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Harmonie COMYN (août 2024)

PINA (Céline), « Gendarme tué à Mougins : la douleur d’une femme et le désarroi d’un pays face à un État démissionnaire », in Le Figaro, 30 août 2024.

Article mis en ligne le 4 septembre 2024

par Nghia NGUYEN

«  La France a tué mon mari par son insuffisance, son laxisme et son excès de tolérance. Comment, pourquoi cet homme multirécidiviste peut-il évoluer en toute liberté  ? Quand est-ce que nos «  législatifs  » ouvriront réellement les yeux  ? Faut-il qu’ils soient touchés directement pour agir  ?  ». C’est accablée par le chagrin que la veuve d’Éric Comyn, gendarme tué par un multirécidiviste qui a refusé d’obtempérer lors d’un contrôle routier, a pris la parole lors de la cérémonie organisée en l’honneur de son époux. Ses mots sont durs, mais ils ont le mérite de la clarté et de la justesse.

Certes, factuellement, c’est un chauffard ivre qui a tué son mari. Un chauffard étranger qui cumulait les délits de violence et les délits routiers sans que jamais cela ne se traduise ni par une sanction lourde, ni par une expulsion. L’homme, comme beaucoup de ceux impliqués dernièrement dans des crimes sordides ou des agressions de policiers, était défavorablement connu des services de police et accumulait les délits. En toute impunité. Alors oui, le lien que fait cette femme entre le laxisme de l’État et la mort de son mari, s’il n’est pas direct, n’en est pas moins réel. Mais surtout pourquoi est-ce que cette prise de parole touche tous ceux qui l’ont entendu ? D’abord parce qu’au-delà de la colère, c’est surtout l’immense douleur de la perte que l’on entend dans sa voix. Cela ne peut laisser personne indifférent.

Elle met aussi le doigt sur un ressenti que partagent beaucoup de Français : le fait que l’État n’assure plus ses fonctions régaliennes. Les gens ne se sentent pas protégés, n’ont pas le sentiment que les délinquants sont punis à proportion de leurs exactions, les frontières sont devenues des passoires et les forces de l’ordre, des cibles. Le refus d’agir des politiques est vécu comme un abandon. Pire même comme une trahison. D’où le « faut-il qu’ils soient touchés directement pour agir ? » Tout est dit dans cette phrase de ce que l’on a appelé la sécession des élites. Là cette phrase est liée au terme « les législatifs ». Elle renvoie donc aux élus nationaux et traduit le sentiment de plus en plus répandu que les « députés » ne sont plus les représentants du peuple, ils sont devenus une caste, à part, qui ne se soucie que d’elle-même et n’a plus de lien avec l’intérêt général.

La veuve du gendarme tué évoque également 1981 dans son discours, en référence à l’abolition de la peine de mort. Or il a été prouvé que les revirements de l’opinion face à la peine de mort sont tributaires de la confiance qu’ils ont en leur justice. Plus celle-ci leur paraît inadaptée et laxiste alors qu’ils ont le sentiment que la société est en proie à l’ensauvagement, plus ils sont favorables à son rétablissement. Au contraire, quand la justice leur paraît faire son travail, l’adhésion à la peine de mort décroît.

Là aussi, dans son chagrin, la veuve éplorée met le doigt sur quelque chose de très juste. Mieux vaudrait l’entendre que balayer d’un revers de main ses paroles au prétexte que ce débat tracerait la ligne de démarcation entre les gens bien et les autres. Ce n’est pas le cas. Elle dit juste que lorsque la justice n’est pas comprise, elle n’est pas vue comme rendue. Elle ne peut donc pas mettre un coup d’arrêt à la spirale de la violence. La justice qui n’est pas rendue appelle la vengeance, et redéclenche donc le cycle de la violence. Et la première des violences de ce deuxième round est le laxisme.

Enfin il y a ce qu’elle ne dit pas. Si les forces de l’ordre sont devenues des cibles et ne sont pas protégées alors qu’ils représentent l’État, quel est notre statut à nous, simples citoyens ? Si eux sont abandonnés, est-ce que nous, nous comptons encore pour quelque chose ? Que penser d’un État qui voit les refus d’obtempérer se multiplier depuis quelques années et qui, non seulement est incapable de réagir, mais a fait une minute de silence à l’Assemblée nationale pour un délinquant qui en a commis un dont l’issue lui a été fatale ?

Aujourd’hui ce sont environ 63 refus qui sont enregistrés chaque jour sur le territoire national, il faut dire que ce geste est traité avec désinvolture par la justice. Rappelez-vous, le 4 juillet 2020, Mélanie Lemée, jeune gendarme de 25 ans, est tuée à la suite d’un refus d’obtempérer. Le chauffard qui l’a écrasée a été remis en liberté sous bracelet électronique en 2023 et son procès n’a toujours pas eu lieu. C’est dire si les hommages rendus par le gouvernement face à cet énième drame qui touche les forces de l’ordre sont diversement appréciés. Ils seraient plus crédibles s’ils débouchaient sur des mesures pour protéger les forces de l’ordre, mais plus personne ne les attend ni même ne les espère encore tant la classe politique offre un spectacle délétère en cette rentrée (1).

Pendant qu’un microcosme en apesanteur joue à « qui sera premier ministre ? » et essaie d’imposer des candidatures fantaisistes alors que personne n’a gagné les législatives, le pays voit les politiciens se laver les mains de questions très concrètes pour instruire des procès délirants en déni démocratique. Sur les maux bien réels qui inquiètent les Français, en revanche, personne n’a de propositions très convaincantes.

 

Par Céline Pina

_______________

  1. Cf. Note de contexte - La dissolution de l’Assemblée nationale décidée par le Président Emmanuel MACRON, à l’issue des élections européennes du 9 juin 2024, a pour conséquence une nouvelle assemblée qui n’aura jamais été aussi fracturée et ingouvernable au soir du 7 juillet. Durant tout l’été, et alors que le Premier Ministre, Gabriel ATTAL, a donné sa démission, la France n’a pas de gouverment autre que celui démissionnaire. Au 4 septembre, le Président n’est toujours pas parvenu à nommer un premier ministre.

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