QUÉTEL (Claude), Tout sur Mein Kampf, Perrin, 2019, 256 p.
MONICAULT (Frédéric de), "Tout sur Mein Kampf : un livre qu’on brandit plus qu’on ne le lit", in Le Figaro, 25 janvier 2017.
Enquête sur un ouvrage qui fait débat chez les historiens, les éditeurs et les juristes. Le titre de l’ouvrage est ambitieux : Tout sur Mein Kampf. Mais Claude Quétel relève le gant. En quelque 290 pages, l’auteur déroule la trajectoire d’un document hors norme, « à la fois innommable et ignominieux mais impossible à passer sous silence car il est devenu un véritable objet de totémisation, un livre qu’on brandit plus qu’on ne le lit », explique l’intéressé interrogé sur son projet. Quétel examine bien sûr le contenu de Mein Kampf, son caractère prémonitoire (ou pas) et les conditions de sa diffusion - hier et aujourd’hui -, mais il enracine plus profondément sa réflexion en montrant bien qui était Hitler avant la rédaction du bréviaire du nazisme. Et de lister ses sources d’influences, parmi lesquels plusieurs théoriciens völkisch - farouchement antisémites et ultra-pangermanistes - qui appellent de leurs vœux un chef aussi intransigeant qu’eux.
Traductions expurgées
Cette volonté de remise en perspective se vérifie aussi dans l’analyse du procès de Nuremberg - où les accusés se retranchent derrière le principe de l’obéissance au Führer plutôt que derrière ses écrits - et dans celle du poids de Mein Kampf en France. À l’orée des années 1930, les milieux diplomatiques et les services de renseignements - à commencer par le Deuxième Bureau - se retrouvent forcément confrontés à l’ouvrage « mais se divisent aussitôt entre ceux qui prennent le livre au sérieux et ceux qui en minimisent la portée ». Certains de leurs représentants cultivent un entre-deux, persuadés que Hitler, s’il arrive un jour au pouvoir, saura atténuer des éléments de son programme. Quoi qu’il en soit, peu d’observateurs prennent la peine de réfléchir au dogme hitlérien. L’un des rares à pressentir le danger dans sa globalité est René Capitant, juriste et membre du Comité de vigilance des intellectuels antifascistes, fondé en 1934.
Pour Claude Quétel, le sujet de la traduction est également une thématique à part entière : l’occasion de rappeler que si Hitler n’a pas renié la moindre virgule de son texte en Allemagne, il n’a autorisé que des versions expurgées à l’étranger. Voilà pourquoi ce Tout sur Mein Kampf explore le statut juridique de l’ouvrage, d’autant plus complexe que des pans entiers sont accessibles sur INTERNET, sans la moindre précaution de présentation.
Par Frédéric de Monicault