DeFELICE (Jim), KYLE (Kyle), McEWEN (Scott), American sniper. L’autobiographie du sniper le plus redoutable de l’histoire militaire américaine, Paris, Nimrod, 2012, 320 p.
Christopher Scott KYLE (1974-2013) en 2012 (source - NBC Universal)
Du cowboy au Navy SEAL
Christopher S. KYLE est né à Odessa (Texas) en 1974. Sa vie nous est connue grâce à une autobiographie qu’il publie en 2012, un an avant sa mort dramatique lorsqu’un vétéran d’Irak – Eddie Ray ROUGH - souffrant de stress post-traumatique, l’abat. Il est tué avec un ami : Chad LITTLEFIELD.
Le parcours de Chris KYLE rappellera par bien des aspects celui de Marcus LUTTRELL (1). Tous deux sont texans d’origine et dans l’âme, imprégnés de valeurs patriotiques et religieuses, convaincus du bien fondé de la cause pour laquelle ils se battent. Tous deux se sont engagés dans la prestigieuse unité des forces spéciales de la Marine américaine – les US Navy SEAL –, et ont combattu dans des conflits contemporains : le premier en Irak, le second en Afghanistan. Ils sont tous les deux considérés comme de véritables héros aux Etats-Unis, et Hollywood leur a consacré à chacun un film (2).
L’univers de KYLE est d’abord celui des cow-boys et des vastes campagnes texanes qu’il parcourt à cheval. Tôt, il baigne au milieu des armes et s’initie à la chasse avec son père. Peu porté aux études (il abandonne à l’université), il envisage deux métiers : celui de cow-boy professionnel ou celui de militaire. Après une première visite médicale qui le déclare inapte du fait d’un accident de rodéo qui lui brisa un poignet, Chris est finalement engagé pour une formation d’entrée dans les Navy SEAL (le BUD/S ou Basic Underwater Demolition/Scuba) en février 1999. C’est au cours de cette formation qu’il fait la connaissance de Marcus LUTTRELL. Les premières parties des deux autobiographies sont ainsi consacrées au détail de la formation pour devenir Navy SEAL. Dans les deux cas la description reste similaire : souffrance physique et sélection.
Dans son récit, KYLE accorde une place non négligeable à celle qu’il rencontre durant sa formation, et dont il tombe amoureux : Taya. Ils se marient et auront deux enfants. Il quittera l’armée en 2009, usé par le service, mais également pour sauver son mariage et sa vie de famille. Mais en ce début de carrière, l’atmosphère est encore aux rudes entraînements, aux bizutages virils et aux bagarres incessantes entre SEAL et civils. Véritables rites d’intégration, on cogne et on se fait cogner : il y va de la réputation de l’unité.
La carrière opérationnelle
Les premières actions opérationnelles consistent en des arraisonnements de bâtiments suspectés de transporter des cargaisons interdites de pétrole et d’armes. KYLE est spécialisé dans le soutien de son équipe et sert une mitrailleuse M 60. C’est ainsi qu’il est rapidement engagé en Irak, en mars 2003, et qu’il participe à la course vers Bagdad. Premier contact avec l’ennemi musulman qu’il méprise – il le qualifie de « salopard » ou de « sauvage » -, il vit des combats violents où, à court de munitions, il manque avec sa section d’être submergé. C’est au retour de cette première mission en Irak, qu’il suit une nouvelle formation destinée à faire de lui un tireur de précision.
De son propre aveu, cette nouvelle formation fut la plus difficile de sa vie après le BUD/S. De fait, 50% des SEAL qui s’y présentent sont recalés. Familiarisé avec les armes et le tir depuis son enfance, KYLE apprend néanmoins les techniques du tir de précision à longue et très longue distance. Plusieurs pages de son ouvrage sont consacrées au camouflage, au déplacement et aux armes du sniper. Sa prédilection va au .330 et .338 Wing Mag (pour Winchester Magnum), des types de munitions qui désignent des fusils à verrou très appréciés des snipers.
Il revient en Irak en septembre 2004 où il retrouve l’unité des forces spéciales polonaises (le GROM) avec laquelle il opérait déjà lors d’arraisonnement de navires en pleine mer. S’il avait déjà effectué son premier tir létal de précision en mars 2003 à Nasiriya (3), c’est à ce moment qu’il entre véritablement dans la légende des snipers. Jusqu’à son départ définitif d’Irak, il participe à toutes les opérations et grandes batailles. D’abord la deuxième bataille de Falloujah (novembre 2004), et celle de Ramadi (juin/novembre 2006) où il y gagne le surnom d’ « Al Shaitan Al Ramadi » (« le diable de Ramadi »). C’est ainsi que les insurgés irakiens, terrifiés par ses tirs meurtriers, l’appelaient mettant sa tête à prix pour plusieurs milliers de dollars.
Ramadi est cerné par de petits camps américains (Combat Outpost ou COP), qui sont harcelés en permanence par la guérilla. C’est autour du COP Falcon que KYLE obtient sa 100e victoire homologuée, son 100e tir létal. C’est également à cette époque qu’il effectue un tir létal à 1,9 km de distance (4). À l’issue de sa carrière, Chris KYLE a à son actif 255 cibles abattues dont 160 sont homologuées. Ce palmarès fait de lui le meilleur tireur de précision de l’histoire militaire des États-Unis. Deux fois blessé, il est décoré de l’Étoile de bronze (Bronze star) et de l’Étoile d’argent (Silver star).
En 2009, il se retire du service actif et se reconvertit dans la création d’une entreprise de sécurité, Craft international. Mais le 2 février 2013, au cours d’une séance de tir, il est abattu par Eddie Ray ROUGH, un vétéran souffrant de stress post-traumatique. Son histoire nous est fidèlement racontée dans le film American sniper de Clint EASTWOOD, avec l’acteur Bradley COOPER dans le rôle de Chris KYLE.
Snipers, tireurs embusqués et tireurs d’élite…
Le sniper - autrefois appelé marksman ou sharpshooter – pourra être traduit en français par « tireur embusqué », « tireur d’élite » ou « tireur de précision ». L’Armée française distingue cependant précisément ces différents termes. Le « sniper » est, en fait, un terme générique désignant un « tireur embusqué » pouvant être soit un « tireur de précision » soit un « tireur d’élite ». Le premier est un tireur au-dessus de la moyenne, qui reste cependant intégré à sa section d’infanterie qu’il appuie par des observations et des tirs de précision jusqu’à 800 m. Le second est encore plus qualifié que le précédent, puisqu’il est capable d’agir en équipe autonome pour des tirs jusqu’à 1800/2000 m. L’armement et les missions ne sont plus les mêmes que pour le tireur de précision.
Pour le tireur d’élite Chris KYLE, engagé dans toutes les grandes opérations menées par l’Armée américaine en Irak de 2003 à 2009, la réalité des combats devait très certainement gommer ces distinctions réglementaires. Partant, on retrouvera les snipers au sein d’unités – ou à leurs côtés – en soutien de l’infanterie qu’ils éclairent par l’observation à distance du terrain (ce que permet la puissance de leur optique), ou en appui par des tirs sur des objectifs prioritaires, lointains, cachés, inaccessibles aux fantassins en approche. L’emploi des snipers n’est, par ailleurs, pas exclusivement militaire, et on les retrouvera également dans les forces de police, notamment dans des situations de retranchement et de prises d’otages mais aussi de protection lointaine de VIP.
Le combat des snipers
Dans un contexte militaire, les snipers sont des combattants redoutables, craints, développant une aura particulière autour de l’idée du « tueur solitaire ». La fonction nourrit les fantasmes à commencer dans l’univers des jeux vidéo. Pourtant, sa réalité n’a rien à voir avec un jeu… Assimilée à une guerre de harcèlement dont les coups portés au moral de l’ennemi n’est pas le moindre des objectifs, la guerre des snipers présente des caractéristiques que l’on pourrait ainsi résumer (5) :
Fusil Barrett M82, calibre .50 (12,7 x 99 mm)
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