L’Histoire ne sera, cependant, que le seul lien entre les B-25 Mitchell et les B-21 tant les objets aéronautiques en eux-mêmes n’ont plus rien à voir en commun si ce n’est qu’ils volent.

Bombardier de sixième génération, le B-21 va prochainement remplacer les bombardiers stratégiques B-1 Lancer et B-2 Spirit (mais pas les B-52). Ce faisant, il est une synthèse de ce que l’US Air Force a fait de mieux de la Guerre froide à nos jours en matière de frappes aériennes furtives. Cela représente plusieurs décennies de RETEX et de progrès technologiques avec toute la puissance du potentiel R&D de l’hyperpuissance (1). Conformément à cette stratégie de fond qui recherche avant tout le bond qualitatif pour distancer les rivaux des Etats-Unis, le B-21 ouvre une ère de capacités et de flexibilité inédite pour une flotte de bombardement.

Plus que d’évoluer au sens propre dans les nuages atmosphériques, le Raider est nativement conçu comme un système de systèmes dans le cloud. Le principe est d’abord celui d’une plateforme infovalorisée capable de gérer les réseaux de données multicouches dans la profondeur de l’espace de bataille, quelle que soit la mission et dans une guerre de haute intensité. Cette caractéristique essentielle est indissociable d’une deuxième caractéristique tout aussi essentielle : la furtivité. La configuration extérieure du Raider reprend celle du Spirit, et le bombardier se présente comme une aile volante appelée à délivrer des frappes aériennes sur tout le spectre des missions - du bombardement conventionnel au bombardement nucléaire – tout en étant capable de tenir en échec les systèmes anti-access et aera-denial de l’ennemi.

Conçu à partir de matériaux - entre autres - permettant cette furtivité, emportant des capteurs et des systèmes lui donnant une capacité à gérer les flux de données d’un espace de bataille interarmées, nœud de réseaux multi-domaines, le B-21 a surtout été pensé dans une architecture ouverte. Tournée vers des systèmes et des armes qui n’existent pas encore, cette architecture lui permettra d’intégrer des bonds technologiques sans recourir au rétrofitage classique (mise à niveau par blocs). En d’autres termes, le Raider a été conçu non seulement pour répondre aux missions les plus complexes de l’Air Force d’aujourd’hui, mais il l’a aussi été dans la perspective d’une évolution rapide des technologies et des matériels à laquelle il devra répondre au moindre coût. Anticipant les révolutions de l’intelligence artificielle, il est également prévu que le B-21 puisse voler sans équipage embarqué.

6 Raiders sont déjà en cours d’assemblage à Palmdale pour des essais imminents prévus en 2023. Entre 100 et 145 appareils - au prix unitaire de 700 millions de dollars (2) - devraient être construits. Répartis sur les trois AFB de Dyess (Texas), Whiteman (Missouri) et Ellsworth (Dakota du sud), les B-21 renouvelleront la flotte de bombardement stratégique de l’US Air Force. En permettant plus que jamais la capacité de mener des raids dans la profondeur des territoires ennemis, ces avions non seulement consolident la composante aérienne de la triade nucléaire américaine (3), mais ils donnent aussi une grande souplesse d’intervention dans les autres types de conflits.

Bombardier numérique de conception furtive, taillé pour le combat de haute intensité sur la base d’une évolutivité permanente des systèmes, le B-21 Raider est d’ores et déjà un système de combat aérien du… présent.

_______________

1. Cf. On mentionnera l’étape du F-117 Nighthawk de Lockheed Martin qui, dès les années 1970, fut le premier avion de combat a être conçu selon le principe d’une signature atténuée. Il fut remplacé dans les années 1990 par le Northrop Grumman B-2 Spirit, beaucoup plus avancé technologiquement, beaucoup plus cher également. Surtout, le B-2 palliait la grande faiblesse du F-117 à savoir la capacité d’emport en armement. Alors que le Nighthawk ne pouvait emporter que deux munitions, son successeur en met 16 diversifiées en soutes.
2. Cf. De ce point de vue, le B-21 bénéficie de toute la recherche effectuée en amont pour le B-2 dont le coût unitaire s’élève à 3 milliards de dollars.
3. Cf. La triade nucléaire désigne une capacité de dissuasion nucléaire reposant sur trois types de frappes : les frappes à partir de sites terrestres, de vecteurs sous-marins et de vecteurs aériens. Cette triple capacité est rare car complexe et onéreuse. Elle nécessite, en effet, la maîtrise de technologies, de vecteurs et de systèmes d’armes dans trois milieux différents. Avec la fin de la Guerre froide, la France a renoncé à la composante terrestre de sa triade (le site de lancement du plateau d’Albion) pour ne garder que les composantes sous-marine (SNLE) et aérienne.
    

(Source - US Air Force)