Donner la mort, donner sa vie
Par sa nature, l’engagement militaire conduit celui ou celle qui le choisit au-devant de la lutte violente, du danger et de la mort. La culture du danger et du risque est inhérente au monde militaire, qui se prépare en permanence à l’affrontement et aux situations décisionnelles comme physiques les plus extrêmes. Donner la mort et être prêt en retour à donner sa vie ; risquer celle des autres surtout lorsque l’on commande, ne sont pas des actes insignifiants. Peu dans la société civile en savent véritablement quelque chose.
Le soldat est souvent seul en lui-même d’où l’importance de la fraternité d’arme et de la cohésion qu’elle fait naître. Comme tout être humain, il connaît la peur devant la mort : son courage n’en est que plus exceptionnel à devoir la maîtriser au cœur de l’action et des pires situations.
La mort habite le métier du soldat mais cette mort n’est pas dénuée de sens. « Les raisons de vivre sont autant de raisons de mourir pour sauver ce qui donne un sens à la vie » écrivait le Maréchal Jean de LATTRE de TASSIGNY (1889-1952). Cette citation si bien écrite sous la plume d’un grand soldat ne peut mieux dire ce qui distingue philosophiquement l’action du militaire de bien d’autres où la mort est aussi donnée mais de manière tellement plus absurde.
Certes, il ne s’agit pas d’idéaliser non plus les actions de tous les soldats de toutes les armées à travers l’Histoire tourmentée des hommes. La violence militaire – en Occident - a longuement cherché son chemin avant de parvenir, de nos jours, à ce refus des guerres d’expansion, à cette volonté de participer à la sécurité collective, à livrer des combats où la dimension éthique est désormais affirmée au cœur d’une situation par définition immorale et de non droit : la guerre. Le Code du Soldat français témoigne de cette dernière et récente évolution.
L’Engagement et l’engagement
Plus qu’un métier, la carrière militaire est donc un Engagement qui demande une abnégation hors du commun de la part du militaire lui-même, mais aussi de sa famille et de ses proches. Si la Mère, souvent, refuse d’admettre la mutilation, la blessure ou la mort du Fils, l’Épouse (ou la compagne) aura davantage choisi en connaissance de cause l’Engagement de son conjoint. Contrairement à la Mère, elle se sera aussi engagée - d’une autre manière - quand bien même la dévastation sera aussi terrible pour les deux femmes. Très souvent derrière un héros se tient aussi une héroïne.
À travers les « semaines » dites « de l’engagement » (1), l’Éducation nationale tente au sein des lycées – depuis 2013 - un timide travail de sensibilisation sur la notion d’engagement des jeunes, mais encore une fois tout y est dénaturé et détourné à commencer par l’essentiel. Il y est question des « droits et des devoirs » des élèves, d’une « respiration démocratique » au sein d’établissements où les lycéens sont invités à mener diverses actions pour « dynamiser » la vie de la collectivité scolaire. Quoi de plus naturel que de faire vivre sa communauté ne serait-ce qu’en y faisant déjà – et en le faisant bien - ce pour quoi on est présent. C’est le début du Bien commun. C’est le premier pas vers un engagement futur, mais ce n’est pas encore cet Engagement qui transcende l’individu parce qu’exigeant un sacrifice élevé : le plus élevé qui soit.
Transcendance
Une fois de plus, l’École a oublié et elle ne sait plus dire ni faire à force d’avoir oublié. Il n’y a que dans l’engagement le plus total - ce qu’aucun contrat d’entreprise ne demande, ni aucun autre métier à l’exception de ceux de la sûreté intérieure et de la sécurité civile -, que l’on trouvera cette notion de transcendance dans son acception supérieure. Le propos ne vise en aucun cas à dévaloriser tout autre effort ou sacrifice, car ils existent bien mais sur une échelle de valeurs différente où la distinction est de nature non de degré. Une distinction qui impose de ne pas confondre un héros avec une victime et inversement.
On ne s’étonnera donc pas que cette transcendance si spécifique au monde des soldats fonde l’existence d’un Culte aux Armées. L’Aumônerie des Armées accompagne spirituellement les soldats jusque sur les théâtres d’opération. L’uniforme est le même mais les « armes » et les demandes ne le sont pas (2). Lorsque l’on côtoie le danger - y compris dans le quotidien de l’entraînement - et que la mort survient, la Vie n’est plus regardée de la même façon (3). Si tous les soldats ne sont pas croyants, tous découvrent au contact du danger et de la mort la question du sens à donner à leur vie comme à celle des autres. Les aumôniers militaires sont là pour apporter le réconfort moral et l’espérance en la Vie, lorsque cette découverte arrive prématurément, et que la brutalité, le stress, la peur, la solitude et le voisinage de l’horreur ne sont plus que l’horizon. La défense est aussi - et d’abord - intérieure.
L’Aumônerie des Armées est, en fait multiple. Elle se partage selon les principaux cultes représentés dans les rangs. Certaines de ces aumôneries sont anciennes : les cultes protestant et israélite. L’aumônerie musulmane est plus récente ayant été officiellement créée en 2005.
C’est évidemment l’aumônerie catholique qui demeure la plus importante du fait de l’existence d’un véritable Diocèse aux Armées, et par le nombre de prêtres qu’elle mobilise. Surtout, le calendrier militaire reste rythmé par les anniversaires des grandes batailles et par celui des saints patrons. Armées, Armes et services se sont ainsi placés sous le patronage d’un saint fêté chaque année dans les unités. Les armées demeurent le conservatoire de nos plus belles traditions, et nous rappellent notre enracinement comme notre attachement à une histoire et une culture chrétienne.
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Bibliographie
Interview de Monseigneur Antoine de ROMANET, Évêques du Diocèse aux Armées (France Inter, jeudi 26 juillet 2018)
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