Une exposition du Musée de l’Armée sur les guerres de Religion du 5 avril au 30 juillet 2023.
Si la guerre civile est un phénomène que l’on rencontre dans l’histoire de nombreux pays, l’Histoire de France ne manque pas de ce type de conflits de l’ère protonationale à celle de l’État-nation. Ainsi, de l’affrontement entre les maisons de Bourgogne et d’Armagnac (début XVe siècle) à la Guerre d’Algérie (1954-1962) en passant par la Révolution française (fin XVIIIe siècle) et la Deuxième Guerre mondiale (1939-1945), notre Histoire reste marquée par de violentes et cruelles confrontations au sein même de notre communauté nationale. Périodes de grande faiblesse, ces guerres civiles se sont souvent conjuguées avec une guerre étrangère.
Les guerres de Religion (XVIe XVIIe siècles) - auxquelles le Musée de l’Armée consacre une belle exposition du 5 avril au 30 juillet 2023 (1) - ont très certainement constitué, avec la Révolution française, l’exemple paroxystique d’une guerre civile à l’échelle de notre histoire nationale (2). En fait, ce que l’on appelle "guerres de Religion" désigne une série de huit affrontements militaires au royaume de France qui, entre le XVIe et le XVIIe siècle, virent se combattre sujets catholiques et sujets protestants (3) pour le contrôle du pouvoir royal. Ce furent des périodes complexes très mal comprises, de nos jours, par les contemporains au-delà du prisme de l’intolérance catholique symbolisée par le massacre de la Saint-Barthélémy (24 août 1572), ou cette autre paresse intellectuelle héritée de la libre-pensée selon laquelle toutes les religions sont intolérantes par nature.
Dans ce contexte, l’historien rappellera que si le mot « guerre » s’écrit au pluriel – car il y en eut plusieurs – celui de « religion » s’écrira au singulier et avec une majuscule car ces guerres civiles et européennes ne concernèrent que le Catholicisme : l’unique religion de l’époque, officiellement et traditionnellement reconnue dans tout l’Occident chrétien depuis le Moyen-Âge. De fait, c’est l’implosion d’une unité religieuse millénaire qui donne à cette période son importance historique.
Les guerres de Religion sont difficiles à aborder du fait des partis pris idéologiques fréquemment rencontrés au sein de la communauté enseignante des collèges et des lycées, mais également du fait de la faiblesse de la culture religieuse (chrétienne) des élèves en général. De fait, simplismes et amalgames prédominent dans l’étude d’une époque où le fait religieux était autrement plus important culturellement, socialement et politiquement qu’il ne l’est de nos jours. Ainsi, la violence des guerres de Religion ne peut se comprendre sans la nature intrinsèquement catholique de la royauté capétienne : celle-ci expliquant que la religion du Roi conditionnait inévitablement celle de ses sujets partant l’unité même du royaume.
Ce n’est pas un hasard si « La Haine des clans » a été chronologiquement bornée entre la mort de deux rois : celle de Henri II en 1559 et celle d’Henri IV en 1610. Si la première fut accidentelle, au cours d’un tournoi, elle n’en marque pas moins l’ouverture d’une période de troubles que refermera plus ou moins bien le roi de l’Édit de Nantes (30 avril 1598) assassiné le 14 mai 1610. Si la guerre civile précédente avait déjà été une étape dans la construction de l’État moderne (4), les guerres de Religion ont joué un rôle essentiel dans la construction de l’État royal absolutiste. Cependant, avant d’en arriver à Louis XIV (1638-1715), les guerres de Religion ont dangereusement menacée la monarchie française et le pouvoir royal a été durablement affaibli. C’est avec elles que la personne du Roi n’est désormais plus sacrosainte pour une partie de ses sujets, ouvrant en cela la porte aux régicides (Henri III en 1589 et Henri IV en 1610). On ne pourra ainsi mieux souligner que les guerres de Religion ont d’abord et avant tout été des guerres aux enjeux très politiques.
Sans atténuer les massacres inhérents à toutes les guerres – plus particulièrement les guerres civiles - réduire la violence des guerres de Religion aux seuls catholiques est aussi un simplisme difficile à éviter dans l’enseignement actuel. La tuerie de la nuit de la Saint-Barthélémy intervient après des années d’accumulation de haines et d’exactions où nombre de catholiques furent eux aussi massacrés de la pire des manières par les huguenots. Avec la Révolution française, les guerres de Religion furent la période la plus destructrice pour les églises et monuments chrétiens. La faiblesse des rois, eux-mêmes, est directement responsable du déchaînement des violences. Les revirements multiples des souverains entre les partis catholiques et protestants ont ainsi pu conduire à une participation directe aux tueries et à l’affaiblissement de la Couronne (5).
Surtout, il est devenu courant d’opposer l’Humanisme aux guerres de Religion dont il fut pourtant contemporain. À l’ouverture et la tolérance intellectuelles du premier, l’intolérance dogmatique des secondes viendrait ainsi en repoussoir. En faisant – à raison - du grand courant intellectuel (chrétien) du XVe-XVI siècles la racine de ce que seront plus tard les Lumières et de ces dernières la matrice de la Révolution française, d’aucuns sont trop souvent tentés de passer sous silence - à tort cette fois - l’influence directe de l’Humanisme dans le déclenchement des guerres de Religion. L’Humanisme qui fut le berceau intellectuel de la Réforme luthérienne.
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