DRÉVILLON (Hervé) et WIEVIORKA (Olivier) (dir.), Histoire militaire de la France. Des Mérovingiens au Second Empire, Perrin/MINARM, Paris, 2018, 864 p.
DRÉVILLON (Hervé) et WIEVIORKA (Olivier) (dir.), Histoire militaire de la France. De 1870 à nos jours, Perrin/MINARM, Paris, 2018, 720 p.
On connaissait déjà l’Histoire militaire de la France publiée aux Presses Universitaires de France, dans les années 1990, sous la direction d’André CORVISIER, Philippe CONTAMINE, Jean DELMAS, Guy PEDRONCINI et André MARTEL (1). En cette fin d’année, les éditions Perrin, en partenariat avec le Ministère des Armées (MINARM), le Secrétariat Général pour l’Administration (SGA) et la Direction des Patrimoines, de la Mémoire et des Archives (DMPA), publient une nouvelle Histoire militaire de la France.
Se présentant en deux volumes, cette somme réalisée sous la direction d’Hervé DRÉVILLON et Olivier WIEVIORKA prolonge la réflexion de la collection susmentionnée. Elle en élargit le périmètre problématique soulignant à son tour les interactions entre le phénomène guerrier et l’évolution de l’État et de la Nation ; avec celle aussi de la société et du territoire français. Le rôle joué par la fiscalité d’État dans la constitution d’une armée permanente dès le XVe siècle - thèse déjà avancée par Philippe CONTAMINE - est conforté. Spécialiste de Louis XIV, M. DRÉVILLON approfondit ce que l’actuel territoire national doit encore de nos jours au règne militaire et aux orientations stratégiques du Roi-Soleil. Autre fil conducteur de la réflexion : la confirmation que le « citoyen » en arme comme l’armée nationale n’ont pas attendu la Révolution, et doivent bien plus qu’on ne le pense à la Monarchie et à l’Ancien Régime sans pour autant ôter le caractère essentiel des événements à partir de 1789. La Première Guerre mondiale est également revisitée sous l’éclairage de l’abondante production issue de la commémoration récente de son centenaire. Le fil de la narration reste chronologique sur le temps long, et le propos se lira avec facilité nonobstant l’épaisseur de volumes qui prendront une certaine place dans un sac…
Genre pendant longtemps mal aimé, si ce n’est méprisé dans les milieux universitaires, l’histoire militaire a cependant connu un profond renouveau historiographique ces dernières décennies avec l’ouverture de l’étude de la guerre et des sociétés militaires aux champs politico-sociaux et culturels. Dans cette perspective, les auteurs de cette nouvelle synthèse ont balayé large, allant jusqu’à intégrer l’apport des gender studies dans l’observation de la formation des archétypes de la masculinité militaire. Nul doute que la réflexion des historiens rassemblés autour de MM. DRÉVILLON et WIEVIORKA contribuera utilement au renouveau du genre, et on appréciera entre autres l’appareil critique et la mise à jour bibliographique d’une histoire qui - de Clovis aux actuelles OPEX - continue de s’écrire.
C’est, en effet, après avoir parcouru près de 1500 ans de conflits, où l’on verra les phénomènes guerriers et militaires bâtir les fondements de la France moderne, que l’on aboutira à une conclusion lourde d’interrogations inédites quant à l’élaboration d’un modèle stratégique, de l’emploi de la force militaire et jusqu’à la place des armées et du militaire au sein de notre société contemporaine. Des questions - éminemment politiques – dont certaines pourront même être qualifiées de sociétales au-delà des habituels aspects stratégiques et économiques. Elles interrogent la République sur l’instabilité dans laquelle celle-ci a durablement installée son Armée et ses soldats.
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